The Fabelmans – Critique aisée n°255

temps de lecture : 5 minutes 

Critique aisée n°255

The Fabelmans
Steven Spielberg -2022
Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano

Avant de se lancer dans une critique aisée du dernier film de Spielberg, avant de faire la fine bouche sur The Fabelmans, il faut se rappeler ce que ce petit bonhomme de réalisateur, l’un des plus grands que le cinéma américain ait jamais porté, nous a donné depuis cinquante ans, dans l’ordre : Duel, Sugarland express, Les dents de la mer, Rencontres du troisième type, 1941, Les aventuriers de l’arche perdue, E.T., Indiana Jones et le Temple maudit, La Couleur pourpre, L’Empire du soleil, Indiana Jones et la Dernière Croisade, Always, Hook, Jurassic Park, La liste de Schindler, Le Monde perdu : Jurassic Park, Amistad, Il faut sauver le soldat Ryan, A.I., Minority report, Arrête-moi si tu peux, Le Terminal, La Guerre des Mondes, Munich, Indiana Jones et le royaume du crane de cristal, Les Aventures de Tintin, Cheval de guerre, Lincoln, Le Pont des espions, Le Bon Gros Géant, Pentagon Papers, Ready Player one, West Side Story, The Fabelmans...

31 films ! Sur 31 de ces films, j’en ai vu 27. Et ces 27, il n’y en a que trois ou quatre que je n’ai pas vraiment aimé, ou seulement un petit peu. Dans les autres, j’ai toujours trouvé en plus d’une formidable maitrise de la mise en scène, l’aptitude à adopter pour des scènes classiques, rabâchées, un point de vue nouveau, différent, qui leur apportait une incroyable intensité. J’y ai toujours trouvé aussi cette sorte de naïveté qu’on peut aussi appeler sincérité et qui permet d’affronter sans complexe tous les clichés, tous les poncifs dont le cinéma hollywoodien était nourri.

Et vous ?  Allez ! Réfléchissez deux minutes et dites-moi si vous n’avez pas trouvé qu’à chaque fois, sans moyens ou avec d’énormes budgets, Spielberg n’a pas inventé quelque chose. Souvenez-vous de Duel, et de la peur primale incarnée par un simple camion à l’anthropomorphisme réaliste ! Et Les Dents de la mer, est-ce qu’elles ne vous ont pas empêché de vous baigner cette année-là, simplement à cause d’une musique et d’un requin qu’on ne voit presque jamais ? N’avez-vous pas écrasé une larme sur le sort d’un Extra-Terrestre hideux ? N’avez-vous pas retrouvé votre enfance avec Indiana Jones et Jurassic Park, revu votre image des camps de concentration avec L’Empire du Soleil et la Liste de Schindler, retrouvé la comédie policière et légère avec Arrête-moi si tu peux ? N’a-t-il pas refondé totalement le film de guerre avec le Soldat Ryan et le film de science-fiction avec la Guerre des mondes ? Rappelez-vous tout cela avant de dire que Le Pont des espions, Pentagon Papers, West Side Story n’étaient pas de très grandes réussites.

Moi, je me suis rappelé tout cela et j’ai réfléchi longtemps avant de me faire une opinion de synthèse sur les Fabelmans. Qu’est-ce que c’est que ce film ?

— Un chef d’œuvre autobiographique ?  Non, mais seulement l’évocation de trois ou quatre points essentiels qui ont déterminé l’impressionnante carrière de l’auteur.

— Un roman d’apprentissage ? Peut-être, dans la mesure où le film s’achève quand le héros a 20 ans et qu’il s’éloigne entre les grands hangars qui abritent les plateaux d’un studio hollywoodien vers un destin que le spectateur connaît déjà.

— Une analyse de la construction d’un immense réalisateur ? Pas sûr, quand on voit que trois événements seulement sont évoqués dans ce sens : l’obsession de l’enfant-héros de reconstituer, en chambre et en 8 millimètres, l’accident de chemin de fer du cirque Barnum mis en scène par Cecil B de Mille en 1951, la volonté de faire plaisir à sa mère artiste elle-même en lui consacrant un petit film de famille, le désir de séduire une fille de son collège en lui montrant ce qu’il sait faire le mieux, filmer.

— Ce pourrait aussi l’expression d’un amour du cinéma, mais, malgré toutes les réserves que j’ai sur le film Babylon, Damian Chazelle vient de faire mieux dans ce domaine.

— Ou alors une démonstration des techniques cinématographiques de l’époque et de leur évolution, mais seules les scènes relatives au tournage de son premier film à 15 ans, Escape to nowhere, entrent dans ce cadre.

Alors quoi ? Et d’abord, qu’est-ce que, moi, j’attendais de ce film, avec mon admiration et mes préjugés en faveur du cinéma hollywoodien et de Spielberg en particulier ?

Je crois que j’attendais, probablement sans vraiment le savoir, un film plus conventionnel sur les débuts et la carrière, au moins ses premières années, de ce petit bonhomme qui avait pu faire tant de grands films populaires, autant de blockbusters, certes, mais d’une grande qualité, jamais vulgaires ni racoleurs, et toujours originaux. Ça doit être ça : j’attendais des références à ses films, au moins à quelques-uns d’entre eux, les plus décisifs, Duel, Les dents de la mer, l’Empire du soleil, E.T. et quelques autres merveilles. Moi, naïf, je voulais un exposé plus ou moins sincère de la façon dont Spielberg était devenu Spielberg. Je voulais avoir de quoi me créer sa légende.

Et ça, je ne l’ai pas eu. J’aurais dû m’en douter si j’avais prêté un peu attention au titre du film : ce n’est pas « Sam Fabelman » ni « Comment je suis devenu metteur en scène », mais « The Fabelmans », c’est à dire « La famille Fabelman ». Au lieu d’un conventionnel récit de l’apprentissage d’un grand réalisateur, j’ai eu le récit intimiste d’un enfant des années 50 grandissant dans une famille juive de la middle-class du New Jersey, transplanté en Arizona puis en Californie, effrayé à 7 ans à l’idée d’aller au cinéma, admiratif de sa mère aimante, artiste et inconséquente, bouleversé par la découverte de son infidélité, victime de l’antisémitisme ordinaire dans un lycée américain, amoureux incrédule d’une jeune fille catholique, pratiquante, joyeuse et légère.

Voilà ce que j’ai vu, et c’est pourquoi j’en suis sorti un peu déçu, insatisfait.

Il n’en demeure pas moins que c’est un film de Spielberg, différent, mais de Spielberg. J’en retiendrai entre autres et surtout une scène très brève qui se situe vers la fin du film : l’entrevue de quatre minutes que John Ford accorde au jeune Fabelman-Spielberg, au cours de laquelle l’un des deux grands borgnes d’Hollywwod — l’autre, c’est Raoul Walsh — apprend au futur cinéaste où placer l’horizon dans un cadrage. Jolie scène.

Voilà, c’est tout.

Ce film a beaucoup de succès, paraît-il. Peut-être, sûrement même, suis-je passé à côté.

 

Une réflexion sur « The Fabelmans – Critique aisée n°255 »

  1. Heureusement que les derniers 10 minutes sont assez bons ;et pour un film muet …….,??? on aurai presque vue Chaplin partir en sautillant …….!

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