Archives mensuelles : juillet 2015

Qu’est que t’as fait à la guerre, Papa ? (7-Anniversaire)

Anniversaire

11 juillet 1940

Les employés du chemin de fer vont être libérés, peut-être… Aucun homme n’est encore sorti libéré du camp malgré ce que l’on disait.
Et toujours sans nouvelles.
Avec Mas et Prunet, escortés d’un SS, nous sommes allés au bain hier tantôt. Bain nudiste en plein air dans une ancienne carrière. Deux femmes passent sur la route pas très loin. Des paroles et des gestes ignobles les ont saluées. Pas fiers nous autres devant les Fritz.
J’ai lavé ma chemise et mon caleçon ! Les mêmes depuis un mois.
J’ai peu de courage, nourriture trop peu abondante, un quart de blé à midi, c’est tout. Nous rêvons des festins d’autrefois. Quel prix paierions-nous une entrecôte !

Aujourd’hui Marie-Claire a six ans. Qu’elle est loin. Je rêve de ses deux bras autour de mon cou. J’ai un fond de Continuer la lecture de Qu’est que t’as fait à la guerre, Papa ? (7-Anniversaire)

Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa? (6-Espoirs)

Journal du sergent Daniel Coutheillas 9-10 juillet 1940

Espoirs
Mardi 9 juillet 1940
Encore du remue-ménage. Des lueurs d’espoir naissent à l’horizon : deux soldats vont être libérés. Employés aux chemins de fer, ils annoncent peut-être toute une série de départs. Dieu le veuille !
Depuis ce matin nous sommes réunis en compagnies de travail d’environ deux cents hommes. Certaines sont des compagnies d’agriculteurs, de pionniers, de cantonniers, de récupérateurs. Je fais partie de cette dernière catégorie. Je reste avec Prunet, Dumousseau, Mas, Clément, Béal et Basset.
Je suis dans un nouveau local. Nos couchettes sont installées épouvantablement sur les rayonnages d’un magasin d’habillement de la grandeur d’une capote militaire. Ou j’ai la tête et les pieds dans le vide, ou je suis recroquevillé la dedans. Prunet est logé à l’étage en dessous, c’est à dire à 50 centimètres sous moi. Encore une nuit sur du bois dur.

Mercredi 10 juillet 1940
L’espoir est un peu retombé : les deux hommes qui devaient partir sont toujours là et rien ne laisse prévoir leur départ. La douche écossaise fonctionne au mieux !
J’ai trouvé un matelas, bien plat, que je partage avec Mas dans mon « casier ». J’espère que la nuit prochaine sera plus douce à mes côtes que la dernière. Je me suis réveillé tout courbaturé, mais cela n’a pas duré.
Je suis rasé de près et tout à l’heure, j’espère un bain en rivière. Je porte la même chemise, les mêmes bas depuis un mois ! O mon cher confort, combien j’ai eu raison d’en profiter !
Le diner d’hier soir a consisté en une boule de pain pour quatre et un morceau de lard gras. Ça donne des renvois de chandelle à Prunet. Un quart d’ersatz de café non sucré.
A midi aujourd’hui, du blé gonflé décortiqué avec – encore !- quelques morceaux de tétine et pas de pain. C’est court, très court. J’ai maigri et me sens fatigué au moindre effort, mais je n’en fais pas.
Je voudrais voir des bois, des champs. Parfois le soleil dore au loin un coteau et mes yeux s’y posent. Mon cœur se serre à la pensée que là-bas, c’est la liberté.
Toujours sans nouvelles….
Ces compagnies de travail, j’en attends une sortie dehors, dans les bois, la campagne. Je voudrais changer d’horizon, coucher sous la tente, faire du camping que pourtant je n’aimais pas !
Dumousseau ramène une boule de pain entière à la suite d’une corvée exécutée par lui. Nous la gardons comme  trésor.
Dans la chambrée, un air tout doux d’harmonica. Nostalgie.
Pour  Prunet, la nuit a été très dure sur les planches. Il dort sur une paillasse. Son visage est béat. Il a maigri et son ventre d’homme bien assis est maintenant un souvenir.
Beaucoup lisent, étendus. D’autres dorment.
Nous apprenons que les Allemands auraient essuyé parfois de grosses pertes.
Ils nous disent que les anglais ont détruit un de nos derniers bateaux de guerre à Dakar. Est-ce vrai ?
Demain, ma petite fille aura six ans. Amertume de ne pas la serrer dans mes bras. Où est-elle ?…
Que faut-il attendre de nos gardiens ? L’esclavage, ou bien une libération contre rançon ? Rien de certain ni même de probable. Nous sommes totalement isolés du monde.

A suivre
Prochaine édition le 11 juillet

 Sergent vaguemestre Coutheillas Daniel
58ème Division d’Infanterie, 1er Compagnie du Génie, S.P.241

sergentDaniel Coutheillas et Eugène Prunet, mai 1940

Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa? (5-Mauvais augures)

Journal du sergent Daniel Coutheillas 6-8 juillet 1940

Samedi 6 juillet 1940
Décevante journée. Je m’ennuie terriblement. Il faut sourire quand même et tenter d’éloigner ce cafard collectif qui nous mènerait où?…Dures journées. Triste, triste journée qu’aucun espoir ne vient ensoleiller.
Vu les photos d’un journal allemand : Versailles avec une sentinelle allemande, Continuer la lecture de Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa? (5-Mauvais augures)

Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa? (4-L’ennui)

Journal du sergent Daniel Coutheillas 5 juillet 1940

Vendredi 5 juillet 1940
Un petit arsouille de la Bastille est venu tout à l’heure emprunter de l’argent à Prunet pour jouer à la Banque ! Il pourrait aussi bien jouer avec des cailloux car, ici, plus rien ne s’achète,  l’argent n’a plus cours (Est-ce que ce ne serait pas  un bienfait si ça se généralisait ?).  Je ne sais comment ce petit arsouille se débrouille, mais il nous apporte du pain, des biscuits, piqués on ne sait où.
Les officiers allemands Continuer la lecture de Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa? (4-L’ennui)

Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa ? (3-Les bouteillons)

Journal du sergent Daniel Coutheillas, 4 juillet 1940

4 juillet 1940 
Les bouteillons

Aujourd’hui, vilain temps. Il pleut.
Sans doute par ironie, les Allemands nous font distribuer un petit savon par personne et du savon à barbe. Jamais l’armée française ne nous en avait donné ! Ça a beau être  un ersatz made in Germany, ça  lave quand même.
Le déjeuner de midi consiste en flocons d’avoine avec de la tétine de vache, le tout tenant dans la plus petite Continuer la lecture de Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa ? (3-Les bouteillons)

Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa? (2-La longue marche)

Journal du sergent Daniel Coutheillas 2-3 juillet 1940

La longue marche

2 juillet 1940
Je suis prisonnier, comme échoué le long de ces grilles que gardent des soldats allemands!
Depuis un mois, nous sommes sans nouvelles. Où êtes-vous Denise, Marie-Claire, ma mère?

3 juillet 1940
C’est pas marrant d’être prisonnier !
Après notre reddition d’honneur (?), nos adversaires ont été charmants. Je retrouvais l’amabilité qui m’avait plu quand j’étais allé en Allemagne.
Mais, le lendemain tout changeait. Ils ont Continuer la lecture de Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa? (2-La longue marche)