(…) et, au milieu des enluminures qui entouraient le titre, le nom de l’auteur et celui de l’éditeur, je vis, en grande lettres capitales soigneusement tracées à la règle et au compas, mon nom. Mes jambes fléchirent et je tombai assis à côté du gros livre. C’était le mien ! Mon Gaffiot ! Celui que j’avais revendu dès la fin de ma classe de seconde.
— Ça y est ? Vous avez compris ?
5-Le petit Marcel
Je sursautai et levai les yeux : c’était la petite silhouette silencieuse de tout à l’heure. Maintenant que je l’observais depuis le niveau du sol où j’étais tombé assis, saisi par la surprise, il me paraissait grand, très grand. Pourtant, il se dégageait de lui une impression de douceur et de sagesse. En un éclair, je me souvins que c’est à peu près comme ça que je m’imaginais le Bon Dieu quand je faisais mes prières le soir avec maman, moi les yeux fermés, à genoux devant mon lit, coudes appuyés sur la couette et elle, assise sur le lit, me regardant et me soufflant quand il fallait les mots qui me manquaient.
— Est-ce que j’ai compris ? Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr.
— Réfléchissez encore un peu, me dit-il. Qu’avez-vous vu ici depuis que vous êtes entré ?
— Eh bien, des stylos, des carnets, des livres, un dictionnaire de latin, vous…
— Et ces objets, ces livres, vous les connaissiez ? Et moi, vous me connaissiez ?
— Non, mais…
— Mais quoi ? Allons, faites un effort.
Je me levai lentement, et tout en réfléchissant, je ramassai le Gaffiot et l’examinai à nouveau. En le feuilletant, je retrouvai Continuer la lecture de La suite de Balbec – Chapitre 5 →