Aventure en Afrique (49)

La pharmacie du Centre (2/3)

La vie de la pharmacie se faisait:
Des clients de toutes sortes affluaient, il était aisé de détailler leurs tenues vestimentaires ; c’était bien plus difficile dans la foule circulante dehors. Les européens pour signifier surtout les blancs, étaient vêtus de sahariennes, les femmes de robe d’été classiques. Les vêtements d’africains variables de nature, de forme, de dessins selon les ethnies, les origines, la richesse, parés ou sobres de couleurs variées lumineuses défilaient…

Les miséreux, pour eux, c’était le « système D », souvent vêtus de haillons, leurs pansements étaient faits  de chiffon, fixés non par le bon vieux sparadrap encore trop luxueux, mais par de la ficelle. Ils demandaient l’aumône d’un soin en palabrant. Notre soin était « cadeau ».

Les riches en large « boubous » plus imposants avec ou sans calot, d’autres en tenue de service, ou de camouflage, d’uniformes militaires, d’autres encore en tunique et “séroual“, ceinturon, grigri autour du cou, avec ou sans chèche, voilà les hommes !

Les femmes étaient vêtues de tissus de « pagne » aux imprimés de couleurs vives, ou unis noirs ou bleu, cintrés sur le thorax ou noués sur l’épaule avec de simples coiffures de leurs cheveux lisses ou crépus, surmontés parfois de turbans. Changeant la silhouette, il pouvait y avoir un bébé blotti dans le bas du dos, ou serré sur une hanche.

Je me souviens d’une jeune mère noire parée de tous ses atours, fière, vivant à l’européenne sans doute, un jour de marché, nous amener son bébé pour que nous le pesions. C’était une manière de nous le présenter ! Le bébé garçon posé sur le plateau avec un morceau de pagne, nous a arrosés de son petit jet d’urines, chose fréquente, surprise !
Lorsqu’on croisait un enfant dans le dos de sa mère, il était toujours propre la mère aussi. Nous nous étions demandé comment les petits enfants ainsi placés pendant que la mère marchait ou travaillait à piler le mil,  faisaient leurs besoins. Ils  n’avaient aucune protection, aucune « couche », si ce n’est un morceau de pagne qui, les maintenait. Nous avons appris que les mères à certains moments de la journée insufflaient de micro lavements à base de piment à l’anus de l’enfant, pour ainsi dégager les selles !

Une autre jeune mère nous a amené ses jumelles juchées de chaque côté sur ses hanches. Elle était vêtue plus sobrement de bleu marine, avec ses colliers d’argent. Les yeux des enfants coulaient, une infection fréquente… Nous avons nettoyé, mis un  collyre, et proposé une pommade à mettre le soir.

   Jean avait double ou triple casquette, il soignait :- Un petit enfant s’était brulé sur une cuisse avec de l’eau chaude …Sa mère le met en position, lui donnant le sein. Jean opère sur la plaie détachant la peau brune qui s’était recroquevillée, laissant apparaitre la chair rose ; puis il applique le célèbre « tulle gras »et un beau pansement de gaze. L’enfant était soigné !  Sa mère l’avait amené, elle avait fait confiance !

    Géraud arrive à une heure inhabituelle peu avant midi; il s’est enfilé une écharde au dos d’une chaise, dans le dessus d’une cuisse. Il passait dire qu’il allait à l’hôpital pour se faire retirer l’écharde. Madame Havard dit Duclos conseille, apporte un verre de whisky à Géraud : Jean va opérer ! Passant par l’arrière-boutique à l’infirmerie, Géraud suit. Géraud baisse son pantalon. Il apparaît sur sa cuisse droite, sous la peau, une trainée noire d’environ trois centimètres.
Jean se prépare à intervenir en se désinfectant les mains. Il prend une lame de rasoir Gilette, la désinfecte et pratique, à vif, une longue incision dans la cuisse de Géraud, afin d’éviter que l’écharde ne se casse. Géraud serre les dents et transpire, le whisky de madame Havard dit Duclos n’a pas grand effet anesthésiant ! Jean retire lentement l’écharde avec sa pince. Il présente ensuite sa prise puis désinfecte la plaie à l’alcool à 90o. Géraud se redresse sous la douleur. Pour assurer la cicatrisation, il place deux “steri-strip“ et un pansement.
Après un moment de calme, je le ramenais au studio. Les relations entre Géraud et Jean avaient changé ! Il n’en n’a même pas gardé de cicatrice !

La pharmacie ouvrait de 7h30 à 12h30 et de 15h à 18h30. Géraud m’accompagnait et venait me chercher avec la 2 CV. En son absence il me confiait la voiture, je ne pouvais revenir à pied à notre logement trop éloigné.
La profession de pharmacien, était sensiblement la même qu’en France, nous n’étions pas encore à l’informatique, ni au traitement des prescriptions par des automates.
Certains médicaments étaient à l’usage identique d’en France, mais d’autres étaient adaptés aux maladies et conditions  de vie de la région. Ainsi on trouvait la « Nivaquine » antipaludéen, de la lotion « anti-bourbouille », des antiparasitaires intestinaux, des purgatifs ou des anti-diarrhéiques, certains antibiotiques, des pommades et des baumes contre les  piqures d’insectes. La plupart inscrits à la pharmacopée française. Les médicaments appropriés  à des maladies tropicales, maladies particulières parasitaires telle l’onchocercose, les filaires, la lèpre, les maladies respiratoires (maladies étudiées à l’Institut Pasteur et  entre autres universités, à Marseille).
Parmi les produits d’hygiène on trouvait   l’ hydrochlonazone  ou le permanganate de potassium utilisés pour purifier l’eau, des bandes plâtrées pour fractures, loin des résines utilisées actuellement en France.

     Un petit nombre relevait de la médecine traditionnelle, ils étaient préparés sur place à la pharmacie, par exemple des pommades. Les produits salés contre la déshydratation, produits injectables étaient préparés et conditionnés à la pharmacie d’Etat où nous étions “client privilégié“.
J’étais novice, je me propose d’y aller en 2CV, je parcours quelques rues, puis m’engage depuis un carrefour encombré sur une petite voie. Un coup de sifflet strident, je m’arrête, un agent de police me sermonne de sa grosse voix : « vous êtes en sens interdit», poliment je réponds : « je n’ai pas vu de panneau », catégoriquement il dit : « il n’y en a pas, tout le monde sait, on ne circule pas dans ce sens ! Faites demi-tour ! ». Je me suis exécutée, et suis allée récupérer les solutés injectables sans problèmes par une autre voie.
On trouvait aussi des aphrodisiaques, petites boites dont le couvercle représentait un taureau, des désignations imagées : un carnet de voyage, pour une boite de préservatifs !

  Comme dans les pharmacies où j’avais  exercé à Marseille, au paravent on triait et contrôlait  la péremption des médicaments, contrôle relatif  En effet la règle était moins stricte qu’actuellement  en France. En cas de pénurie d’approvisionnement, nous donnions si possible un équivalent, et parfois étions obligés de délivrer des produits dans la marge de sécurité de l’activité de ceux-ci.
Nous allions chercher nous même les médicaments, sur les étagères (pas d’automate).
La délivrance des médicaments aux clients se faisait soit sur prescriptions médicales, soit sur les indications de marabout, sur le conseil des employés de notre équipe, selon la demande, la classe, le niveau d’instruction, l’ethnie des clients ; il fallait être prudent en effet, les africains ne supportent pas certains médicaments assimilables par les européens.

A SUIVRE

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