Archives mensuelles : septembre 2017

Nostalgie 17 – Dinky Toys

Dinky toys
Cette marque était spécialisée dans la production de maquettes d’automobiles au 1/42 ème, fabriquée d’abord en plomb puis en zamac (alliage Zn/Al/Mg ; il n’est jamais trop tard pour apprendre quelque chose)
J’en avais une raisonnable collection, d’une cinquantaine d’exemplaires. J’étais très exigeant sur la marque Dinky Toys, ne supportant pas les Solido, les JRD et encore moins les Norev. J’en avais de toutes sortes, des voitures, des camionnettes, des camions spécialisés. Après le passage de mes enfants, et surtout celui de cambrioleurs, il ne me reste que six modèles, dont un inestimable camion des British Railways pour le transport des chevaux.
La marque a disparu en 1970.
La photographie représente un semi-remorque aux couleurs de Kodak. Le tracteur est de marque Panhard.

Kodak
L’ex-géant de la photographie, créé en 1881 par George Eastman, a déposé son bilan en janvier 2012.

Panhard
Etabli en 1891, ce construteur automobile a été racheté par Citroën en 1965. La marque Panhard a disparu en 1967.

Dinky… Kodak…Panhard…
On a des raisons d’être nostalgique, non ?

ET DEMAIN, LE VENT SANS LES VOILES, UNE COMEDIE INACHEVEE

Ah ! les belles boutiques – 13

J. Feuillet
Rue de la Porte Jaune – Bourges

A Bourges, les « belles boutiques » ne manquent pas. Celle-ci était fermée, ce qui permet d’admirer la délicatesse de la patine ancienne. Pour un restaurateur de meubles, c’était la moindre des choses .

La série « Ah ! les belles boutiques »
L’objectif : rendre hommage aux commerçants qui réussissent à conserver l’aspect traditionnel de leur façade de magasin, et les encourager à persévérer.
Le contenu : une photo de la devanture d’un magasin, avec si possible l’adresse et, très éventuellement, un commentaire sur la boutique, ou son histoire, ou son contenu, ou sur l’idée que s’en fait le JdC .

 

ET DEMAIN, UNE NOUVEAU SCOOP SUR  WILLIAM SHAKESPEARE

¿ TAVUSSA ? (30) La Loi, entre vous et nous

Comme chaque année, le Sénat sponsorise l’installation de grands placards sur les grilles du Jardin du Luxembourg le long de la rue Médicis. J’ai toujours reproché à ces panneaux d’empêcher la vue sur les jardins, et j’avais proposé qu’au lieu de photos d’insectes répugnants ou de trognes rubicondes d’artisans en pleine activité, on y présente de grandes photographies de ce qu’on pourrait voir du jardin si les panneaux n’étaient pas là. Je n’ai pas été écouté, ni même entendu.

Ainsi, voici une nouvelle exposition d’une quarantaine d’agrandissements d’aquarelles de Noëlle Herrenschmidt. Elles représentent des palais, des salles et des scènes de la vie publique où la loi s’élabore, se discute, se vote et s’applique. L’exposition se tiendra du 16 septembre au 14 janvier 2018. Vous avez tout le temps.

Tout cela est assez joli et traite avec un grand respect ces lieux et ces hommes (et ces femmes, oui, d’accord, d’accord) qui font la loi. Je n’ai rien contre ce respect. Je serais même plutôt favorable à la pompe, pourtant souvent désuète et parfois ridicule, qui entoure tout cela. Il est toujours bon d’impressionner le peuple. En tout cas, moi, ça m’impressionne.

Cependant, dans cette exposition, un détail me perturbe. C’est le titre :

LA LOI, entre vous et nous

Qu’est-ce qu’on entend par là ?

Pour moi, bien sûr, il ne fait pas de doute que, dans l’esprit de l’auteur, ce « vous« , c’est vous, c’est moi, c’est nous, nous qui Continuer la lecture de ¿ TAVUSSA ? (30) La Loi, entre vous et nous

Les nouvelles aventures de William Shakespeare (6)

