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¿ TAVUSSA ? n° 49 : L’Amérique et son mur

Sous la houlette d’un président indécent sous tous rapports, les États-Unis vont dans le mur.

Les divisions partisanes y sont exacerbées comme jamais depuis la fin de la ségrégation. L’Amérique saisit maintenant la moindre occasion de se déchirer : la cause des femmes, celle des noirs, des immigrants, le charbon, l’écologie, la presse, l’assurance maladie, la nomination d’un juge à la Cour Suprême, un cyclone à Porto-Rico, la parole d’une star du porno, celle d’un General Attorney, celle d’un Deputy General Attorney, sans oublier ce mur frontalier ni les autres innombrables pommes de discorde. Chaque décision devient partisane, chaque évènement doit être classé pro-Trump ou anti-Trump, Républicain ou Démocrate, campagnard ou citadin, red-neckien ou élitiste. Les rodomontades ridicules, les mensonges éhontés, les grossièretés quotidiennes du Donald sont devenues insupportables. Les critiques incessantes et sans nuances du Washington Post sont devenues agaçantes, et les louanges permanentes et aveugles de Fox News, risibles. « Ce chaos quotidien est fatiguant » vient de dire Michelle Obama.

Chez les supporters de Trump, on parle désormais couramment et ouvertement d’un État profond, de conspirations contre Continuer la lecture de ¿ TAVUSSA ? n° 49 : L’Amérique et son mur

Dernière heure : La forêt de Birnam

Dernière heure : La forêt de Birnam

Lettre ouverte anonyme publiée dans le New York Times du 6 septembre et traduite par le JdC.

Je fais partie de la Résistance à l’intérieur du gouvernement Trump.

Je travaille pour le président mais, avec des collègues qui pensent de la même manière, nous avons juré de contrecarrer son programme et ses pires penchants.

Le Président Trump est confronté à une épreuve de sa présidence qu’aucun leader américain moderne n’a jamais rencontrée.

Il n’y a pas que l’ampleur menaçante de l’enquête du Conseiller Spécial (Mueller) ou la cruelle division du pays sur la gouvernance de M.Trump, ou la possible perte de la majorité par son parti au profit d’une opposition décidée à le faire chuter à tout prix.

Le dilemme — qu’il ne saisit pas totalement — est que beaucoup de hauts fonctionnaires de son administration travaillent assidument de l’intérieur à contrecarrer des parties de son programme et ses pires penchants.

Je suis bien placé pour le savoir, je suis l’un d’entre eux.

Pour parler clairement, notre « résistance » n’est pas la résistance populaire de la gauche. Nous voulons que le gouvernement réussisse et nous pensons que beaucoup de ses décisions ont déjà rendu l’Amérique plus sûre et plus prospère. Mais nous pensons que notre premier devoir réside envers ce pays tandis que le président continue à agir au détriment de la santé de notre république.

C’est pourquoi beaucoup des personnes nommées par Trump ont juré de faire leur possible pour préserver nos institutions démocratiques en contrecarrant les coups de tête les plus malencontreux de M.Trump jusqu’à ce qu’il quitte son poste.

« Ne crains rien jusqu’à ce que la forêt de Birnam marche sur Dunsinane »
(Macbeth)

Scio me nihil scire !

Voilà ce que disait Socrate, du moins quand il acceptait de parler latin. C’est Platon qui nous le dit : « Je sais que je ne sais rien.« 

Adage sympathique, plein de modestie et parfois mal compris. Voyons cela :

Tout d’abord, il ne faut pas s’arrêter au caractère oxymorique — je ne suis pas certain que ce mot existe vraiment —  sinon, on tombe dans l’abyme : en effet, si je sais que je ne sais rien, c’est que je sais au moins une chose (à savoir : que je ne sais rien), donc je ne peux pas dire que je ne sais rien, car si je ne savais rien, je ne saurais même pas que je ne sais rien.

