Zombies – Critique aisée n°258

temps de lecture : 4 minutes 

critique aisée n°258

Zombies
Bret Easton Ellis – 1994
10/18 – 276 pages – 2€ (d’occasion)

Ceci n’est pas une critique aisée, pas une vraie en tout cas, car je ne saurais pas dire grand-chose de ce recueil de nouvelles de Bret Easton Ellis que je viens de terminer, en sautant quelques pages, je dois l’avouer.

C’est toujours intéressant de savoir comment et pourquoi on s’est lancé dans la lecture de tel bouquin plutôt que tel autre, vous ne trouvez pas ? En tout cas, moi, ça m’intéresse. Alors voilà :

L’autre jour, j’ai rendez-vous chez le médecin. Pour ce praticien, dont je dois dire par ailleurs que je le respecte et que je l’apprécie, l’heure du rendez-vous que Doctolib m’a accordé n’est qu’une indication de l’ordre dans lequel il recevra ses patients, pas davantage. Or, je n’ai sur moi que ma carte vitale : pas le moindre livre, pas le plus petit magazine, et surtout pas mon iPad qui me permettrait de taper quelques considérations sur l’exactitude, comme je suis en train de le faire à cette table du café « Au Petit Suisse », cette table placée le long de la vitrine d’où je peux voir à travers les grilles du Luxembourg un soleil humide éclairer la façade Est du palais du Sénat. (Quand on est à cours d’inspiration, il faut savoir pratiquer l’art de la digression). Bref, je prévoie que je n’aurai rien à lire ni à faire dans la salle d’attente qui m’attend, elle aussi.

Et ne voilà-t-il pas que, quelques mètres avant ma destination, empiète sur le trottoir un étal de bouquiniste : devant sa vitrine faiblement éclairée, sur deux planches sur tréteaux, le libraire a disposé à plat tout un ensemble de volumes disparates et d’occasion dont il souhaite se débarrasser en échange de quelque argent. A travers la translucidité de la feuille de plastique dont il a recouvert sa marchandise pour la protéger de la pluie, car il pleut, je distingue la couverture rouge sombre d’une édition de poche : c’est « Zombie », de Brest Easton Ellis. Il a l’air propre. Je soulève le plastique, le prends et entre dans l’antre du conservateur du musée de l’écriture.
— Deux euros, me dit-il sans même avoir levé la tête pour regarder le livre.
Je n’y crois pas, mais je sors ma pièce avant qu’il ne change d’avis.

Voilà. C’est comme ça que ça s’est passé.

Vous vous souvenez sûrement de ma 187ème critique aisée qui portait sur  « Moins que zéro ».

Critique aisée n°187

Vous savez donc qu’après quelques dizaines de pages passées à détester ce livre et le monde qu’il dépeint, je suis entré dedans, allant même jusqu’à y trouver le Holden Caulfield des années 80 et à vous le recommander.

C’était donc sans inquiétude et même avec un certain intérêt que je me lançai dans la lecture de « Zombies ».
« Bruce téléphone, bronzé et défoncé, de Los Angeles… »
J’avais beau être sur le mauvais canapé d’une salle d’attente partagée avec deux femmes masquées catarrheuses, je me trouvais à L.A., j’avais 19 ans, et je m’ennuyais au bord d’une piscine en écoutant les Missing Persons. C’était bien ce que j’avais voulu, non ?

Ouais, c’est ce que j’avais voulu, mais pas ce point… et pas comme ça.

Parce que « Zombies », c’est la même chose que « Moins que Zéro », exactement la même chose, les mêmes personnages, la même vacuité, le même ennui, la même désespérance inavouée. Il y a une différence cependant : « Zombies » n’est pas un roman mais un recueil de nouvelles, avec les mêmes personnages ou presque et les mêmes actions ou absences d’action que celles de « Moins que Zéro ». C’est peut-être inhérent à leur brièveté, mais il est de fait qu’aucune des nouvelles qui le composent n’a le temps de construire un personnage auquel on puisse s’identifier, ou au moins accorder quelque sympathie. Elles ne mettent en scène aucun Clay à aimer ou à plaindre, aucun Holden. Alors, seuls restent le sentiment de vacuité de ces adolescent déglingués, morbides et parfois meurtriers.

En cherchant un peu, j’ai trouvé que bien qu’elles n’aient été publiées que neuf ans après « Moins que Zéro », ces nouvelles avaient en fait été écrites avant, ce qui permet de leur donner l’excuse d’être un brouillon du premier roman.

De cette douzaine de nouvelles, s’il fallait en sauver une, pour moi ce serait « Lettres de Los Angeles » où, à travers ses lettres à son petit ami resté dans l’Est, on voit une jeune fille s’intégrer, d’abord avec réticence, puis par facilité puis par amour de la jouissance dans cette ville du show biz et de l’argent, pour s’y fondre totalement et probablement s’y noyer.

P.S. Cette critique aisée a été écrite il y a environ 3 mois, mais le livre critiqué ayant, lui, plus de 25 ans, il n’y avait apparemment aucune raison de se presser de le publier. Erreur ! En effet, il y a quelques jours est sorti le dernier livre de B.E.E., « Les Éclats ». A entendre le Masque et la Plume, c’est une superbe réécriture de « Moins que zéro ». Après « Zombies » et « Moins que zéro », ce ne sera jamais que la troisième fois que BEE aura écrit son histoire de génération perdue dans le L.A. des années 80. « Superbe » a dit le Masque. Mais, puisque la chose s’améliore à chaque écriture,  ne vaudrait-il pas mieux en attendre la quatrième ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *