Archives par mot-clé : Proust

Vous ne pouvez pas vous figurer

Ukraine : J 264

(…)c’était des rivages de la mort, vers lesquels ils allaient retourner, qu’ils venaient un instant parmi nous, incompréhensibles pour nous, nous remplissant de tendresse, d’effroi et d’un sentiment de mystère, comme ces morts que nous évoquons, qui nous apparaissent une seconde, que nous n’osons pas interroger et qui, du reste, pourraient tout au plus nous  répondre : « Vous ne pourriez pas vous figurer. »
Marcel Proust – À la recherche du temps perdu – Le temps retrouvé

Rendez-vous à cinq heures avec Monsieur le Duc

la page de 16h47 est ouverte…

 

Le duc de Guermantes va en soirée

Voici un extrait de A la recherche du temps perdu – Le côté de Guermantes – lu par Guillaume Gallienne.

Le narrateur est reçu par le duc de Guermantes qui est impatient de se rendre à une soirée. Deux évènements risquent d’empêcher ou de retarder le duc dans son projet : que s’achève l’agonie d’un cousin germain et qu’Oriane, la duchesse, ne soit trop retardée par la visite attendue de Charles Swann. 

Cette lecture dure presque une heure, mais rien ne vous oblige à l’écouter jusqu’au bout. 

Le premier quart d’heure est une démonstration éclatante de deux talents : celui du petit Continuer la lecture de Rendez-vous à cinq heures avec Monsieur le Duc

Mais enfin, pourquoi faut-il relire Proust ?

temps de lecture : 3 minutes

L’homme élégant et la femme du monde ne lisent pas Proust. Ils le relisent.
Le vieillard cacochyme aussi, mais lui, il croit que c’est la première fois.
Vous voulez savoir pourquoi il  faut relire Proust ? Eh bien, je vais vous le dire. Mais pour que vous en soyez vraiment convaincus, je vais le faire par le truchement de quelques spécialistes.

D’abord, relire pour le plaisir : 

C’est peu dire que le plaisir proustien par excellence n’est pas celui de la lecture, mais celui de la relecture.
Laurence des Cars, présidente du musée d’Orsay Continuer la lecture de Mais enfin, pourquoi faut-il relire Proust ?

« Les souliers d’Oriane » ou « Vous reprendrez bien un peu de Proust ? »

Morceau choisi

Cet extrait est l’un des moments les plus cruels de « A la Recherche du Temps Perdu », roman qui n’en manque pas.

Les Guermantes s’apprêtent à se rendre à une soirée lorsque leur ami Swann vient déposer chez eux un objet promis à Oriane, duchesse de Guermantes. Au cours d’une brève discussion, Swann annonce qu’il est gravement malade et que ses jours sont comptés. La gravité de cette nouvelle n’émeut pas le moins du monde le duc de Guermantes tout à la préparation de la folle soirée mondaine qui s’annonce. Ce qui le préoccupe est que sa femme porte  des chaussures qu’il trouve mal assorties à sa robe rouge.

« Mme de Guermantes s’avança décidément vers la voiture et redit un dernier adieu à Swann. « Vous savez, nous reparlerons de cela, je ne crois pas un mot de ce que vous dites, mais il faut en parler ensemble. On vous aura bêtement effrayé, venez déjeuner, le jour que vous voudrez (pour Mme de Guermantes tout se résolvait toujours en déjeuners), vous me direz votre jour et votre heure », et relevant sa jupe rouge elle posa son pied sur le marchepied. Elle allait entrer en voiture, quand, voyant ce pied, le duc s’écria d’une voix terrible : « Oriane, qu’est-ce que vous alliez faire, malheureuse. Vous avez Continuer la lecture de « Les souliers d’Oriane » ou « Vous reprendrez bien un peu de Proust ? »

