Archives de catégorie : Citations & Morceaux choisis

Problème de clôture

C’est avec grand plaisir mais sans autorisation que je vous livre aujourd’hui un cartoon de Voutch, ce type qui sait faire parler les dalles de jardin et les piquets de clôture tout autant que les palourdes et les lombrics, nous montrant qu’effectivement, les objets inanimés ont une âme et les mollusques des problèmes de couple, ce qui est bien rassurant. Voici donc le cartoon, sobrement intitulé « Piquets ».


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Pronostic vital

Morceau choisi

Pronostic vital
Il y a cent ans aujourd’hui jour pour jour, le 18 novembre 1922, Marcel Proust mourait chez lui, rue Hamelin à Paris.
Voici ce qu’en janvier 1921 Jacques-Émile Blanche écrivait dans une lettre ouverte à l’écrivain :

Heureusement pour nous, votre santé s’améliore de mois en mois. Vous nous enterrerez tous, vous atteindrez l’âge de Sarah Bernhardt et de Chevreul ! Il est peu d’êtres plus robustes que ceux qui, ayant eu une jeunesse débile, furent contraints à se soigner toujours. Sous la coupole de l’Académie française, vous siégerez entre Jacques Rivière, André Gide, Giraudoux et Morand, quand Paul Claudel, devenu votre collègue, sera Président de la République ; et vous discuterez l’étymologie, les divers sens de quelques mots qui s’enrichiront chacun d’un si long commentaire. Jacques-Émile Blanche – lettre ouverte à Marcel Proust, janvier 1921

Note : J.E. Blanche était peintre et écrivain, il n’était ni médecin ni voyant. 

Vous ne pouvez pas vous figurer

Ukraine : J 264

(…)c’était des rivages de la mort, vers lesquels ils allaient retourner, qu’ils venaient un instant parmi nous, incompréhensibles pour nous, nous remplissant de tendresse, d’effroi et d’un sentiment de mystère, comme ces morts que nous évoquons, qui nous apparaissent une seconde, que nous n’osons pas interroger et qui, du reste, pourraient tout au plus nous  répondre : « Vous ne pourriez pas vous figurer. »
Marcel Proust – À la recherche du temps perdu – Le temps retrouvé

Un accent avec un petit fouet dedans

Morceau choisi

(…) Depuis longtemps, je n’avais pas entendu des voix aussi distinguées moi. Ils ont une certaine manière de parler les gens distingués qui vous intimide et moi qui m’effraye, tout simplement, surtout leurs femmes, c’est cependant rien que des phrases mal foutues et prétentieuses, mais astiquées alors comme des vieux meubles. Elles font peur leurs phrases bien qu’anodines. On a peur de glisser dessus, rien qu’en leur répondant. Et même quand ils prennent des tons canailles pour chanter des chansons de pauvres en manière de distraction, ils le gardent cet accent distingué qui vous met en méfiance et en dégoût, un accent qui a comme un petit fouet dedans, toujours, comme il en faut un, toujours, pour parler aux domestiques. C’est excitant, Mais ça vous incite en même temps à trousser leurs femmes rien que pour la voir fondre, leur dignité, comme ils disent…

L-F. Céline – Voyage au bout de la nuit

Voter selon sa conscience

Morceau choisi

Le prix Goncourt sera décerné dans quelques jours. Voyons ce qu’écrivait Alexandre Vialatte à son propos  :

« Il y a des moments où il faut voter selon sa conscience. » C’est une maxime que j’ai trouvée tout récemment dans un journal. Un grand journal. Du 9 octobre. Aux grands journaux les grandes maximes. Celle-ci est parmi les plus belles. Le jury des Goncourt l’applique une fois par an. Chacun y vote selon sa conscience. Du moins au premier tour. Quand arrive le cinquième, comme il faut bien qu’on en finisse, car le prix doit être attribué, on vote selon la conscience des autres. Sans quoi il n’y aurait pas de Goncourt. Comment en serait-il autrement ? Et après tout, la conscience du voisin ne vaut-elle pas celle qu’on a soi-même ? De toute façon les saisons Continuer la lecture de Voter selon sa conscience

Rééditer Le Cujas ?

