Archives mensuelles : août 2015

Post it n°13 – Troubles du langage

Sur le Cours Mirabeau, au café La Bastide, arrive cette jeune fille ; blonde, cheveux longs tirés en arrière par un chignon, grosses lunettes de soleil ; elle porte au creux du bras droit un sac plastique de chez H&M qui cache à moitié un sac de cuir noir ; sa main droite, pressée contre sa poitrine, serre un iPhone ; de la main gauche qui tient une cigarette allumée, elle salue deux garçons assis au soleil.

Elle traverse la terrasse, souriant de toutes ses dents. Elle rejoint ses deux amis et s’installe à leur table. Elle parle. Ses phrases sont construites mais naturelles. Elle raconte joyeusement ses cours à la fac de droit. Elle rit, elle sourit, elle est jolie, elle est la joie de vivre même.

Et puis elle dit « ça m’a gonflée« . Deux fois. Un peu plus tard, ce sera « Elle me fait chier, celle-là« . Ensuite, deux ou trois fois « putain« . Et enfin : « j’avais la tête dans le cul« .

C’est comme si elle s’était mis le doigt dans le nez.

On sait donc depuis ce matin à 07h14 que les robots de Facebook refusent de publier « Les Chinois sont des cons » mais qu’ils acceptent le titre « Les Chinois ne sont pas des cons ». Je me demande maintenant s’ils aimeraient le mode interrogatif : « Les Chinois sont-ils des cons ? ». Je me demande aussi ce qu’ils feraient si j’écrivais  » Les Français sont des cons » ou bien « Les Slovaques… » ou encore « Les Pharmaciens … »
Je me demande enfin où s’arrêtera la connerie.

Les Chinois ne sont pas des cons

Vous qui suivez ce blog depuis presque deux ans, vous qui me fréquentez depuis plus longtemps, vous tous qui connaissez la suite dans les idées qui m’anime, qui admirez la persévérance qui inspire mes recherches, au point même d’être parfois agacé par l’obstination et l’audace qui me poussent toujours plus avant, vous vous demandez sûrement quelle mouche de la contradiction a pu me piquer et m’amener à dire aujourd’hui le contraire de ce ce que je prétendais hier, c’est à dire titrer ainsi mon article de ce jour : Les Chinois ne sont pas des cons !
S’agit-il là d’une nouvelle hypothèse, ou bien de nouvelles études m’ont-elles conduit à cette conclusion ? Aurais-je été soudainement pris de remords ? Voudrais-je oindre de baume du tigre la blessure que j’ai peut-être causée à mon ami Ching Chu ? Craindrais-je Continuer la lecture de Les Chinois ne sont pas des cons

Les Chinois, c’est des cons…

Suite africaine n°9

 Antoine était un grand et beau garçon de vingt-cinq ou vingt-six ans. Brun aux yeux bleus, il dégageait une sorte de joie de vivre, ou plutôt d’envie de vivre qui me l’avait rendu très vite sympathique. La semaine précédente, alors que nous étions tous les deux à Bobo Dioulasso, c’est lui qui m’avait décidé à aller passer le week-end à Bamako plutôt que de rester à attendre notre rendez-vous de lundi dans cette petite ville plutôt agréable, mais sans grand intérêt. Plus de 1200 kilomètres aller et retour sur des pistes en latérite sur la plus grande partie du parcours signifiaient au moins vingt heures de voyage dans un bruyant pick-up 404. Pourtant, il avait réussi à me convaincre et nous étions partis de Bobo-Dioulasso avant le lever du soleil. Rouler de nuit sur ce genre de route n’est pas recommandé. C’est même conduire soi-même qui est déconseillé dans certains coins d’Afrique. Mais nous nous considérions sans doute déjà comme des habitués du pays. Et puis, nous n’avions pas les moyens de faire autrement. Bref, nous étions partis de bonne heure. Continuer la lecture de Les Chinois, c’est des cons…

Le monde extérieur existe-t-il ?

Morceau choisi

8 septembre 1933
Je me demande souvent quel peut être le sens de la vie, si elle en a un, et surtout dans quelle mesure le monde extérieur existe. Que veut dire, par exemple, l’inquiétude de l’Europe à l’heure présente, la fièvre allemande, l’angoisse de tant d’hommes et de femmes à qui le lendemain apparaît noir de menaces ? Il est évident que personne ne peut répondre à cette question, mais j’ai souvent l’impression fugitive de vivre au milieu d’un monde qui n’existe pas, ou qui n’existe pas de la manière que nous imaginons. Peut-être le monde matériel n’a-t-il qu’une valeur de symbole. Cette idée m’est familière depuis ma quinzième année. Ainsi, l’inquiétude universelle est peut-être la représentation imaginaire de ta propre inquiétude. La « crise » est d’abord en toi. Le désordre du monde correspond à un désordre intérieur que tu retrouves en toi.

Julien Green
Journal. Les années faciles.

Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa ? (Texte intégral).

Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa?

Sergent vaguemestre Coutheillas Daniel
58ème Division d’Infanterie
1ere Compagnie du Génie S.P.241 


sergent
Daniel Coutheillas et Eugène Prunet en mai 1940
2 juillet 1940

Je suis prisonnier, échoué le long de ces grilles que gardent des soldats allemands! Depuis un mois, nous sommes sans nouvelles. Où êtes-vous Denise, Marie-Claire, ma mère?

10 juin 1940

Le 10 juin, nous avons quitté Beuvillers où la vie s’écoulait près du front avec des alternatives de calme et de bombardements. La relève Continuer la lecture de Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa ? (Texte intégral).