Durant toute sa carrière, le barde de Stratford fut accusé de faire écrire ses pièces par quelqu’un d’autre. Plus de quatre cents ans après sa mort, perdurent encore les engueulades mémorables entre érudits de tous poils sur le sujet de savoir qui a vraiment écrit Macbeth, Hamlet, Jules César et tout le toutim. On ne compte plus les magazines littéraires, les thèses universitaires et même les tabloïdes britanniques farcis des envolées lyriques de ceux qui soutiennent que c’est Francis Bacon qui est l’auteur du Songe d’une nuit d’été, des répliques méprisantes des tenants du VIème comte de Derby, des diatribes interminables des supporters du Comte d’Oxford, et des quolibets cinglants des adeptes de Marlowe. Sans parler des exclamations de ceux qui jurent que c’est la reine elle-même, Elizabeth 1ère, qui a écrit « La tragédie de Romeo et Juliette« . Assertions ridicules, prétentions extravagantes, mensonges éhontés que tout cela ! Comment voulez-vous qu’une Reine, aussi vierge soit-elle, ou un philosophe, aussi cognitivement biaisé que Francis Bacon, ou encore un comte de Derby ou même d’Oxford, aristocrates probablement dépravés et incultes comme la tradition l’exige, comment voulez-vous que l’une de ces personnes ait pu écrire ce qui suit et qui mit la larme à l’œil de la terre entière et de ses environs :

Wilt thou be gone? it is not yet near day: 
It was the nightingale, and not the lark, 
That pierced the fearful hollow of thine ear;
Nightly she sings on yon pomegranate-tree: 
Believe me, love, it was the nightingale. (1)

Non ! Seulement Christopher Marlowe aurait pu écrire cette merveille, n’eut-il été complètement défunt au moment des faits.

Car je peux bien vous le dire aujourd’hui : effectivement, ce n’est pas William Shakespeare qui est l’auteur des œuvres de William Shakespeare, mais quelqu’un d’autre qui se faisait appeler William Shakespeare. Etonnant, non ? Je suis absolument navré de devoir ébranler avec ce coup de tonnerre des certitudes mentales qui ont fondé les principes moraux de tant d’entre vous, désolé de mettre ainsi à bas des édifices intellectuels péniblement érigés au cours de vos longues années d’échec scolaire, mais un fait est un fait, et je ne sentais pas le droit de le garder pour moi tout seul.

  • Note 1
    Veux-tu partir ? Ce n’est pas encore le jour.
    C’était le rossignol, non l’alouette,
    Qui perçait le tympan craintif de ton oreille.
    Il chante chaque nuit sous ce grenadier.
    Crois-moi, mon bien-aimé, c’était le rossignol.

Quatre heures de maths – 3ème partie

Dans la classe de Piston B du Lycée Saint Louis, le vendredi matin, c’est Maths. Quatre heures. Mais aujourd’hui, il y a contrôle. Intégrales triples et dérivées secondes, le narrateur passe un sale moment. Il passe le temps comme il peut, tout en espérant le miracle ou la catastrophe qui fera annuler le contrôle.

Je n’ai aucun besoin d’aller aux toilettes, mais je ne peux pas rester éternellement là à regarder des petites lettres violettes incompréhensibles ou des âneries gravées dans le bois. Il faut que je sorte, que je prenne l’air. Marchèse me regarde sortir. Il n’est pas dupe de la manœuvre et, dans son regard, je crois voir une petite lueur de sympathie. Le salaud ! Le grand couloir est désert, l’immense cage d’escalier aussi. Comme dans une cathédrale, on entend de lointains échos de portes qui claquent, de pas sonores ou de conversations tronquées, puis le silence. J’ai soudain la sensation étrange d’être seul à bord d’un paquebot en perdition.

Le calme règne dans la cour d’honneur. Debout sous les marronniers, la statue de Saint-Louis me regarde de son air triste et doux. Comme chaque année au début d’octobre, on l’a peinte de la couleur de la prochaine promotion de l’X, cette année jaune. Les traces rouges de l’année dernière peuvent encore se voir sur le bas de sa robe. Je m’assieds contre son piédestal et, dans l’ombre de la statue, j’allume une Gitane.

Je n’ai jamais voulu faire Maths, moi. Je ne l’ai peut-être jamais dit à mes parents, mais en fait je n’ai jamais voulu faire Maths. Je voulais faire Lettres, mais en seconde, je détestais tellement mon professeur de français que j’ai choisi la série C, la meilleure comme on disait partout. Jusqu’au bac, tout s’est bien passé, et d’ailleurs, en maths, j’étais plutôt parmi les bons. Mais une fois arrivé en Prépa à Saint-Louis, ça n’a plus été du tout pareil. C’est un miracle que j’aie réussi à me maintenir jusque-là.

