Archives de catégorie : Récit

La Princesse, l’Ours et le Chasseur

Il y a un peu plus de huit ans, sous le prétexte de faire une critique cinématographique, j’avais entrepris de raconter ma rencontre avec Grace Kelly, alors princesse de Monaco. Cette rencontre a eu lieu en 1978. Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de faire semblant de parler cinéma pour évoquer cette rencontre hors de l’ordinaire. C’est le cadeau que je me fais pour mon anniversaire.

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Tout le monde, du moins je l’espère, tout le monde a déjà vu « Fenêtre sur cour« .

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Ces derniers temps, la télévision spécialisée l’a repassé régulièrement en version « longue ». Cette appellation est ridicule car, de ce film, il ne peut y avoir  que des versions trop courtes.
Bien qu’il soit, avec La Prisonnière du Désert et La Règle du Jeu, celui que j’ai vu le plus grand nombre de fois, je l’ai regardé à nouveau, deux fois. J’ai beau Continuer la lecture de La Princesse, l’Ours et le Chasseur

Photos souvenirs – 8

Nous avions fini par nous en convaincre : nous ne serions jamais grands parents. Quel paradoxe pour Anne et moi qui avions toujours adoré les enfants et surtout les nôtres ! Et puis, à 70 ans, il nous en est arrivé trois de suite : Gabrielle, Vadim et Jeanne. Dire que nous en sommes heureux est très en deçà de la vérité même si nous aurions préféré avoir quinze ans de moins pour mieux nous occuper d’eux.

“Etre grand-père ne m’ennuie pas du tout. Ce qui m’ennuie c’est d’être marié à une grand-mère.” Woody Allen. Continuer la lecture de Photos souvenirs – 8

Les dames de Vichy

Publié il y a sept ans, vous n’avez surement pas oublié le récit de mon court séjour à Vichy.

Vichy, novembre 1996

Il y a longtemps, c’était un grand hôtel luxueux. Il avait même été fréquenté par la cour de Napoléon III. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un trois étoiles.

Dans l’immense salle à manger toute blanche, il n’y a que de petites tables, pour une ou deux personnes. L’alignement est impeccable : rangées de dix tables dans la largeur de la salle et de douze tables dans la longueur, cent vingt tables au total.

Il est 19 heures 15, l’heure de l’unique service du diner. Une douzaine de tables seulement sont occupées, toutes par des dames seules et âgées. Elles sont venues en cure. Seule à table, chacune fait face au côté de la salle d’où Continuer la lecture de Les dames de Vichy

Le parc à jeux

Déjà publié en 2016, mais dans ce domaine, rien ne change jamais beaucoup.

A l’intérieur de l’enclos, il y a bien une centaine d’enfants et presque autant de parents, grands-parents, baby sitteuses et bonnes du quartier. Selon l’âge et le tempérament des gamins, on les trouve accrochés à des passerelles de bois, agrippés à des Tours Eiffel de cordes entrelacées ou suspendus à des

PARC A JEUXtyroliennes sécurisées. Ou alors, ils glissent dans des tubes inclinés, ils courent sur des cylindres brillants ou ils chevauchent des Continuer la lecture de Le parc à jeux

Photos souvenirs – 7

New York m’avait toujours fait peur. Je l’imaginais démesurée et inhumaine comme notre quartier de La Défense. C’est pour faire plaisir à ma fille Clara que j’ai découvert cette ville magnifique. Surmontant mes appréhensions, j’ai même pris le subway tout seul, un exploit dont je ne m’imaginais pas capable quelques jours auparavant. Mon plus beau souvenir est la vue de Manhattan au soleil couchant depuis le ferry allant à Staten Island. Une réelle féerie, sans jeu de mots, que personne ne reverra plus jamais comme je l’avais vue ce soir de novembre 1999 …

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Photos souvenirs – 6

Lorenzo poursuit son pèlerinage des bistrots évocateurs de souvenirs

Ce n’est ni à la lignée royale ni à l’alcool que me fait penser cette enseigne mais au quai Bourbon sur l’île Saint Louis. Ah, l’Ile Saint Louis, en voilà un voyage à faire absolument ! En guise d’introduction, il faut lire les ouvrages des auteurs qui en ont le mieux parlé et qui sont tous américains : Henry Miller (Lettres à Emil), John Dos Passos (La Belle Vie), Gertrud Stein (Paris, France), Janet Flanner (Chroniques d’une américaine à Paris), et surtout Ernest Hemingway dont l’émouvant Paris est une Fête est pour moi le Continuer la lecture de Photos souvenirs – 6

