Archives mensuelles : octobre 2017

Ah ! les belles boutiques – 14

Le Point du Jour
58 rue Gay-Lussac – Paris 5°

La façade de ce petit libraire n’a rien d’extraordinaire, mais ce qu’elle a de particulier, c’est que tous les matins, le propriétaire dispose sur le trottoir de cette célèbre rue soixante-huitarde une partie de son stock de livres d’occasion. Comme on peut le voir, la présentation en est soignée. Il est presque exclusivement consacré au syndicalisme, aux luttes sociales, révolutions ouvrières, essais sur le capitalisme, sur les phalanstères et toute cette sortes de choses. Je ne suis entré qu’une seule fois dans sa boutique pour y acheter un exemplaire de poche et d’occasion de « Pourquoi j’ai mangé mon père » de Roy Lewis, un roman très original, extraordinairement drôle et philosophique, traduit de l’anglais par Vercors, sur l’évolution de l’homme face au progrès. Une fois à l’intérieur, je m’étais demandé comment le propriétaire trouvait la place de ranger le soir son stock extérieur dans le magasin, déjà envahi de piles de livres. Je n’ai toujours pas la réponse, mais ce que je sais, c’est que tous les soirs, il le fait.

La série « Ah ! les belles boutiques »
L’objectif : rendre hommage aux commerçants qui réussissent à conserver l’aspect traditionnel de leur façade de magasin, et les encourager à persévérer.
Le contenu : une photo de la devanture d’un magasin, avec si possible l’adresse et, très éventuellement, un commentaire sur la boutique, ou son histoire, ou son contenu, ou sur l’idée que s’en fait le JdC.

ET DEMAIN, HHH, CINQUIEME PARTIE, RICHARD DUNBAR

HHH, NYC, USA (4) – Harry Weissberg

4-Harry

Harry est responsable de la région WEST-USA. C’est un solide gaillard, ancien quaterback de l’équipe de Vermont University. Il a trente-huit ans, il est divorcé depuis quatre ans et ses enfants vivent avec son ex-femme du coté de Denver, Colorado. C’est un joyeux drille, un bon skieur et un excellent golfeur. Depuis son divorce, il habite une sorte de loft dans un quartier prometteur, Brooklyn, et il passe pratiquement tous ses week-ends au Sebonack Golf Club dans les Hamptons. La région WEST-USA dont il est responsable marche très fort. Cependant, il a manqué les deux dernières réunions bimensuelles, celle de fin juillet et celle de mi-août. Pour la première, il avait expliqué à Bob qu’il avait des rendez-vous importants et prometteurs avec des distributeurs de San Diego et de Portland. Pour la deuxième, le motif invoqué étaient des vacances prévues de longue date avec ses enfants. En réalité, l’ancien footballeur, joyeux célibataire et golfeur recherché essayait de régler son problème d’alcool. Depuis cinq ou six mois, il commençait à être voyant et risquait de devenir gênant, ne serait-ce que dans son travail. Sur les conseils d’une amie du moment, il s’est laissé convaincre de s’inscrire pour un séminaire de désintoxication. La brochure indiquait Continuer la lecture de HHH, NYC, USA (4) – Harry Weissberg

HHH, NYC, USA (3) – Mary Dickinson

3-Mary

Mary Dickinson est responsable depuis deux ans de la région EUROPE-AFRIQUE. C’est une grande et belle femme brune, toujours habillée strictement. Aujourd’hui, elle a choisi un tailleur Chanel noir. Elle a eu trente-quatre ans à Noël. Elle est célibataire et on ne lui connait pas de liaison. Elle a d’ailleurs refusé, et pas toujours aimablement, les avances que lui ont faites à peu près tous les hommes présents dans la salle. Depuis, le bruit court qu’elle est gay. Elle le sait. Au début, elle n’a fait que s’en moquer, et puis, elle s’est aperçue que, tout en lui donnant encore plus d’autorité, ça lui évitait d’avoir à subir de nouvelles avances. Elle ne fait donc rien pour démentir la rumeur. En réalité, il y a un peu moins d’un an, elle a rencontré dans un pub de Londres un restaurateur de Mayfair. Stavros est né à Athènes et il possède le restaurant italien le plus chic de Londres. Il a cinquante et un ans. Elle le retrouve à chaque fois qu’elle peut dans son appartement de Bankside, entre la Tamise et le Shakespeare’s Globe Theater. De temps en temps, Continuer la lecture de HHH, NYC, USA (3) – Mary Dickinson

