Archives mensuelles : décembre 2017

Princesse palatine : 3- De choses et d’autres 

Si vous ne savez plus très bien qui était la princesse palatine, reportez-vous à la note de bas de page. Sinon, lisez directement cet extrait de sa correspondance.

2 septembre 1696
Versailles

(…) À Paris, les voleurs ont affiché un placard portant ceci : «jusqu’ici nous n’avons fait que voler, mais si on continue de rouer ceux qu’on prendra de nous autres, nous tuerons et ne ferons quartier à personne » ; et dans le fait ils commencent à assassiner le monde. J’en suis toute angoissée à cause de mon fils qui aime tant se promener la nuit à Paris…

Si l’on peut recouvrer sa virginité après n’avoir pas pendant dix-neuf ans, couché avec son mari, pour sûr je suis redevenue vierge (…)

Note

Lorsqu’elle arrive d’Allemagne à la Cour de Louis XIV en 1672 en tant qu’épouse du frère du roi, Elisabeth-Charlotte du Palatinat a 20 ans. Par son mariage, cette princesse palatine devient Madame, duchesse d’Orléans. Voici le portrait qu’en faisait Saint-Simon :

« Madame tenait beaucoup plus de l’homme que de la femme ; elle était forte, courageuse, Allemande au dernier point, franche, droite, bonne, bienfaisante, noble et grande en toutes ses manières ; petite au dernier point sur tout ce qui regardait ce qui lui était dû : elle était sauvage, toujours enfermée à écrire, dure, rude, se prenant aisément d’aversion ; nulle complaisance, nul tour dans l’esprit, quoiqu’elle ne manquât pas d’esprit ; la figure et le rustre d’un Suisse; capable avec cela, d’une amitié tendre et inviolable. »

ET DEMAIN, UN COLLAGE DE SEBASTIEN

Anna, une vie brève

Anna, une vie brève

1

Un vacarme continuel, une odeur de soupe et partout de la laideur. Voilà ce qu’Anna se rappelle lorsqu’elle pense à son enfance. Elle revoit aussi ses frères galopant dans l’escalier, sa mère pleurant et son père vociférant en vain. Et pas un coin où on puisse être seul, où on échappe à la promiscuité.

Pire que tout, il y avait l’abattoir planté là-bas, juste au bout du jardin. Son père y travaillait. Elle n’a jamais pu effacer de sa mémoire la peur des animaux, leurs cris et le sang, le sang qu’elle avait vu deux ou trois fois, par un malheureux hasard.

Elle a quinze ans. Elle est toujours petite et frêle mais les garçons lui jettent maintenant des regards obliques.  Elle essaie de leur échapper, rase les murs, marche vite.  Ces changements lui font un peu peur mais elle se trouve jolie.

Elle voudrait tant qu’autour d’elle cela change aussi : plus d’affreux abattoir, de gens vulgaires, trop gros, trop maigres. Si seulement elle avait quelque chose de beau à se mettre sous les yeux…

2

La chambre immense est froide.  Anna ne s’attendait pas à ça. Dans la famille de Marc, «  on la réserve aux jeunes mariés » a dit sa belle-mère.  Elle ne sait ce qui est pire : l’affronter ou voir ses parents si étranges parmi ces gens raffinés…

Mais la voilà dans cette chambre somptueuse avec son lit garni de velours et ses Continuer la lecture de Anna, une vie brève

Ah ! Les belles boutiques – 21

Zoetrope Cafe
916 Kearny Street, North Beach, San Francisco,

Ce n’est pas vraiment pour le Café Zoetrope que je publie cette photo aujourd’hui. Certes, sa façade a tout d’un de ces restaurants traditionnels que j’affectionne, et le coup d’œil que j’ai donné à l’intérieur a confirmé mon impression d’un établissement respectable, confortable et italien. Ce qui m’attire dans cette photo c’est plutôt tout l’immeuble que son rez-de-chaussée. Il s’appelle au choix Columbus Tower ou Sentinel Building (Architecte : Salfield and Kohlberg). En cours de construction en 1906, il a résisté au grand tremblement de terre et à l’incendie qui ont détruit une grande partie du centre de San Francisco cette année-là. Le bâtiment fut terminé en 1917. C’est la Société de production de Francis Ford Coppola, American Zoetrope qui l’occupe depuis 1972, et c’est en référence à Coppola que le restaurant italien, créé en 1999, a trouvé son nom.

En deuxième plan sur la photo, on peut voir la Transamerica Pyramid ou Transamerica Tower (Architecte : William Pereira). Achevé en 1972, cette tour aura été longtemps la plus haute de San Francisco (324 mètres, dont 64 d’antenne) jusqu’à ce que la Salesforce Tower (326 mètres), en cours d’achèvement, la dépasse.

La série « Ah ! les belles boutiques »
L’objectif : rendre hommage aux commerçants qui réussissent à conserver l’aspect traditionnel de leur façade de magasin, et les encourager à persévérer.
Le contenu : une photo de la devanture d’un magasin, avec si possible l’adresse et, très éventuellement, un commentaire sur la boutique, ou son histoire, ou son contenu, ou sur l’idée que s’en fait le JdC.

ET DEMAIN, UN TEXTE DE MARIE-CLAIRE, ANNA

Les Plateaux de Buren – Critique aisée n°108

Critique aisée n°108

Vous, vous avez toujours appelé ça les « Colonnes de Buren », mais en fait le titre donné par l’artiste à cette œuvre est « Les Deux Plateaux ». Il y a une explication à cela, mais c’est plutôt rasoir.