Le surveillant général traverse la cour avec un inconnu. Il est trop occupé pour me prêter attention, mais je réalise que je ne peux pas rester là plus longtemps. Je reprends l’escalier puis le grand couloir.

Quand je rentre dans la classe, Fontaine n’est plus à sa place. Les mains dans le dos, la pipe à la bouche, il est à côté de ma place vide, penché sur l’épaule de Marchèse. Sans doute satisfait par ce qu’il voit du travail de l’un de ses meilleurs élèves, il reprend sa déambulation. Arrivé au fond de la classe, il repart d’une traite jusqu’à la chaire, consulte sa montre et annonce :

-Messieurs, il vous reste une heure et trente-sept minutes.

Je me retourne une nouvelle fois. Je ne vois rien que des fronts sereins ou plissés par l’effort, mais tous studieux. A part Machuel, qui a carrément posé son front sur le bureau, ses avant-bras sur les cuisses, et qui semble dormir, pas un qui regarde en l’air, pas un qui sèche.

Je suis seul au monde.

Une heure et trente-sept minutes, cinq mille huit cent vingt secondes, cinq mille huit cent dix-neuf, cinq mille huit cent dix-huit, cinq mille huit…le visage de Tavia apparaît peu à peu sur fond de copie blanche encadrée de noir. On dirait un peu une photo de chez Harcourt. Tavia, américaine, grande, brune. Elle porte les cheveux courts, un chemisier blanc, une jupe plissée noire et des ballerines marron. C’est lundi dernier que je l’ai vue pour la première fois. Comme tous les lundis, je séchais la cantine pour pouvoir prendre un peu de soleil avant le cours de physique qui ne commence qu’à trois heures. Je me promenais avec Marchèse du côté du bassin du Luxembourg quand nous avons vu ces deux filles, visiblement étrangères, renversées confortablement face au soleil sur deux chaises longues métalliques, leurs jambes allongées devant elles sur deux chaises droites. La présence de deux jolies filles prenant le soleil à cette heure au Luxembourg n’était pas pour nous surprendre, mais le côté étonnant de la situation était qu’il n’y avait aucun garçon autour. Était-ce l’approche de la fin du printemps et la douceur de la température, ou bien la solitude des jeunes filles et le fait que je ne sois pas seul, ou encore les deux grandes heures que nous avions encore devant nous ? Je me sentis rempli d’une audace nouvelle qui me poussait à tenter ce que je n’avais jamais encore oser faire : draguer. Je dis à Marchèse :

-On y va ! Dommage que la tienne soit moche !

Cette expression de regret n’avait pas lieu d’être car, même à cette distance, on pouvait voir que les deux filles étaient loin d’être moches, mais la plaisanterie était traditionnelle et inévitable entre soi-disant dragueurs. La plus petite était blonde. Je le sus plus tard, elle s’appelait Monica. Gonflé à bloc, mais un peu ému quand même, je fonçais sur Monica et lui dit :

-Hellooooo! Are you an actress ? Are you from Hollywood ?

La pauvreté de mon entrée en matière révélait bien mon inexpérience dans le domaine de la drague et vouait certainement ma tentative à un lamentable échec. Mais au lieu de m’ignorer comme c’était l’usage pour une fille importunée et de continuer sa conversation avec Tavia, elle rit légèrement et dit :

-No, I am not from Hollywood, I am dutch.

Entraîné par je ne sais quel démon ordinaire, je continuai dans la vulgarité :

-Arrghhh zooo ! You are from Germany ! Goute ! Goute !

Je ne me reconnaissais pas.

-No, I’am dutch. From Holland.

J’aurais voulu me battre ! Quel crétin !

Heureusement Marchèse me sortit d’embarras en approchant deux chaises vides et en s’adressant poliment en français aux deux jeunes filles :

-Vous permettez ?

C’était gagné, du moins pour le moment.

Ensuite, le cours de la conversation fut tel que Tavia sembla davantage s’intéresser à moi que Monica. Ne voulant pas contrarier le cours des choses, je me concentrais sur elle en retour.

Nous apprîmes qu’elles étaient toutes deux inscrites à l’Alliance Française et qu’elles étaient toutes deux au pair, l’une avenue Mozart et l’autre boulevard Raspail. Monica venait d’Eindhoven et Tavia d’Atlanta. Nous décidâmes de nous revoir le mercredi suivant, même endroit, même heure. Cela impliquait que nous séchions la séance de sport au stade Charlety, mais ça, c’était l’enfance de l’art.

