Aventure en Afrique (47)

Le 20 décembre, nous sommes sortis de la montagne et roulons, sur une grande plaine caillouteuse, poussiéreuse, sans végétation, en direction Agadez. J’ai évité de parler par pudeur, mais cela fait aussi partie de la vie : Faire ses besoins, en groupe dans le désert. Pendant la journée il y avait plusieurs “arrêt pipi”. Ici pas de sanitaires publics, pas d’arbre, pas de buisson, rien. Pour les hommes c’est assez simple : tourner le dos aux camions et faire attention à la direction du vent… Mais pour les femmes toutes en pantalon, c’est plus compliqué : Trois femmes côte à côte font face aux camions, pendant qu’une autre profite de cet écran… Pour les besoins plus importants, il fallait attendre la nuit, au campement, en s’éloignant un peu…

  Nous sommes en vue d’Agadez capitale Touareg, on distingue au loin son minaret très caractéristique mais ne voyons pas la ville qui a la même teinte que ses abords. Agadez, «porte du désert» fut fondée au XIème siècle à l’intersection des routes transsahariennes qui relient l’Egypte et la Lybie à la Zone du lac Tchad.
Le sultanat de l’Aïr s’y installe aux 16ème  et 17ème siècles. Agadez est classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO depuis 2013.
Nous commençons par visiter le marché, très coloré aux senteurs variées et puissantes. Les femmes s’attardent devant les petites cahuttes des orfèvres et plus particulièrement devant une où un homme assis en tailleur parle français et donne des explications. Au bout d’un moment, il soulève ses fesses et sort un beau livre sur lequel il est assis: Artisans Africains de René Gardi (30x25cm) auteur suisse.  Il nous fait voir un chapitre intitulé “ La croix d’Agadez” qui parle de lui sur 14 pages, avec photos.  Moment surréaliste au milieu de ce marché d’une autre époque. De retour en France nous nous sommes procuré ce bel ouvrage (grâce à ma mère) où le métier d’orfèvre de Mohammed Humama d’origine touareg est détaillé. La pratique de la cire fondu, ou forme perdue, est décrite.

Chaque pièce est unique, originale, authentique, puisque le moule est détruit après chaque coulée. Il façonne ainsi la célèbre Croix d’Agadez que portent toutes les femmes Touaregs, et aujourd’hui bien d’autres.

Nous croisons ensuite un campement de Peuls Bororos en grande misère et arrivons à la caserne des FAN (Forces Armées Nationales) où nous serons hébergés. Nous déjeunons à l’Hôtel de l’Aïr, face à la mosquée, c’est un ancien palais construit par un sultan. A 20h grand méchoui à la caserne, puis couché de tous les participants sur des lits de camp dans un grand dortoir. Au petit matin, Chantal et moi sommes seuls dans la grande pièce. Les moustiques étaient tellement voraces, que tous les participants ont fui dans la cour, en plein air. Prudents nous avions mis dans nos bagages deux petites moustiquaires.
Le lendemain matin 21 décembre, soit six jours après notre départ, nous visitons la vieille ville, ce centre historique, était autrefois une étape importante du commerce caravanier. Toutes les constructions de couleur chaude, sont en banco (terre séchée), avec une belle architecture travaillée. Nous arrivons à la grande mosquée, quittons nos chaussures, pénétrons à l’intérieur, suivis de nos épouses. Nous sommes une dizaine, un marabout s’interpose, nous négocions et pénétrons dans une salle de prière vide, pour accéder au minaret. Parmi “les infidèles”, il semble y avoir des femmes, difficile à identifier le sexe car tout le monde est en pantalon. Le seul moyen est de tâter les seins de ceux qui semblent en avoir, pour leur interdire l’accès au minaret. Certaines se sont soumises, mais d’autre se sont rebellées, d’autres encore ont pu échapper à l’épreuve car dotées de petits seins ! Nous pénétrons dans le minaret d’adobe (c’est à dire en pisé) de 27m de hauteur. Par les étroites fenêtres nous avons pu photographier Agadez en vue aérienne.

