Rendez-vous à cinq heures avec une réponse

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Parce que le roman
par Philippe

Cette chronique est censée répondre à celle que Lorenzo a signée hier dans le JdC

Elle est intéressante cette étude sur les différences qui existent entre le roman et la réalité, ou plutôt entre les comportements humains romanesques et les comportements  réels. Bien que je sois en désaccord avec elle sur presque tous les points, elle est intéressante, argumentée. On peut regretter cependant qu’à la fin du texte ainsi que dans l’addendum, l’auteur n’ait pas su s’empêcher d’enfourcher une fois de plus sa monture favorite, sorte de mulet increvable né de la fusion improbable de personnages réels et de leurs images fantasmées sous la plume d’un auteur en verve. Mais passons.

Donc, selon la théorie développée, la littérature est entachée de fausseté car les comportements humains qu’elle met en scène sont différents des comportements réels, plus précisément, les comportements romanesques sont « bien huilés, policés, cohérents« , alors que dans la réalité, ils ne le sont pas. 

En première analyse, on peut admettre qu’un (bon) roman est la description d’une suite de comportement humains, cette enchaînement constituant le pitch, l’histoire du roman. Pour les besoins de cette analyse, on écartera un instant la signification de mon aphorisme favori de Raymond Chandler qui affirme, entre deux verres de Bourbon, que « l’histoire on s’en fout, c’est le style qui compte !« 

Allons-y.
Par quoi les comportements humains sont-ils déterminés ?
A priori et sans trop y réfléchir, je dirais : l’instinct (conservation, sexe, jeu…), les dominantes de la personnalité (agressivité, émotivité, égocentrisme, altruisme…), l’expérience (souvenir des causes et conséquences d’évènements passés), le hasard.
Pourquoi les comportements humains romanesques paraissent-ils bien huilés, cohérents, pour ainsi dire logiques ? Vraisemblablement parce que l’auteur du (bon) roman, en (bon) écrivain consciencieux, a donné au lecteur tous les éléments psychologiques qui lui ont paru nécessaires et qu’il ne fait pratiquement pas jouer le hasard. L’auteur fournit donc au lecteur, et c’est son travail, tous les éléments explicatifs du comportement de ses héros. Pour le lecteur, tout est huilé, policé, cohérent.
Au contraire, dans la « vraie vie », on ne nous fournit pas tous ces éléments. Avec le temps et chez certaines personnes, il nous arrive d’en découvrir une partie, mais jamais la totalité. C’est sans doute cette ignorance qui nous fait croire que ces comportements réels sont illogiques. Et puis surtout, la « vraie vie » est remplie de hasards véritables alors que les « hasards » romanesques ont tous été manigancés par l’auteur. 

Autre chose :
« Le roman nous plait (…) parce qu’il montre des comportements que nous n’avons pas eus (…) plus courageux (…) ou plus lâches… »
Pas d’accord, bien sûr. Le roman ne nous plait pas parce qu’ils nous montre des comportements différents de ceux que nous avons. Que ces comportements soient différents ou semblables aux nôtres, peu importe à mon avis pour le plaisir de la lecture. Dans les romans, certains cherchent le dépaysement (géographique ou social) alors que d’autres aiment être en terrain connu ; certains recherchent une morale (le bien récompensé et le vice puni ou l’inverse). Beaucoup aiment que l’on flatte leur sensibilité politique ou sociale et aiment les livres qui pensent comme eux. C’est le droit des lecteurs et peu importe leurs goûts, la littérature est assez vaste pour les satisfaire tous. Mais ce qui compte vraiment, et c’est là ce qui différencie la littérature du constat d’huissier ou de l’article de faits divers, c’est la façon de dire les choses, celle de raconter l’histoire.
Tiens ? Le style ? Encore ! Ah ben oui !
Mais j’ai déjà beaucoup écrit sur le style. Vous ne tenez pas à ce que je recommence, pas vrai ?

2 réflexions sur « Rendez-vous à cinq heures avec une réponse »

  1. Moi je dirais très simplement que si les gens lisent des romans, vont au théâtre ou au cinéma, c’est pour toutes sortes de motivations que je résumerais ainsi: se faire plaisir, se satisfaire!

  2. « Le roman nous plait (…) parce qu’il montre des comportements que nous n’avons pas eus (…) plus courageux (…) ou plus lâches… ». Effectivement, tu as raison, le terme « plaire » est inapproprié. J’aurais du dire « intéresse ». Ton commentaire est lui aussi intéressant mais confirme qu’il y a un biais dans l’histoire romanesque. Si l’on nous donne des clés, comme tu dis, c’est bien pour nous conduire là où l’auteur a voulu nous emmener. Soit, mais ce n’est pas en contradiction avec ce que j’ai écrit.
    PS : rassure toi, Rossinante est morte.

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