Une autre utilisation erronée, ou même frauduleuse, de cette sentence serait de s’en servir pour se vanter de sa propre ignorance : Je suis comme Socrate : je ne sais rien. (sous entendu : et j’en suis fier !) Cette incommensurable idiotie a été proférée selon de multiples variations. Elle conduit tout droit à une croyance commune — notamment à toutes les formes de populisme, bien qu’elle n’en soit pas le seul chemin — sous-produit indésirable mais inévitable de l’esprit démocratique qui peut s’énoncer ainsi : « Mon ignorance est bien aussi bonne que votre savoir.« 

Non, Socrate ne pouvait pas penser de cette manière, ou alors Wikipedia ne lui aurait pas consacré autant de pages. D’ailleurs, on est Continuer la lecture de Scio me nihil scire !

¿ TAVUSSA ? (47)  Le QAnon, qu’es aquò ?

Au début, j’avais décidé d’écrire cet article sur le mode humoristique. Vous savez, le genre  » Le QAnon, qu’es aquò ? » ou bien « Le QAnon est-il contagieux ?« , le truc habituel, quoi ! Parti sur cette voie, j’ai peiné pendant deux jours sans arriver à rien que de très laborieux ni même qui dépasse le stade des préliminaires. J’ai donc finalement opté pour un traitement sérieux. Vous allez voir.

On savait déjà qu’il est des sujets d’actualité dont on ne peut pas rire : un tsunami, une épidémie de choléra, une marée noire… On ne peut pas faire de blague sur un de ces phénomènes, du moins tant qu’il est en cours. Eh bien, pour moi maintenant, le QAnon fait partie de ces tabous : on ne plaisante pas avec le QAnon. Bien qu’il soit pour le moment Continuer la lecture de ¿ TAVUSSA ? (47)  Le QAnon, qu’es aquò ?

¿ TAVUSSA ? (26) Donald, qui es-tu ?

Mais, dis-moi, Donald, qui es-tu exactement ?

Néron
ou
Caligula ?

Aldo Maccione
ou
Don Corleone ?

Espion russe
ou
Espion russe ?

Menteur
ou
Mythomane ?

Bavard impénitent
ou
Crétin des Alpes ?

Tartuffe
ou
Scapin ?

Mister Bean
ou
Lord Blackadder ?

Henri VIII
ou
Ubu roi ?

Murphy
ou
Peter ?

Léonard Michalon
ou
Le schpountz ?

Laurel
ou
Hardy ?

Donald
ou
Goofy ?

Un peu tout ça, sans doute ?

Did you say fake news, Ivanka ?

Perception is more important than reality. If someone perceives something to be true, it is more important than if it is in fact true.
This doesn’t mean you should be duplicitous or deceitful, but don’t go out of your way to correct a false assumption if it is at your advantage.

Ivanka Trump
The Trump Card – Playing to win in working life (2009)

La perception est  plus importante que la réalité. Si quelqu’un pense que quelque chose est vrai, c’est plus important que si cette chose est effectivement vraie.
Cela ne veut pas dire que vous devez être menteur ou malhonnête, mais ne vous attardez pas à corriger une hypothèse fausse si elle est à votre avantage.

Tactique contre l’intolérance

Morceau choisi

(…) C’est pourquoi on ne doit pas transiger avec l’injustice, ni se mettre en position d’attente devant le mensonge, ni faire des concessions à la violence ni sa part à l’intolérance. L’intolérance, par définition, ne compte pas sur des arguments, des « échanges d’idées » avec ses adversaires pour s’imposer, mais sur des positions de force, les seules sur lesquelles elle puisse s’appuyer et qu’elle puisse élargir. S’imaginer que si on évite de la brusquer elle va s’apaiser d’elle-même, c’est s’incliner devant un besoin d’expansion par définition insatiable puisque non fondé en droit ni en raison. Cette naïve tactique est un suicide : les préjugés ne sont jamais reconnaissants. 

J-F Revel.  Sur Proust – 1960

¿ TAVUSSA ? (18) Je m’en fous

Je me fous de tout.

