Anniversaire
11 juillet 1940
Les employés du chemin de fer vont être libérés, peut-être… Aucun homme n’est encore sorti libéré du camp malgré ce que l’on disait.
Et toujours sans nouvelles.
Avec Mas et Prunet, escortés d’un SS, nous sommes allés au bain hier tantôt. Bain nudiste en plein air dans une ancienne carrière. Deux femmes passent sur la route pas très loin. Des paroles et des gestes ignobles les ont saluées. Pas fiers nous autres devant les Fritz.
J’ai lavé ma chemise et mon caleçon ! Les mêmes depuis un mois.
J’ai peu de courage, nourriture trop peu abondante, un quart de blé à midi, c’est tout. Nous rêvons des festins d’autrefois. Quel prix paierions-nous une entrecôte !
Aujourd’hui Marie-Claire a six ans. Qu’elle est loin. Je rêve de ses deux bras autour de mon cou. J’ai un fond de cognac dans une bouteille, et six allumettes plantées dans une tartine de pain très mince. Brunet, Boyer, Mas et moi fêtons ainsi les six ans de ma fille.
Ennui, abattement général. La plupart d’entre nous ne quittent pas leur grabat de paille. Le ciel est maussade. Plus rien à lire. Je finis un bouquin du Petit Echo de la Mode ! Misère.
Mes camarades me trouvent du tabac. Je fume la pipe en quantités.
Dumousseau n’a même plus le courage de gueuler. Mas lis des inepties en souriant. Prunet dort. Lapoule fait mille choses sans utilité.
Plus d’énergie. Plus de courage. L’ennui, l’ennui, l’ennui.
Mauvaise journée !