Le sens de la fête – Critique aisée n°102

Le sens de la fête
Eric Toledano et Olivier Nakache -2017
Bacri, Lellouche, Rouve

Il y a de bons acteurs : Jean-Pierre Bacri dans son rôle éternel de râleur mais gentil, Lellouche et son aisance de beauf dragueur mais sensible, Eye Haïdara, une belle jeune femme noire au physique étrange et au vocabulaire chargé, et quelques autres tout aussi bons, un marié, insupportable, sa mère, adoratrice, deux ou trois serveurs, abrutis, quelques extras, tamouls, un photographe, sans gêne, un stagiaire, illuminé, un gendarme, au phrasé de gendarme, tout cela très bien.

L’idée est bonne aussi : l’organisation d’une somptueuse réception de mariage. Il y avait eu l’excellent « Un mariage » de Robert Altman et le grinçant « Mariages !  » de Valérie Guignabodet. Il y avait eu aussi bien sur les célèbres « Branquignols » (Robert Dhéry – 1950), qui décrivait le sabotage grandiose d’une réception. « Le sens de la fête » serait assez dans la ligne des Branquignols, sans atteindre à l’absurde et au délire dont la troupe de Robert Dhéry avait le secret (à voir absolument : Les Belles Bacchantes) : ici le sabotage sera involontaire et du fait d’une brigade d’incapables et de caractériels.

Quelques situations sont drôles, mais je ne les décrirai pas pour ne pas gâcher (spoiler) votre plaisir ; il y a un très beau moment visuel, un envol, je n’en dirai pas plus. Malgré la bêtise de certains personnages, rien n’est méchant, ni aigre, ni vulgaire, ni cliché. On n’est pas dans la farce non plus, on évite le gag de la tarte à la crème, et tout idiots qu’ils soient, les personnages sont sympathiques.

Mais la comédie ne prend pas vraiment et reste au niveau d’une succession de scènes, isolément assez réussies. Est-ce parce que le film est trop long (1h57) ou parce qu’il manque un fil, une intrigue, une évolution ?

Voyez-vous-même. Car, si vous voulez, ce film, vous pouvez le voir.

HHH, NYC, USA (2) – Bob Martinoni

2—Bob

Bob Martinoni a quarante-cinq ans. Il est marié depuis quinze ans à Erlina, la fille unique d’une riche famille, les Gallagher. Lui, d’origine italienne, elle, d’origine irlandaise, tous deux catholiques, ils n’ont pas pu avoir d’enfant. Ils ont tenté sans succès diverses méthodes, puis ils ont envisagé l’adoption, mais ils ont fini par se faire une raison et renoncer. Erlina ne travaille pas. Elle dépense beaucoup d’argent et s’occupe de quelques œuvres. Ils habitent un grand appartement à l’angle de la 68ème et de Central Park Ouest. La vue sur Sheep Meadow est magnifique. Bien sûr, le salaire de Bob, pourtant appréciable, ne lui permettrait pas de s’offrir le standing d’un tel appartement. S’ils y habitent, c’est parce que Alastar Gallagher, le père d’Erlina, est propriétaire de tout l’immeuble. D’ailleurs, le vieux tyran en occupe le dernier étage. Ce n’est pas l’argent qui motive Bob ; il est déjà très bien payé par les Big H’s et il sait qu’inévitablement, dans quelques années, sa femme héritera d’un très gros paquet. Non, ce qui le fait avancer, ce pourquoi il travaille d’arrache-pied à grimper dans la hiérarchie du groupe, c’est qu’il veut faire oublier qu’il n’est pour tout le monde qu’un ex-beau gosse d’italien qui a épousé une riche héritière, c’est qu’il veut obtenir l’estime de sa femme, et un peu de considération de la part de son beau-père.