En 1946, dans la préface à la réédition du Meilleur des mondes, Aldous Huxley écrivait :« Méditer longuement sur les faiblesses littéraires d’il y a vingt ans, tenter de rapetasser une œuvre défectueuse pour lui donner une perfection qu’elle a manquée lors de son exécution primitive, passer son âge mûr à essayer de réparer les péchés artistiques commis et légués par cette personne différente qui était soi-même dans sa jeunesse  – tout cela, est vain et futile. »
Cité par Pierre Lemaitre dans sa préface à la réédition de son premier roman Le serpent majuscule dont je vous donnerai sous peu la critique. 

Une raison de plus pour qu’un de ces jours, je vous redonne Le Cujas, texto, in extenso et sans correction. 

Steinbeck, un aspect méconnu

temps de lecture : 2 minutes 

Morceau choisi

Entre juin et octobre 1938, John Steinbeck écrit« Les Raisins de la colère ». Il tient un journal de travail. Voici l’entrée du 18 juin :

9h45
C’est samedi à présent et nous nous sommes levés de bonne heure et je suis prêt à travailler tôt. Je ne vois aucune raison de ne pas faire une pleine journée de travail (2000 mots). C’est un boulot énorme. Ne dois pas penser à son ampleur, mais seulement à la petite image pendant que je trime. Laisser la grande image pour le temps de la planification. Si seulement je pouvais faire ce livre comme il faut, ce serait un des romans vraiment bons et véritablement américain. Mais je suis assailli par ma propre ignorance et mon incapacité. Il faudra juste que je travaille depuis l’arrière-plan de celles-ci. Honnêteté. Si je peux rester honnête, c’est tout ce que je peux attendre de mon pauvre cerveau – ne jamais attiédir un mot en faveur du préjugé du lecteur, mais le tordre comme de la pâte à modeler pour qu’il le comprenne. Si je peux y arriver, ce sera Continuer la lecture de Steinbeck, un aspect méconnu

Au delà du Namasté

3 minutes 

En Sanskrit, Namasté signifie littéralement « Je m’incline devant toi ». A priori, pour notre civilisation matérialiste, ce n’est donc qu’une forme de salut. En réalité, c’est bien plus compliqué que cela.

Pour comprendre le Namasté, il faut aller au-delà d’une vision simple de celui-ci. Il faut prendre le temps de contempler les aspects plus profonds comme le spirituel ou la philosophie. Étant donné que le salut émerge du fond du cœur, cela crée des liens puissants, même entre des individus fondamentalement différents, tant au niveau des attentes que des classes sociales.

Finalement, plus qu’une simple parole et qu’un geste, Namasté est une Continuer la lecture de Au delà du Namasté

De la construction de routes en pays en voie de développement

temps de lecture : 2 minutes

Et voici Bardamu en Afrique, en Bragamance, où il va passer un séjour presque aussi charmant que dans les tranchées de 14. Je dédie ce court passage à mes anciens collègues, ingénieurs et techniciens, qui, comme moi pendant un temps, ont travaillé à la construction de routes en Afrique. Mais c’était 50 ans plus tard et pas en Bragamance. 

(…) Monsieur Tanderneau, qu’il s’appelait, originaire de La Rochelle. S’il se mêlait aux commerçants, Tanderneau, c’était seulement pour se faire payer l’apéritif. Fallait bien. Déchéance : il n’avait pas du tout d’argent ; sa place était aussi inférieure que possible dans la hiérarchie coloniale. Sa fonction consistait à diriger la construction de routes en pleine forêt. Les indigènes y travaillaient sous la trique de ses miliciens évidemment. Mais comme aucun blanc ne passait jamais sur les nouvelles routes que créait Tanderneau, et que d’autre part les Noirs Continuer la lecture de De la construction de routes en pays en voie de développement