Hamon a gagné son quart de finale ? Je m’en fous.
Le Parti Socialiste repart quarante ans en arrière ? Je m’en contre-fous.
Le Pingouin suprême cherche une raison de ne pas aller voter aux prochaines présidentielles ? Qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse ?
Fillon a pris une torpille par le travers ? Ça m’est égal.
Bercy nie toute implication ? Vous vous attendiez à quoi ?
Le Front National engrange ? Je m’en fiche.
Hidalgo poursuit la prise en masse de Paris ? So what ?
De tout cela, je me fous, je me contre-fous, je vous dis !

Il n’y a plus qu’une seule chose dont je ne me foute pas, une seule chose qui me préoccupe, une chose qui occulte toutes les autres : Donald Trump Président des États Unis d’Amérique.

J’ai déjà pas mal écrit sur le sujet, ici même, sur la transformation radicale que l’Amérique apporte à son image, sur les analyses rassurantes des sages de la presse intelligente, sur la nature déstructurée et mono-maniaque des discours du Donald. Mais pas sur les raisons de son élection.

Mais, dites-moi :
Est-ce que l’exposé de ces raisons vous donne, comme à moi,  des boutons ?
Est-ce que vous en avez marre d’entendre les analyses que l’on tient dans les cafés-terrasses germanopratins ?
Pourrez-vous supporter encore longtemps les commentaires télévisés des populistes de droite et de gauche ?
Les doctes propos tenus dans les diners de droite et de gauche vous sont-ils devenus indigestes ?
Pouvez-vous encore entendre sans hurler ce genre de banalité :
La victoire de Donald Trump aux élections présidentielles US est due au vote de toute une partie des électeurs qui se sentait oubliée, méprisée par les élites, bousculée par la crise économique et menacée par l’immigration. C’est le résultat d’une (saine) mobilisation populaire contre le reste de l’Amérique.

Si vos réponses aux questions ci-dessus ont été OUI-OUI-NON-OUI-NON, alors examinez deux minutes le tableau ci-dessous : Continuer la lecture de ¿ TAVUSSA ? (18) Je m’en fous

¿ TAVUSSA ? (17) La langue de Trump

Voici in extenso la réponse du Donald à une question du très honorable Times de Londres lors d’une interview du week-end dernier. Pour que rien ne soit perdu dans la traduction, je vous donne le texte original et les sous-titres. Vous en avez de la chance…

The Times
Do you have any models —are there heroes that you steer by—people you look up from the past?
Avez-vous des modèles ­—y a-t-il des héros qui vous guident— des gens du passé que vous admirez?

 Donald Trump, President elect
« Well, I don’t like heroes, I don’t like the concept of heroes, the concept of heroes is never great, but certainly you can respect some people and certainly there are certain people ­— but I’ve learnt a lot from my father — my father was a builder in Brooklyn and Queens — he did houses and housing and I learnt a lot about negotiation from my father — although I also think negotiation is a natural trait, I don’t think you can, you either have it or you don’t, you get better at it but basically, the people that I know who are great negotiators or great salesman or great politicians, it’s very natural, very natural…I got a letter from somebody, their congressman, they said what you’ve done is amazing because you were never a politician and you beat all the politicians. He said the added it up—when I was three months into the campaign, they added it up — I had three month of experience and the 17 guys I was running against, the Republicans, had 236 years — ya know when you add 20 years and 30 years — so it’s sort of a funny article but I believe it’s like hitting a baseball or being a good golfer — natural ability, to me, is much lire important to me than experience and experience is a great thing — I think it’s a great thing — but I learnt a lot from my father in terms of leadership. »
« He bien, je n’aime pas les héros, je n’aime pas le concept des héros, le concept des héros n’est jamais bon, mais vous pouvez certainement respecter certaines personnes — mais j’ai appris beaucoup de mon père — mon père était un entrepreneur à Brooklyn et dans le Queens — il a faut des maisons et des immeubles et j’ai appris beaucoup de mon père sur la négociation — quoique je pense aussi que la négociation est un don naturel, je ne crois pas que vous pouvez, ou bien vous l’avez ou bien vous ne l’avez pas, vous vous améliorez mais à la base, les gens que je connais qui sont des grands négociateurs ou des grands vendeurs ou des grands politiciens, c’est très naturel, très naturel…J’ai reçu une lettre de quelqu’un, leur congressman, ils disent ce que vous avez fait est extraordinaire parce que vous n’avez jamais été un politicien et vous avez battu tous le politiciens. Il dit qu’ils avaient ajouté — quand j’étais dans la campagne depuis trois mois, ils avaient ajouté — j’avais trois mois d’expérience et les 17 types contre lesquels je concourait, les Républicains, avaient 236 ans —  vous savez, quand vous ajoutez 20 ans et 30 ans — alors c’est une espèce de drôle de chose mais je crois que c’est comme frapper une balle de baseball ou être un bon golfeur — un talent naturel, pour moi, est bien plus important pour moi que l’expérience et l’expérience est une excellente chose — je pense que c’est une excellente chose — mais j’ai appris beaucoup de mon père en termes de leadership. »