—Bonjour, commence Bob, <<…bon, va falloir faire gaffe, le grand chef apache est là … tiens ! je vais faire passer Miss Lesbos en premier, ça lui fera les pieds…>> J’espère que vous avez passé un meilleur week-end que moi : j’ai consacré le mien à chercher la blague avec laquelle je commencerai cette réunion…

Quelques rires discrets et polis saluent la plaisanterie rituelle par laquelle doit commencer toute réunion aux Etats Unis.

<<…marrant, je la connaissais pas celle-là…meilleure que d’habitude… je la recaserai au prochain congrès… il devient rigolo, Bob… faudrait que je pense à l’augmenter, mon petit V.P…>>

—Comme d’habitude, cette réunion durera quatre-vingt minutes, pas davantage. Dick, tu voudras bien rédiger le compte-rendu ?

<<…ah, non, merde ! J’aurai jamais le temps. Faut que je prenne le vol de 11 :45 pour Mexico. Fais chier, Bob…>>

—Pas d’objection ? Merci, Dick. Bien, aujourd’hui, poursuit Bob, nous allons commencer avec Mary qui va nous parler de sa région. Mary, tu as quatre minutes entièrement à toi.

La suite, après-demain 7 octobre

ET DEMAIN, LE SENS DE LA FETE, CRITIQUE AISÉE N°102

Happy end – Critique aisée n°101  

Happy end
Michael Haneke – 2017
Isabelle Huppert, Jean-Louis Trintignant

Le sujet est banal : une famille bourgeoise de Calais, les Laurent, très riches, très bourgeois, très province.

Le genre n’est pas original : une comédie du genre « Pièce grinçante » d’Anouilh, c’est-à-dire pas une comédie, mais pas un drame non plus, juste de quoi se moquer de manière consensuelle des turpitudes des gens.

L’histoire est métaphorique : un effondrement sur un chantier de travaux publics va, sinon provoquer, du moins accélérer l’effondrement de la famille Laurent.

Le point de vue est double : un narrateur omniscient et silencieux qui passe d’un personnage à l’autre et une jeune fille de 13 ans, troublante et perturbée, surement la meilleure performance de comédien du film.

La position morale ou politique n’est pas trop manichéenne, mais quand même : les bourgeois sont des méchants ; il n’y en a pas un, y compris la petite fille, pour Continuer la lecture de Happy end – Critique aisée n°101  

HHH, NYC, USA (1) – Room 1101

Alexandre Vialatte disait de lui-même qu’il était un écrivain « notoirement méconnu ». Eh bien, c’est exactement ce que je dirais de cette nouvelle, et c’est comme cela que je  justifierai sa deuxième publication avec deux ans d’écart. Par ailleurs, je vous prierai de ne pas la confondre avec HHhH, de Laurent Binet, Prix Goncourt du premier roman 2010. C’est agaçant à la fin !