Tavia est une jolie fille. A vrai dire, je ne suis jamais sorti avec une aussi jolie fille. Elle est joyeuse, naturelle, naïve et inculte. Elle est arrivée à Paris il y a seulement un mois et elle est ravie par tout ce qu’elle découvre. J’ai décidé d’être pour elle un guide parfait. Je l’ai déjà emmenée voir le Pont des Arts et l’église Saint-Germain des Prés. Nous avons pris un verre au bar de La Coupole et un café aux Deux Magots. Je lui ai cité quelques-unes unes des célébrités qui avaient fréquenté ces établissements. Parmi elles, elle ne connaissait qu’Hemingway, mais elle avait vaguement entendu parler de Sartre qu’elle savait communiste. Quand je lui montrai un ticket de métro en lui expliquant que c’était « a ticket for the Underground« , elle crut que c’était une carte de membre de l’O.A.S. Elle ne fut détrompée que deux jours plus tard lorsqu’elle prit le métro pour la première fois avec Monica. Demain, après La Paillote, je l’emmènerai au Champollion. On y donne « La Règle du Jeu » sous-titrée en anglais. Ensuite, on ira peut-être au Slow Club ou au Whisky à Gogo.

-Je ramasserai les copies dans quarante-cinq minutes exactement. N’oubliez pas de prendre le temps de vous relire.

Bon, c’est foutu ! Quarante-cinq minutes ! Même si un éclair de génie me frappait maintenant, ce serait foutu quand même. Zéro. Ça sera difficile à remonter un zéro, surtout à cette époque de l’année.  En plus, avec Tavia qui débarque. Il n’y a pas de place pour une américaine de dix-neuf ans dans la vie d’un Prépa. C’est vrai qu’un zéro en maths, ça n’a aucune influence sur les concours. Mais de toute façon, il est de plus en plus improbable que j’intègre cette année dans une école décente, et si je veux être admis à redoubler dans cette prépa, il faudra faire oublier ce contrôle.

Un grand bruit se produit dans la rangée juste derrière la mienne. C’est Rajchman qui vient de reculer son siège brutalement. Maintenant, il est assis raide sur sa chaise, la tête à demi baissée, les épaules voutées. Ses deux mains sont agrippées au bord du siège, ses pieds sont posés bien à plat sur le sol. Ses yeux sont grand ouverts avec une expression d’affolement. Son visage est crispé et douloureux.

-Hé, Rajchman, qu’est-ce que t’as ?

On dirait qu’il fait un effort pour me répondre mais qu’il n’y arrive pas. Les élèves autour de nous ont levé le nez de leur copie et commencent à s’agiter.

-Qu’est-ce qu’il se passe là-bas ? demande Fontaine.

-C’est Rajchman, il ne va pas bien.

-J’arrive. Les autres, restez à vos places !

Fontaine descend l’allée entre les pupitres et me demande :

-Qu’est-ce qu’il a, votre ami ?

-Je ne sais pas. Il est tout raide.

-Alors, Monsieur Rajchman, ça ne va pas ?

En posant la question, Fontaine lui a posé la main sur le dos :

-Bon sang, il est dur comme du bois et il tremble. Vous et Marchèse, accompagnez-le à l’infirmerie. Vite !

Nous essayons de le faire lever, mais c’est impossible. Ses membres sont raidis et nous n’arrivons pas à lui faire lâcher sa prise sur le siège. Fontaine nous dit :

-Transportez-le sur sa chaise jusque là-bas. Ça ira ?

-Pas de problème, dit le grand Marchèse. Il n’est pas bien lourd, Rajchman.

Ensuite, je me suis laissé porter par les évènements. Nous sommes arrivés à l’infirmerie. Ils ont ouvert de force la bouche de Rajchman et lui ont mis une sorte de bâton entre les dents. Ils ont appelé Police-Secours et nous ont dit de retourner en classe. J’ai dit non, je préfère rester avec lui. Ils ont dit si vous voulez… Marchèse a dit faut que j’y aille, maintenant, y a contrôle. J’ai dit vas-y, moi je reste, arrange-toi pour planquer ma copie. Il a dit d’accord. J’étais sauvé. Provisoirement.

Nous n’avons jamais revu Rajchman, mais le lendemain, j’emmenais Tavia à La Paillote.

Fin

ET DEMAIN, UN PEU DE MARK TWAIN