Une journée à la campagne

Marie Clémentine Rispal était née en 1893. Mariée à Louis Rieuf, elle avait eu trois enfants : Maho, Paul, et Line. Line était la maman de Sophie.
Cette « Journée à la campagne » s’est passée aux environs de 1900, dans la ferme de l’oncle de Marie Clémentine à Carlat dans le Cantal.
 C’est elle qui raconte (déjà publié les 27 et 28 février 2015)

img522Au petit jour, la voiture fraichement lavée nous attend devant la porte. Bichette, la fringante jument, piaffe déjà d’impatience de retrouver Continuer la lecture de Une journée à la campagne

Sacrée soirée ! (6)

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Arrivant de l’entrée, Renée apparait à nouveau dans le salon. Elle est suivie d’une sorte de bellâtre. Un peu plus grand que moi, plus mince aussi, assez large d’épaules, on devine tout de suite le type qui passe deux heures par jour à faire des abdos. Cheveux blonds tombant sur les épaules, barbe de trois jours, yeux bleus, visage légèrement bronzé, à peine marqué par quelques rides au coin des yeux et de la bouche, il porte un de ces étroits pantalons noirs serrés aux chevilles dont on ne sait pas s’il s’agit d’une tenue de sport ou d’un pyjama, et une veste noire moirée, largement ouverte tant elle est cintrée, sur une chemise d’un blanc éclatant. Juste le truc qu’il faut pour faire ressortir son bronzage, bien sûr ! Mais le plus étonnant, ce sont les chaussures : des tennis, d’énormes tennis blanches recouvertes de signatures de toutes les couleurs. On dirait un plâtre de jambe cassée à Courchevel. Une espèce de zazou, quoi ! Je me demande quelle sorte de manteau il a laissé dans l’entrée. Un truc en plume ou en peau de zèbre, probablement. Qu’est-ce que c’est que ce type ?

C’est alors que, sur un ton triomphal, Renée lève toute ambiguïté :

— Mes amis, laissez-moi vous présenter quelqu’un que je ne connais que depuis quelques jours. Mais vous le connaissez tous, sans doute : François Longchamp, le comédien de tous les succès !

Elle est incroyable cette Renée, quand même ! Elle a dit ça comme si elle était Drucker annonçant Alain Delon sur un plateau de télévision. Pour un peu, il faudrait qu’on applaudisse. Un acteur ! Il ne manquait plus que ça.

— François, voici Marcelle, Anne et Charles, poursuit-elle sur un ton plus raisonnable. Charles est écrivain ; j’aime beaucoup ce qu’il fait. Là-bas, c’est Gérald, le mari d’Anne. Gérald, s’il te plait, sors donc un peu de devant cette fenêtre et viens te mêler aux autres, voyons ! Bien ! Je vous laisse un instant…quelques détails à régler en cuisine. Profitez-en pour faire connaissance. Charles, sers quelque chose à notre vedette de ce soir. Ah ! Mais on n’y voit rien ici !

Cette remarque est arrivée un peu plus tôt que je ne l’avais prévu ; Renée doit être troublée par l’Apollon du Belvédère. Elle se tourne vers moi :

— Tiens, Gérald, rends-toi utile pour une fois. Allume donc quelques lumières. Tu sais où sont les interrupteurs ! Ah ! Ah !

Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle dans le fait que je sache où sont les interrupteurs, mais son exclamation lui permet de quitter le salon en riant. On dirait une sortie de scène de Jacqueline Maillan dans une pièce de Poiret. Tandis que j’illumine la pièce en flottant nonchalamment d’interrupteur en interrupteur, Charles reprend du service, tout heureux de retrouver un peu d’utilité.

— Alors, pour vous, cher François Longchamp, qu’est-ce que ce sera ? Du champagne ? Bien sûr, j’aurais dû m’en douter. Ah ! le champagne sabré dans une loge un soir de première… Ça doit être excitant, non ? dit-il en lui tendant sa coupe.

—  Au théâtre, surement. Mais je n’ai jamais joué au théâtre. Je ne suis qu’un modeste acteur de cinéma, vous savez, minaude le bellâtre.

Prenant François par le coude, l’air songeur, Charles l’entraîne vers les fenêtres. Pour ne plus avoir à entendre les jérémiades d’Anne, je me joins à eux.

— Jamais ? s’étonne-t-il. Pourtant j’aurais cru. Le théâtre… On dit que c’est l’essence même du métier d’acteur. Mais peu importe ce que je crois : je ne vais jamais au théâtre. Au cinéma non plus, d’ailleurs. Mais j’ai entendu parler de vous.