HHH Building
610 Madison Ave
New York, NY 10022

 1—Room 1101

La salle de réunion du département Sales & Marketing porte le numéro 1101. Elle est située au onzième étage de la tour HHH qui en comporte vingt-trois. Elle est confortable, mais son aménagement reste modeste et purement fonctionnel. Quand on s’approche des baies vitrées, on peut apercevoir sur la gauche une partie de la façade du Plaza et quelques arbres de Central Park. Mais la plus grande partie de la vue est bouchée par la tour CRAW qui n’est qu’à une vingtaine de mètres de l’autre côté de la 58ème. En cette belle matinée de la fin du mois d’août, le soleil se réfléchit sur la façade de l’immeuble d’en face et vient inonder la salle d’une lumière bleuâtre. La météo a annoncé Continuer la lecture de HHH, NYC, USA (1) – Room 1101

Demain sur votre écran

Le Journal des Coutheillas est fier de vous proposer une nouvelle projection de HHH,NYC,USA.
Cette reprise se fera en 11 épisodes projetés tous les deux jours à partir de demain matin.

Dans les rôles principaux, on retrouvera les plus grandes stars d’Hollywood qui, rappelons-le, ont accepté de ne pas prendre de cachet pour le seul honneur de figurer dans cette superproduction :

Dean Martin (Bob Martinoni)
Seagourney Weaver (Mary Dinckinson)

Paul Newman (Harry Weissberg)

John Goodman (Richard Dunbar)

Jafar Panahi (Bahram Bogatchi)

Chris Elliott(Robert Paulsen)

Sammy Davis (David Cosby)

Edward Fox (Christopher Fagan)

Mark Ruffalo( Ricardo Huelva)

et Gregory Peck (Geronimo Huge)

LE VENT SANS LES VOILES

Avertissement
Ce « Vent sans les voiles » est ma deuxième (et restera probablement ma seconde) expérience théâtrale. La première fut cette tragédie néo-grecque dont le titre n’est pas resté dans toutes les mémoires : « Homéotéleute et Polyptote ». Sans doute bien trop ambitieux et bien trop en avance sur son époque, mon Homéotéleute n’a pas été accepté par un public cramponné à ses habitudes culturelles qui le ramènent inexorablement aux vaudevilles, comédies de boulevard, duos comiques  et autres âneries non subventionnées. 
Il veut du théâtre de boulevard, le Public ? Eh bien, je vais lui en donner, moi, du théâtre de boulevard. Voici donc « Le vent sans les voiles« , comédie en cours d’écriture pour un nombre variable de comédiens en un nombre indéterminé d’actes, de coups de théâtre et de scènes de ménage.

Je déclare formellement ici que je ne me sens tenu par aucune contrainte relative à la logique, la vraisemblance, le respect des bonnes mœurs et de la syntaxe. Je tiens également à préciser que je ne garantis pas que cette œuvre aura une fin, ou même qu’elle ira au-delà de la première scène du premier acte.

Vous êtes prévenu : vous qui entrez ici, quittez tout esprit critique et éteignez vos smartphones. Merci d’avance.
Henri Ratinet

 LE VENT SANS LES VOILES

Comédie en gestation et quelques actes

par Henri Ratinet

Liste (provisoire) des personnages

-Henri, auteur dramatique

Acte I – Scène I

Un salon néo-bourgeois-bohème. Côté cour, une porte style western donne sur la cuisine. Au centre, une porte à deux battants ouvre sur une entrée et sans doute sur le reste de l’appartement. Côté jardin, une grande fenêtre. Au beau milieu de la scène, contre la rampe, faisant face aux coulisses, un bureau des années 50. Sur le bureau, un MacBook ouvert dont l’écran est allumé. Le reste du mobilier, canapé, table haute, table basse, fauteuil, chaise, bibliothèque, télévision sera de styles divers. Aux murs, un grand plan du métro de New-York dessiné au rouge à lèvres, et quelques autres œuvres contemporaines. Quand le rideau s’ouvre, c’est le petit matin. La scène est vide. A travers la porte fermée, on entend un homme qui parle fort. Il est en colère :

HENRI

—Eh bien pars, si tu veux, pars, qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Fiche le camp, retourne chez ta mère, tu lui donneras bien le bonjour de ma part à la Madone de Villetaneuse ! Ou mieux, va chez ton  Continuer la lecture de LE VENT SANS LES VOILES