Avec Klein suivi de près par Arman, j’avais entamé il y a peu une petite série de photographies intitulée « Les bidons de l’Art « . La photographie que je vous présente aujourd’hui aurait fort bien pu en constituer le troisième élément car voici, selon moi, un très joli exemple d’art bidon. Mais Buren, ses plateaux, ses colonnes et le reste de son œuvre méritaient plus que ça. Alors, voilà :

Commandé en 1983 par François Mitterrand à Daniel Buren sous l’impulsion de Jack Lang, alors Ministre de la Culture, cette installation a déclenché de nombreuses polémiques dès la publication du projet. Les travaux ont été stoppés sous la présidence de Jacques Chirac, et le projet de destruction de ce qui avait été réalisé a failli aboutir. Il a finalement été abandonné devant l’assignation lancée par Buren contre François Léotard, successeur de Lang au ministère de la culture, sur la base du droit moral de l’artiste sur son œuvre. Le projet a donc été mené à son terme, et même rénové entièrement tout récemment.

On ne peut associer les noms de Buren et de Lang sans évoquer ce bruit qui a couru très fort en son temps : en 1983, au moment où Jack Lang passait commande des colonnes, les parents de Daniel Buren lui vendaient leur appartement de la Place des Vosges pour une somme dont la modicité pourrait s’expliquer par la générosité de la commande de l’Etat. Je ne sais absolument pas si cela est la vérité, mais ça y ressemble tellement !

Revenons à l’art, ou à l’esthétique, ou appelez ça comme vous voulez.

Les quelques oeuvres que j’ai pu voir de Buren ne m’ont inspiré ni beaucoup d’émotion ni beaucoup d’admiration.

Tout d’abord, les colonnes : leur très onéreuse répétitivité donne une impression de sécheresse, de désert, d’apocalypse froide.  Par ailleurs, on a le droit de se demander ce que viennent faire là les profondes tranchées qui sillonnent le plateau, pratiquement invisibles et parcourues d’eau, sinon de permettre au passant d’y jeter sa cigarette comme dans un vulgaire caniveau.

Ensuite, quelques panneaux verticaux d’altuglass (ou équivalent) à la —par ailleurs très intéressante— Galleria Continua de Boissy-le-Chatel, m’ont fait penser irrésistiblement à un présentoir-nuancier de panneaux de salle de bain chez Leroy-Merlin.

Et puis, l’énorme exposition Monumenta au Grand Palais, avec son accumulation de disques d’altuglass (encore) placés à différentes hauteurs au-dessus des visiteurs comme d’énormes parasols plats décorés à la manière « sucette rock », un peu migraineux, ou un peu écœurant selon les tempéraments.

Enfin, la transformation ­—heureusement provisoire— par collage de film aux couleurs habituelles sur les magnifiques voiles transparentes de la Fondation Louis Vuitton au Bois de Boulogne, devenues de la sorte une gigantesque papillote pour bonbon acidulé.

Dans les oeuvres de Buren, Ludovic Moreeuw, son biographe, voit ceci :

« Les œuvres de Buren, qui se mesurent à un ensemble de questions liées à la perception, la couleur, l’architecture ou les relations spatiales, visent à permettre une perception directe et à provoquer une réponse sollicitant la sensibilité et la réflexion du spectateur. Son art envahit l’espace pour en révéler les limites à la fois spatiales, institutionnelles et esthétiques.« 

Et Daniel Buren lui-même y voit cela :

« (une) transformation du lieu d’accueil faite grâce à différentes opérations, dont l’usage de mon outil visuel. Cette transformation pouvant être faite pour ce lieu, contre ce lieu ou en osmose avec lui, tout comme le caméléon sur une feuille devient vert, ou gris sur un mur de pierres. Même dans ce cas, il y a transformation du lieu, même si le plus transformé se trouve être l’agent transformateur. Il y a donc toujours deux transformants à l’œuvre, l’outil sur le lieu et le lieu sur l’outil, qui exercent selon les cas une influence plus ou moins grande l’un sur l’autre. »

En fait, moi qui n’ai reçu aucune éducation artistique, ce que je vois dans l’œuvre de Buren, c’est la volonté de jouer avec les effets d’optique, vingt ans après que Vasarely ait commencé à lasser tout le monde, avec les couleurs de supermarché des années 50 et, comme trop d’artistes contemporains, avec les accumulations, les répétitions et les déclinaisons d’une seule idée. Mais laquelle ?

Truffaut vs Godard

La sortie en septembre dernier du film Le Redoutable d’Hazanavicius, que je n’ai pas encore vu à l’heure où je rédige cette introduction, et une conversation récente entre amis à la campagne autour de Jean-Luc Godard me font écrire ces quelques lignes.

Je n’aime pas Godard.

Après le choc extraordinaire d’A bout de souffle  et le plaisir léger d’Une femme est une femme, Godard ne m’a jamais plus fait vraiment plaisir au cinéma. Bien sûr, après, il y eu Le Mépris. Mais à ma grande honte, je m’étais plutôt ennuyé à Pierrot le fou. Je ne l’avais pas dit à l’époque et j’ose encore à peine le faire aujourd’hui. Après Pierrot, j’ai laissé tomber.

Mais ce qui me déplait le plus chez Godard, Continuer la lecture de Truffaut vs Godard