¿ TAVUSSA ? (85) : Marcel Proust et le Nègre joyeux

Nous n’étions pas seuls l’autre jour au Musée Carnavalet. Il y avait du monde. Je ne n’ajouterai pas « et du beau » mais plutôt « et du vieux ». Et pour revenir sur la notion de quantité, je dirai aussi « trop de monde ». Tous ces gens, comme moi, étaient venus pour l’exposition temporaire « Marcel Proust, un roman parisien » organisée à l’occasion du centenaire de la mort du petit Marcel, et les autres étaient tellement plus nombreux que nous qu’ils nous ont gâché notre visite. Engoncés dans nos manteaux d’hiver, mal à l’aise de chaleur, nous circulions entre d’autres manteaux d’hiver, tentant de nous glisser entre eux et les murs pour essayer de consulter de minuscules portraits de Robert de Montesquiou ou des fac-simile de billets adressés par le petit Marcel à la Comtesse de Greffulhe. Une seule salle émouvante, presque vide : le lit de mort de Proust, sa chaise longue, un morceau du liège dont les murs étaient tapissés, sa pelisse, usée.
Mais, décidemment, trop de monde. Nous reviendrons pour le prochain centenaire.

L’expérience malheureuse m’aura permis au moins de faire deux observations : Continuer la lecture de ¿ TAVUSSA ? (85) : Marcel Proust et le Nègre joyeux

La fin du Temps

L’écriture n’est pas une  chose facile.
Elle n’était pas facile pour Gustave Flaubert. J’ai donné ici il y a longtemps un exemple des multiples écritures, corrections, ratures et réécritures du grand Gustave en reproduisant les versions successives d’un court passage de Madame Bovary. (voir l’article  ‘Flaubert au travail’)
Elle n’était pas facile non plus pour le petit Marcel. La preuve, voici la dernière page du manuscrit du Temps Retrouvé, dernier volume de l’énorme roman À la Recherche du Temps Perdu.

et voici le texte qui correspond à cette page : Continuer la lecture de La fin du Temps

Un diner de promo

Morceau choisi

Il y aura bientôt cinq ans, le 29 avril 2017, j’assistai à un dîner qui réunissait les anciens élèves de ma promotion de l’école des Ponts et Chaussées. Il s’agissait de la promotion 1966, c’est dire si aucun d’entre nous n’était vraiment neuf.
Quand la salle de restaurant fut pleine de mes congénères, la vision d’une abondance de crânes chauves, de barbes grises et de gilets de laine tricotés-main commença par réjouir mon esprit taquin. Mais elle m’inspira bientôt d’autres sentiments car, ce soir-là, pour la première fois, je réalisai l’âge avancé que nous avions atteint.

L’un des plaisirs sans cesse renouvelé que procure la lecture de Proust, c’est celui de constater que, nous aussi, un jour, nous avons éprouvé le sentiment qu’est en train de décrire le petit Marcel.
Et, le petit Marcel en est conscient. La preuve, voici ce qu’il écrit dans Le Temps retrouvé : Continuer la lecture de Un diner de promo

Rendez-vous à cinq heures avec l’Entre-deux selon Lorenzo

La page de 16h47 est ouverte…*


Comme vous l’avez compris, je l’espère, les textes en gras sont l’incipit et l’excipit d’ À la recherche du temps perdu, et ce qui est entre les deux est de Lorenzo.

 

A la recherche du sommeil perdu

Longtemps, je me suis couché de bonne heure, 
mais, à la grande désolation de ma mère, je ne m’endormais jamais avant que ne s’inscrive sur la montre gousset en or massif de cinquante carats de chez Gaeger-le-Coultre, offerte pour l’anniversaire de mes dix ans par mon oncle Philippe, le chiffre fatidique « minuit » annonçant le passage tant redouté à un jour suivant et différent. Ma mère, que le petit personnel avait surnommée affectueusement Lariégeoise, convaincue que mes difficultés d’endormissement nuisaient à mes performances scolaires au Lycée Condorcet où j’étais entré en sautant une classe grâce à ce que certains Continuer la lecture de Rendez-vous à cinq heures avec l’Entre-deux selon Lorenzo