Les Vacances de Monsieur Hulot – Critique aisée n°252

temps de lecture : 4 minutes 

Critique aisée n°252

Les vacances de Monsieur Hulot
Jacques Tati – 1953

C’est notre mini débat autour de ma photo du Bar L’Océan du Guilvinec, publiée le 27 novembre dernier, qui m’a remis en mémoire Les Vacances de Monsieur Hulot. La première fois que j’ai vu ce film, je devais avoir 11 ou 12 ans, et la dernière, c’était il y a quatre ans, et s’il devait repasser demain à la télévision, je le reverrais à coup sûr.

L’œuvre cinématographique de Jacques Tati est peu abondante, six longs métrages en tout et pour tout, dont je n’ai manqué que le dernier, Parade.
Pourquoi si peu de films en 35 ans de carrière ? Je ne suis ni historien du cinéma ni biographe de Tati, mais je crois me souvenir des difficultés financières dans lesquelles son perfectionnisme et son avance sur son époque (à partir de Play Time) avaient entraîné sa maison de production. Dommage…

Les Vacances de Monsieur Hulot… ce merveilleux deuxième film de Jacques Tati, sorti en 1953, est plus abouti que Jour de fête qui constituait déjà la surprise de 1949. Il est aussi plus généreux que l’excellent Mon oncle (1958), plus naturaliste que le très beau Play Time (1967), plus réussi que le moins bon Trafic (1971) et que l’oublié Parade (1973)
Les Vacances… peuvent se voir et se revoir indéfiniment encore aujourd’hui, tout comme on peut voir et revoir indéfiniment Les temps modernes de Chaplin, pour apprécier, analyser, disséquer les situations et les gags qui en découlent.

Mais il y a une différence sensible entre ces deux films, Les temps modernes et Les Vacances …, et finalement entre ces deux génies du cinéma.

Dire qu’avec Les Temps modernes, Chaplin a voulu dénoncer la misère et l’exploitation de l’homme par l’homme — et réciproquement — me parait à la fois une banalité et une exagération qui reviendrait à lui attribuer des intentions sociales et politiques qu’à mon avis il n’avait pas. Chaplin avait saisi le ressort comique que lui procurait le personnage du pauvre petit immigrant, fragile et roublard à la fois, affrontant un monde bien établi, méfiant et peu désireux de l’intégrer, et c’est sur ce ressort qu’il a construit la plupart de ses films — à l’exception bien sûr du Dictateur. Malgré cette réserve sur les intentions premières du réalisateur, il est quand même évident que, tout en faisant rire, parfois énormément, les films de Chaplin présentaient une critique, parfois acerbe, de ses contemporains et de leur société.

Avec Les Vacances de Monsieur Hulot, Jacques Tati ne dénonce rien du tout ; il ne critique pas un instant les travers de la société dans laquelle il vit, celle des années 50. Bien sûr, au moment du tournage, les trente glorieuses viennent de commencer, mais peu de gens en sentent déjà les effets : le monde paysan vit  bien comme les personnages de Jour de fête, au rythme du facteur et du garde-champêtre, et les citadins vont en vacances « à la mer » en troisième classe en train à vapeur dans des hôtels qui ressemblent plus à des pensions de famille qu’à des palaces. Et Tati observe tous ces gens ; il se moque de leurs travers, de leurs attitudes, de leurs ridicules mais, c’est du moins l’impression que j’en ai gardée, il le fait gentiment, sans hauteur, sans ironie, avec tendresse. Chez Tati, il y a des imbéciles, des prétentieux, des maladroits, mais il n’y a jamais de méchant. Tati aime ses personnages, Tati est un humaniste, ce dont je ne suis pas sûr pour Chaplin.

Être humaniste, c’est bien, mais cela complique plutôt la tâche de l’humoriste, car cela le prive de l’ironie, de la caricature, de la farce et de la méchanceté qui sont, on le sait, les ressorts du comique les plus puissants. Malgré son mètre quatre-vingt-onze, Tati ne regarde jamais ses personnages de haut. Mieux, il se place au beau milieu d’eux, avec sa silhouette anachronique et empruntée, maladroit parmi les maladroits, gentiment ridicule parmi les gentils ridicules. Dans ce petit monde estival rythmé par les marées et la cloche du déjeuner, et contrairement à Charlot dans ses aventures, Hulot n’est la victime de personne ni de rien d’autre que sa propre gentillesse, de sa serviabilité et de sa maladresse. Les Vacances… sont pour moi son véritable chef d’œuvre.

Bien qu’il soit admiré mondialement par l’ensemble des professionnels, Tati n’a pas fait école. Après lui, il y a eu bien d’autres grands réalisateurs de comédies mais, à ma connaissance aucun que l’on puisse rapprocher de Jacques Tati, mis à part Pierre Étaix — dans sa droite ligne mais sur un plan mineur et sans véritable succès commercial — et Pierre Richard — avec de notables différences, notamment sur la plan scénaristique.

Vous l’avez compris, sinon c’est à désespérer, j’aime Les Vacances… pour toutes les raisons cinématographiques du monde. Mais il y a aussi une raison d’un autre ordre que je vous livre en confidence, c’est la nostalgie : cet Hôtel de la Plage de Saint-Marc-sur-Mer ressemble furieusement à l’Hôtel des Tamaris de Saint-Brévin-l’Océan dans lequel, en 1952, je passai mes premières vacances « à la mer ».

Essayez donc de voir cette bande annonce sans avoir les larmes aux yeux, de rire ou de nostalgie.

 

7 réflexions sur « Les Vacances de Monsieur Hulot – Critique aisée n°252 »

  1. Buster Keaton, un modèle pour Hulot, pouvait lui aussi donner envie de pleurer. Je ne garde pas de copie de mes commentaires spontanés et je suis incapable de les reproduire de mémoire. S’ils se perdent dans l’éther, tant pis pour les lecteurs du JDC. Dans celui disparu, j’y parlais de le pipe de Hulot, l’indispensable accessoire à son rôle. Mais aussi de la scène du début du film, sans Hulot, hilarante et caricaturale de cette époque des vacances estivales, celle des vacanciers en partance par le train (à vapeur).

  2. Moi qui suis, d’après tous les lecteurs du blog, un sacré rigolo dans la vie de tous les jours, je ne comprends pas pourquoi Tati me donne envie de pleurer.

  3. Primo : l’actualité ne se plie pas aux désirs du lecteur, elle ne se commande pas. Elle se suit.
    Deuxio : ce ne sont pas des cétacées, mais des otaries, mammifères, certes, mais pas des baleines pour autant.
    Troisio : contrairement à ce que pourrait fait croire la prise de vue, elle vivent en liberté dans le port de SF qu’elles ne quittent plus depuis des années.

  4. Encore une fois, il a dû se perdre dans l’éther. Heureusement que tu en gardes toujours une copie.

  5. Sacrebleu! Je réclame la parution de mon commentaire envoyé en bonne et due forme ce matin vers 8h15, nom d’une pipe de Hulot!

  6. C’était bien la peine de nous faire larmoyer ce matin , pour nous plonger ce soir au milieu de ces cetacees en pleine dépression…
    Tu as de drôles associations d’idées!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *