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La guerre et ce qui s’ensuivit

temps de lecture 3 minutes 

morceau choisi

Ukraine – J 365

Il y a un an, le 24 Février 2022, la Russie tentait d’envahir l’Ukraine et déclenchait une guerre massacrante qui dure encore aujourd’hui.
Pour commémorer ce triste jour, j’ai choisi de reproduire ci-dessous un long extrait d’un terrifiant poème de Louis Aragon qui s’intitule ‘’La guerre et ce qui s’ensuivit’’, titre auquel je préfère celui qu’on lui donne parfois : ’’Tu n’en reviendras pas’’

Tu n’en reviendras pas
Louis Aragon, extrait

Les ombres se mêlaient et battaient la semelle
Un convoi se formait en gare à Verberie
Les plates-formes se chargeaient d’artillerie
On hissait les chevaux les sacs et les gamelles

Il y avait un lieutenant roux et frisé
Qui criait sans arrêt dans la nuit des ordures
On s’énerve toujours quand la manœuvre dure Continuer la lecture de La guerre et ce qui s’ensuivit

5-Aurélien et Bérénice : Un coup de Jarnac

Et voici maintenant la 5ème version de l’exercice :

5-Aurélien et Bérénice – Un coup de Jarnac
La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. Elle lui déplut, enfin. Il n’aima pas comment elle était habillée. Une étoffe qu’il n’aurait pas choisie. Il avait des idées sur les étoffes. Une étoffe qu’il avait vue sur plusieurs femmes. Cela lui fit mal augurer de celle-ci qui portait un nom de princesse d’Orient sans avoir l’air de se considérer dans l’obligation d’avoir du goût. Ses cheveux étaient ternes ce jour-là, mal tenus. Les cheveux coupés, ça demande des soins constants. Aurélien n’aurait pas pu dire si elle était blonde ou brune. Il l’avait mal regardée. Il lui en demeurait une impression vague, générale, d’ennui et d’irritation. Il se demanda même pourquoi. C’était disproportionné. Plutôt petite, pâle, je crois… Qu’elle se fut appelée Jeanne ou Marie, il n’y aurait pas repensé, après coup. Mais Bérénice. Drôle de superstition. Voilà bien ce qui l’irritait.
Il y avait un vers de Racine que ça lui remettait dans la tête, un vers qui Continuer la lecture de 5-Aurélien et Bérénice : Un coup de Jarnac

Aurélien et Bérénice : Un coup de baguette magique (2 : suite et fin)

Je ne vais pas résumer ce qui s’est passé avant ce qui suit. Vous n’avez qu’à le lire en  

CLIQUANT ICI

(…)

—Ah, Bérénice ! dit Roger qui avait des lettres car il n’avait manqué son baccalauréat que de peu. Bérénice ! Reine de Palestine, maitresse de l’empereur de Rome ! Bérénice, quel prénom magnifique, et quel excellent choix, mademoiselle !

Impressionnée, Yvonne avait commencé à se lever, lissant d’une main sa coiffure et de l’autre sa minijupe en lycra doré façon crocodile. Puis elle fit quelques pas chancelants vers le centre de la pièce tout en minaudant :

—Je suis confuse. Je manque un peu de sommeil ces temps-ci et j’ai dû attraper un petit rhume au Musée du Louvre… Je dois être affreuse…

—Mais non, mais non, répondit machinalement Roger tout en observant Yvonne dans le faisceau du projecteur que ce salaud de Francis venait d’allumer.

C’était la première fois que Roger voyait Yvonne en pleine lumière et dans sa totalité. Moi aussi. Il la trouva étonnamment laide. Moi, pareil. Ses traits étaient remarquablement asymétriques : son nez aiguisé s’incurvait du haut en bas vers la gauche et son menton pointu obliquait franchement dans la même direction comme pour suivre le mouvement initié plus haut. Semblable à un toit de chaume au-dessus d’une fenêtre en œil-de-bœuf, son sourcil droit, plus haut que le gauche, surmontait Continuer la lecture de Aurélien et Bérénice : Un coup de baguette magique (2 : suite et fin)

Aurélien et Bérénice : Un coup de baguette magique (1)

Il n’est pas nécessaire d’avoir lu les précédents « Aurélien et Bérénice » pour pouvoir lire ce texte. Sachez seulement qu’il s’agit d’un exercice de thème imposé : écrire une histoire originale commençant par l’incipit du roman Aurélien de Louis Aragon. Compte tenu de ce que je connais de votre capacité de concentration, je vous livre cet exercice en deux parties.

Aurélien et Bérénice : Un coup de baguette magique (1)

La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. Moi aussi d’ailleurs. Une histoire incroyable ! Il faut absolument que je vous raconte ça.

C’était l’aurore aux doigts de rose. Roger et moi, nous venions de faire la fermeture du Lapin à Gil. Imprégnés d’absinthe de contrebande et de bière éventée, nous descendions en varappe les pentes vertigineuses de Montmartre en nous appuyant aux murs élastiques des immeubles et aux rampes molles des escaliers de la Butte qui, de façon étonnante, s’obstinaient à nous repousser méchamment vers le milieu de la chaussée. Malgré les récifs, les vents contraires et la marée montante, les ailes du Moulin Rouge finirent par apparaitre à nos yeux hagards et assoiffés. La Place Pigalle, ses bars à filles, ses filles, sa fontaine et sa station du Métropolitain nous tendaient les bras dans le jour naissant. Mais la Régie Autonome dormait encore du sommeil sans rêve de l’ouvrier parisien et l’eau de la fontaine était notoirement trafiquée. Alors, il fallait bien que nous entrions dans l’un de ces estaminets minables qui s’empressaient autour de nous. L’un deux, fortuitement le plus proche, Continuer la lecture de Aurélien et Bérénice : Un coup de baguette magique (1)

Aurélien et Bérénice : Un coup pour rien

Si vous n’avez pas lu l’article d’avant-hier, ce serait le moment de le faire. Cliquez sur :

Aurélien et Bérénice : Un coup de foudre et Un coup du sort

 

3-Aurélien et Bérénice – Un coup pour rien

La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide.
La deuxième fois aussi d’ailleurs. Ses traits étaient remarquablement asymétriques : son nez aiguisé s’incurvait du haut en bas vers la gauche et son menton pointu obliquait franchement dans la même direction comme pour suivre le mouvement initié plus haut. Semblable à un toit de chaume au-dessus d’une fenêtre en œil-de-bœuf, son sourcil droit, plus haut que le gauche, surmontait un œil couleur café au lait, mais avec plus de lait que de café. Si son œil droit était pratiquement de la même couleur que le gauche, il s’obstinait à regarder dans une direction différente de celle de son faux jumeau. Cachées par des cheveux épais dont la couleur rappelait celle de ses yeux, quoiqu’avec un peu plus de café, ses oreilles demeuraient invisibles. Aurélien se dit que c’était préférable. Sa bouche et ses dents étaient chez elle ce qu’il y avait de plus réussi : il n’y avait pratiquement rien à leur reprocher.
Sur cette constatation encourageante, Aurélien se mit à considérer la silhouette de Bérénice. Malgré sa taille moins que moyenne, elle arrivait quand même à paraitre dégingandée. C’était l’effet de sa grande maigreur à laquelle s’ajoutait une légère scoliose idiopathique. Poitrine creuse, dos vouté, bras ballant, pas trainant, c’était sa posture coutumière.

Aurélien, lui-même, n’était pas un Apollon du Belvédère. Ce qu’on remarquait tout d’abord chez lui, c’était sa calvitie. Si elle ne concernait que le haut du crâne, elle en occupait cependant Continuer la lecture de Aurélien et Bérénice : Un coup pour rien

Aurélien et Bérénice : Un coup de foudre et Un coup du sort

Je vous ai déjà parlé de ce petit jeu, « Adoptez un Incipit », qui consiste à prendre la première phrase d’un roman, si  possible connu, et d’en faire la première phrase d’un texte original et personnel.
J’en avais exposé la théorie dans un célèbre article, « ADOPTEZ UN INCIPIT », et la pratique dans un texte « INCIPIT »
Vous pouvez lire ces deux textes en cliquant sur leur titre ci-dessous :

ADOPTEZ UN INCIPIT

 INCIPIT

 Aujourd’hui, je renouvelle l’exercice, mais en plus fort : avec le même incipit, celui du roman d’Aragon, Aurélien, je vous propose cinq textes :

 Aurélien et Bérénice – 1 – Un coup de foudre
Aurélien et Bérénice – 2 – Un coup du sort
Aurélien et Bérénice – 3 – Un coup pour rien
Aurélien et Bérénice – 4 – Un coup de baguette magique
et 

Aurélien et Bérénice – 5 – Un coup de Jarnac

qui commencent tous les cinq avec cette phrase :

« La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. »

Par pitié pour le lecteur exténué que vous êtes probablement, seuls les deux premiers textes vous sont livrés aujourd’hui. Le troisième le sera demain et le quatrième, réparti sur les deux jours suivants. Allons-y :

 1-Aurélien et Bérénice – Un coup de foudre

La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide.
La deuxième fois aussi d’ailleurs. Ses traits étaient remarquablement asymétriques : son nez aiguisé s’incurvait du haut en bas vers la gauche et son menton pointu obliquait franchement dans la même direction comme pour suivre le mouvement initié plus haut. Semblable à un toit de chaume au-dessus d’une fenêtre en œil-de-bœuf, son sourcil droit, plus haut que le gauche, surmontait un œil couleur café au lait, mais avec Continuer la lecture de Aurélien et Bérénice : Un coup de foudre et Un coup du sort

Le Poète et le Printemps

A partir de janvier 1968, les dirigeants de l’URSS suivent avec inquiétude l’évolution de la libéralisation en Tchécoslovaquie (cessation de la censure et de la surveillance par la police politique) menée par Alexander Dubcek. Cette période est appelée le Printemps de Prague. Après plusieurs tentatives de renversement de Dubcek, la Russie prépare l’invasion de la Tchécoslovaquie. Les puissances de l’OTAN regardent sans rien faire. Quelques intellectuels commencent à protester, aussitôt insultés par le Parti Communiste Français. L’intervention des chars soviétiques devient de plus en plus certaine. Depuis 1953, Aragon est Directeur de la revue Les Lettres Françaises qui appartient au Parti Communiste. Le 1er aout 1968, Paul Morand rencontre Claude Gallimard qui lui dit :

« Aragon s’est efforcé de fonder un comité franco-tchèque, pour sauter dans le dernier wagon. Les tchèques ont répondu qu’il avait accepté sans broncher le régime stalinien et qu’ils ne voulaient pas de lui. »(1)

Le 21 aout, les armées du Pacte de Varsovie envahissent la Tchécoslovaquie mettant fin pour vingt ans au Printemps de Prague.

(1) Paul Morand – Journal inutile – 1er août 1968

ET DEMAIN, L’HOTEL BOUTET