La guerre et ce qui s’ensuivit

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morceau choisi

Ukraine – J 365

Il y a un an, le 24 Février 2022, la Russie tentait d’envahir l’Ukraine et déclenchait une guerre massacrante qui dure encore aujourd’hui.
Pour commémorer ce triste jour, j’ai choisi de reproduire ci-dessous un long extrait d’un terrifiant poème de Louis Aragon qui s’intitule ‘’La guerre et ce qui s’ensuivit’’, titre auquel je préfère celui qu’on lui donne parfois : ’’Tu n’en reviendras pas’’

Tu n’en reviendras pas
Louis Aragon, extrait

Les ombres se mêlaient et battaient la semelle
Un convoi se formait en gare à Verberie
Les plates-formes se chargeaient d’artillerie
On hissait les chevaux les sacs et les gamelles

Il y avait un lieutenant roux et frisé
Qui criait sans arrêt dans la nuit des ordures
On s’énerve toujours quand la manœuvre dure
Et qu’au-dessus de vous éclatent les fusées

On part Dieu sait pour où ça tient du mauvais rêve
On glissera le long de la ligne de feu
Quelque part ça commence à n’être plus du jeu
Les bonshommes là-bas attendent la relève

Le train va s’en aller noir en direction
Du sud en traversant les campagnes désertes
Avec ses wagons de dormeurs la bouche ouverte
Et les songes épais des respirations

Il tournera pour éviter la capitale
Au matin pâle on le mettra sur une voie
De garage. Un convoi qui donne de la voix
Passe avec ses toits peints et ses croix d’hôpital

Et nous vers l’est à nouveau qui roulons. Voyez
La cargaison de chair que notre marche entraîne
Vers le fade parfum qu’exhalent les gangrènes
Au long pourrissement des entonnoirs noyés

Tu n’en reviendras pas toi qui courais les filles
Jeune homme dont j’ai vu battre le cœur à nu
Quand j’ai déchiré ta chemise et toi non plus
Tu n’en reviendras pas vieux joueur de manille

Qu’un obus a coupé par le travers en deux
Pour une fois qu’il avait un jeu du tonnerre
Et toi le tatoué l’ancien légionnaire
Tu survivras longtemps sans visage sans yeux

Roule au loin roule train des dernières lueurs
Les soldats assoupis que ta danse secoue
Laissent pencher leur front et fléchissent le cou
Cela sent le tabac la laine et la sueur

Comment vous regarder sans voir vos destinées
Fiancés de la terre et promis des douleurs
La veilleuse vous fait de la couleur des pleurs
Vous bougez vaguement vos jambes condamnées

Vous étirez vos bras vous retrouvez le jour
Arrêt brusque et quelqu’un crie ‘’Au jus là-dedans !’’
Vous bâillez, vous avez une bouche et des dents
Et le caporal chante ‘’Au pont de Minaucourt’’

Déjà la pierre pense où votre nom s’inscrit
Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places
Déjà le souvenir de vos amours s’efface
Déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri

 

7 réflexions sur « La guerre et ce qui s’ensuivit »

  1. « « si vous voyez ce que je veux dire… »Absolument pas… »
    Désolé pour la subtilité, c’est à dire de regarder trop sommairement de multiple vidéo sans en prendre la mesure et en s’exclamant. Contre quoi comme toi il n’y a pas de quoi s’en formaliser. Ça demeure un autre vision intéressante introspectivement parlant.

  2. « si vous voyez ce que je veux dire… »Absolument pas…

  3. Celui qui s’ennoblit de la guerre ne pense plus, c’est le conditionnement qui le ploie de sa nécessité. Pour s’en convaincre nous pouvons le soumettre au avantage du plaisir de vivre sans la promotion du nécessaire besoin social, mais de l’affection qui le relie au autre à l’altérité. Car c’est au prix de l’expérimentation heureuse que notre sensibilité arborera les relations permettant la responsabilité nécessairement complexe de nos gestes dans la différence qui nous enrichi d’avantage que dans la soumission. Tapez Boris Cyrulnique et pensez par soi-même dans vos moteurs de recherche, sans vous fiez à eux, si vous voyez ce que je veux dire, ou n’importe quel de ses conférences et si vous n’êtes pas étonné de ce qu’il révèle de l’humanité alors où sommes nous?

  4. Les première et deuxième guerres mondiales, c’était avant-hier et hier.
    Mais la guerre d’Ukraine, c’est aujourd’hui et demain.

  5. Voici le commentaire que Jim, censuré dit-il par le Sphynx de garde, ne parvient pas à placer et me prie d’insérer a sa place :
    « Bonjour Philippe,
    Il n’aura certainement pas échappé à la clairvoyance des lecteurs du JDC que la voix perspicace de Jim était devenue atone. La raison est qu’une censure évidente lui est imposée par le sinistre Captcha. Depuis quelques jours, une fois que son commentaire est écrit et que l’autorisation de paraître est humblement demandée au contrôleur Captcha, le compteur bleu enclenche sa rotation interminable et scandaleuse.
    Voici donc le commentaire qu’il souhaitait faire aujourd’hui à la suite du poème d’Aragon:
    « Oh Barbara
    Quelle connerie la guerre »
    C’est pas long, merci de transcrire ces deux vers à leur place légitime.
    Bien à toi,
    Jim »

  6. Ce poème est sublime et sinistre. Il dit l’horreur absolue qu’ont connue nos parents et que notre génération a eu la chance de ne pas connaitre mais portera toujours comme une culpabilité dont elle n’est pas responsable.
    Peut-être est-ce la différence entre notre génération et les suivantes qui ne connaissent pas et ne veulent surtout pas connaitre le passé.
    Est-ce bien ? Est-ce mal ?

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