Affligeant, non ? Au début, à examiner ce galimatias hors sujet de morceaux de phrases successifs sans suite ni logique apparente, on peut se demander si le nouveau Président de la plus grande puissance mondiale avait vraiment compris la question.

Mais à y réfléchir un peu, on comprend la méthode : « Je me fous de votre question, mais merci de me permettre de traiter à nouveau un sujet super important, moi, ce que je suis, ce que j’ai fait, moi, moi, moi !« .

Lui, lui, lui ! Mais nous ? Nous ? Que peut-on tirer de cette réponse alambiquée ?

—Que le Donald n’aime pas les héros ? Ni Lincoln, ni Washington, ni Margaret Thatcher ? Pas même Captain America ou Superman ?
—Qu’il a beaucoup appris sur la négociation auprès de son père mais que, de toute façon, le talent de la négociation est inné ?
—Qu’avec ses 3 mois d’expérience en politique, il a battu des gens qui en possédait 236 années ?

Bon, et après ?

Moi, j’en conclus qu’il parait incapable d’exprimer un enchainement de pensées logique ou même seulement un langage articulé, et qu’il se place toujours dans l’auto-célébration.

Les politiciens ordinaires avaient inventé la langue de bois et il est certain que sur ce plan, Le Donald ne fait pas partie de leur club.
Si ce n’est pas de la langue de bois, alors qu’est-ce que c’est ? Il serait facile, vu le passé du Donald de dire que c’est de la langue de béton, dure, lourde, visqueuse, désagréable… Mais l’image ne résiste pas bien longtemps à l’examen. Elle ne traduit pas cette volonté d’auto-vénération.

Pas de la langue de bois ? Pas de la langue de béton ? Alors quoi ?
Peut-être de la langue de bœuf, vous savez, ce truc immangeable qu’on nous servait à la cantine, ou mieux, de la langue de taureau, cet animal qui, selon Baudelaire, exprime le mieux la bêtise, l’obstination et la stupide confiance en soi.

Mais n’allez pas raconter au Donald que j’ai dit ça ! Je crois qu’il adorerait être comparé à un taureau.

¿ TAVUSSA ? (15) – Une vue de l’Amérique

Je suis un enfant de la guerre.

Et nous autres, enfants de la guerre, nous avons été nourris, au propre comme au figuré, au lait concentré sucré de l’Amérique. Nous avons grandi en force et raison grâce aux Candy Bars Hershey’s pour la bonne énergie, au chewing-gums Wrigley’s pour la mâchoire carrée et au Coca Cola pour la soif d’aujourd’hui. Mais aussi grâce à John Steinbeck et à Franck Capra pour la justice sociale, à Gary Cooper et John Ford pour le courage, à Howard Hawks et John Wayne pour le patriotisme, Fred Astair et Ginger Rogers pour l’élégance, Stanley Donen et Katharine Hepburn pour la sophistication… Nous avons grandi en regardant l’Amérique.

Et puis, il y a eu Kennedy à Dallas, Johnson à Washington, les boys au Viêt-Nam, Nixon au Watergate… Mais c’était des accidents, des erreurs, des enchainements, des fatalités. Rien de cela ne changeait l’Amérique, qui survivait, se redressait, faisait justice. Il y aurait toujours un James Stewart pour convaincre un Sénat, un Robert Redford pour Continuer la lecture de ¿ TAVUSSA ? (15) – Une vue de l’Amérique