— En bien, j’espère ? quémande le cabotin.

— Absolument… par ma petite fille. Elle a huit ans.

— Huit ans ? Elle est précoce, dites-donc !

— Adeline ? Très précoce. Je crois même qu’elle est amoureuse de vous. Elle vous adore, littéralement.  Pour rien au monde elle ne manquerait votre émission du mercredi sur TF1. Le Cirque Sensationnel… non ! Le Cirque Extraordinaire… c’est ça le Cirque Extraordinaire ! s’exclame Charles, ravi.

—Le Cirque Merveilleux… Vous confondez sans doute avec le Cirque Merveilleux. Mon fils aussi — il a sept ans — adore cette émission. Il serait le roi de sa classe si son père jouait dedans. Mais c’est Franck Sernam, un ami, qui joue le personnage principal, pas moi.

C’est qu’il a l’air vexé, le Brad Pitt de banlieue. La conversation devient intéressante, surtout avec Charles qui insiste :

— Comment ? Le Monsieur Loyal du Cirque Merveilleux, là, ce n’est pas vous ! Vous êtes sûr ? J’aurais bien cru pourtant. Pas vous, Gérard ? Vous ne trouvez pas que Monsieur ferait un Monsieur Loyal formidable ? me demande Charles en désignant l’acteur d’un petit coup de menton.

Je ne daigne pas répondre à cette question toute rhétorique. De son côté, François Longchamp a beau se concentrer sur sa coupe de champagne, je sens bien qu’il est en train de chercher un prétexte pour s’éloigner de cet imbécile qui ne le reconnait pas, lui, la vedette. Mais Charles n’entend pas lâcher le morceau. Il insiste.

—Mais alors, si vous n’êtes pas le Monsieur Loyal de TF1, questionne-t-il en regardant son interlocuteur sous le nez, dans quels films peut-on vous voir en ce moment ?

— Mais enfin, cher Monsieur, pourquoi cette question puisque vous n’allez jamais au cinéma ? Enfin, disons quand même que l’année dernière, deux de mes films sont sortis presque en même temps, Les Disparus de la rue de Rennes, un film d’action et À Brûle-pourpoint, une comédie. Je dois dire qu’ils ont rencontré tous les deux un assez joli succès.

—Ah oui, oui, bien sûr… L’année dernière, c’est cela… Mais cette année, dites-moi… cette année, vous avez fait quelque chose ? demande Charles d’un air soupçonneux.

—Eh bien, cette année, je dois dire que… commence l’acteur, évasif, puis changeant radicalement de ton : Mais, dites-moi, Charles — c’est bien ça ? Charles ? — j’ai comme l’impression que vous êtes en train de vous foutre de ma gueule. Je me trompe ?

Pas si bête, le François Longchamp. Il avait enfin compris.

— Mais pas du tout, mon cher ami, pas du tout, je vous assure. Loin de moi une telle idée ! J’aime trop les acteurs. Je les admire et je les respecte, les acteurs. Le problème c’est qu’avec les acteurs, j’en suis resté à Raimu et à Michel Simon. Alors… Mais peut-être faites-vous de la télévision. Ah ! La télévision, ça, je regarde. Je suis un fou des séries, surtout des séries américaines, les Experts, les Sopranos. Vous n’auriez pas joué dans les Sopranos par hasard ?

Sans répondre, le comédien de tous les succès nous tourne le dos et se dirige vers le canapé pour s’asseoir entre ma femme et Renée qui vient de revenir de l’office.

A SUIVRE

Bientôt publié
Aujourd’hui, 16:47 Brèves de moi
Demain, 07:47 Bayou sur Marne
Demain, 16:47 Rendez-vous à cinq heures : Louis Pasteur
3 Sep, 07:47 Une journée à la campagne
4 Sep, 07:47 Sacrée soirée (7)

Photos souvenirs – 5


Lorenzo poursuit son pèlerinage des bistrots évocateurs de souvenirs

Cinq lignes pour raconter Ma Venise, c’est insuffisant et même désobligeant. Je la connais, elle va se vexer. L’Auberge de Venise est un banal café parisien qui ne m’évoque ni Venise ni l’Italie mais qui, par chance, était jadis Le Dingo Bar, un lieu de rencontre de la Génération Perdue. «  The Must Be the Place », le livre de souvenirs écrit par Jimmy, le barman, n’a jamais été traduit en français et c’est bien dommage.

Extraits de Wikipédia : Le Dingo Bar, aujourd’hui Auberge de Venise, fut Continuer la lecture de Photos souvenirs – 5