Avec le recul, je me dis que nous avions beaucoup de culot pour nous introduire sans autorisation préalable dans cette belle mosquée. Les gens étaient gentils. Aujourd’hui cela ne serait pas à faire, sans risque !
Après le repas à la caserne, à 15h. : Pot de départ en « grande pompe » ; il me semble me souvenir qu’il y avait même le préfet.

   Le soir nous dormons dans la palmeraie d’In Gall, au milieu des Peuls et des Touaregs, bêtes et gens sont durement frappés par la grande sécheresse. In Gall est célèbre par sa cure salée qui n’a pas eu lieu en 1973, faute de pluie.
Le diner est constitué de pintades, achetées sur la route et de petits pois.
Les pintades sont cuites à la braise sur les plaques de désensablage d’un camion. Elles dégagent une très agréable odeur qui doit tordre les estomacs des ventres vides qui nous entourent ! Au milieu du repas je sens une présence dans mon dos. Discrètement de ma main gauche, je tends un morceau de pain. Une main vient le prendre. Peu de temps après, je me lève, récupère une boite de conserve vide d’1 kg, y glisse un morceau de pintade et complète de petits pois. En revenant à ma place, j’essaye de deviner qui se tient derrière moi. La nuit est trop sombre, et les braises n’éclairent plus suffisamment. Une fois assis je tends mon bras à l’arrière de mon dos; je sens des bouts de doigts qui effleurent les miens et récupèrent la boite sans un mot.
Je me suis longtemps demandé, qui avais-je nourri ce soir-là: un Peul, un Touareg, un adolescent, une femme, un homme, probablement un enfant.
Au matin du 22, nous sommes dans les camions aux environs huit heures en direction de Tchin Tabaraden que nous abordons vers 13h30. Une pause pour nous permettre de nous abreuver. Chantal boit “la boulle“ qui nous est proposée par une habitante.

Dès mon arrivée au Niger, j’avais acheté une gourde en aluminium sur le marché ; j’y avais trouvé également un sac en toile de jute. Après avoir découpé des bandes de jute, j’ai demandé à Chantal de me les coudre autour de la gourde. Il y en avait cinq épaisseurs et cela n’était pas très esthétique. Une fois remplie d’eau filtrée, je mouillais la toile de jute régulièrement. Le phénomène d’évaporation faisait que l’eau se rafraichissait lentement. Pendant que les autres buvaient de l’eau tiède la nôtre était un peu fraîche.
Nous poursuivons notre périple et arrivons vers 18h à Tahoua dont je connaissais la préfecture pour y avoir fait signer antérieurement des laisser- passer pour mes déplacements dans l’Ader Douchi Maggia . Nous établissons notre campement à proximité de celui d’un groupe de Peul Bororos. Pendant le diner ils sont venus, hommes et femmes, chanter et danser en notre honneur. Je me souviens qu’une jolie femme Peul, a demandé à notre médecin (VSNA), jeune marié, de “croiser le sang” avec elle, devant son épouse. Il était très gêné !
Le lendemain 23 décembre, nous sommes à Abala, avant dernière étape de notre retour, avant Niamey. Nous improvisons une distribution de vivre : il n’était pas question de ramener de la nourriture à la capital. Nous avons été rapidement submergés par notre initiative ! En passant à Filingué, que nous connaissions, nous observons les gros stocks de céréales destinés à la population en manque. Nous arrivons tard à Niamey, après avoir parcouru dans la journée près de 500km de mauvaises pistes. Cela fait huit jours que nous sommes partis ! Nous sommes fatigués, mais que  beaux souvenirs !

A SUIVRE

Une réflexion sur « Aventure en Afrique (47) »

  1. @ Géraud. Une fois de plus, j’ai partagé ce matin votre aventure passionnante en afrique. J’aurais aimé vivre une aventure pareille.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *