Le fabuleux destin d’Andronovo Karassouk

temps de lecture : 3 minutes au grand maximum

On ne connait pas la date exacte de la naissance d’Andronovo Karassouk. Selon Lucien Jerphagnon, elle se situe vers la fin de l’année 1495 dans la ville de Sverdlovsk sur les pentes du mont Konzhakowski, point culminant de la Tartarie, aujourd’hui la Sibérie. L’histoire n’a gardé aucune trace de l’enfance de Karassouk. Il apparait pour la première fois le 17 Janvier 1510 dans les registres de la prison Piombi de Venise, où il entre pour purger une peine de six mois pour vol à la tire. Il s’évade quelques semaines plus tard sans laisser de trace. Son nom apparait à nouveau deux ans plus tard en février 1512 à La Corogne sur le manifeste de la Santisima Trinidad à bord de laquelle il s’embarque comme mousse à destination de Cuba pour rejoindre l’armée que constitue Hernán Cortés. Arrivé à La Havane, il est immédiatement enrôlé en tant qu’arquebusier.
Au cours des opérations de pacification de l’ile, Cortés ne tarde pas à remarquer la bravoure et l’intelligence du jeune Tartare. En 1519, lorsque le conquistador espagnol quitte Cuba pour partir vers l’Ouest à la conquête de nouveaux territoires, il fait de Karassouk son premier capitaine. Après avoir fondé la ville de Veracruz sur la côte mexicaine, Cortés progresse vers l’intérieur des terres à la tête de son armée. Il se trouve rapidement confronté à une très vive opposition de la part de la population aztèque et doit livrer de nombreuses batailles meurtrières. Le 15 avril 1521, à Tenochtitlan, alors que la colonne commandée par le Général Cortés est en passe d’être encerclée et massacrée par les Aztèques, Karassouk mène une charge audacieuse qui renverse le cours de la bataille et assure à Cortés une victoire décisive. Les Aztèques sont mis définitivement hors de combat et l’empereur Moctezuma accepte de se soumettre à l’autorité espagnole. En récompense de son action d’éclat, Karassouk est alors nommé Général en second. Six mois plus tard, pour asseoir définitivement la suprématie espagnole sur la nation aztèque, Cortés le nomme vice-roi du Tizatlan et lui fait épouser la princesse Chimalpopoca, fille ainée de l’empereur Moctezuma. Il a alors 27 ans.
Habilement manipulé par Moctezuma par le truchement de la princesse Chimalpopoca, Karassouk prend de plus en plus d’initiatives en faveur des Aztèques au détriment de la couronne d’Espagne. Ses relations avec Cortés se détériorent rapidement et, quand Karassouk annonce publiquement qu’il abjure sa foi catholique pour embrasser la religion aztèque, la rupture est définitive.
Le 17 mai 1525, sous le prétexte d’une réconciliation, Cortés l’invite au palais d’Itzlapallapan et le fait assassiner avec son épouse, déclenchant ainsi un nouveau mouvement de rébellion que les Espagnols mettront plus de trois ans à réduire dans une répression sanglante.

Dans les manuels d’histoire en usage aujourd’hui au Mexique, Andronovo Karassouk figure en bonne place parmi les héros et martyrs de l’indépendance nationale. Dans la région de Mexico-Tenochtitlan, on l’appelle « Tatloani Xique Xique » , ce qui signifie littéralement en langue nahuati « L’Autre Soleil Venu de l’Est ». Ailleurs, on l’appelle « L’Aztèque Tartare ».

17 réflexions sur « Le fabuleux destin d’Andronovo Karassouk »

  1. Je croyais qu’après l’Aztèque Tartare, tout était permis.
    Comme le mariage de la Tchèque en blanc etc etc etc

  2. Encore une contrepèterie ? Si ce n’en est pas une, etc…

  3. S’il s’agit d’une contrepèterie, je préfère ne pas connaitre la solution. Si ce n’en est pas une… je me demande si je ne préférerais pas que c’en soit une.

  4. Je préfère Hannibal, un véritable héros populaire.

  5. Savais-tu que Saladin était frisé et très porté sur la chose ? On lui attribue une ribambelle de lardons.

  6. La suite de cette belle histoire, ne serait-ce pas le Tartare à la crème ?

  7. Alors vous pouvez avouer à présent , qui à part JIM ( et encore?) n’est pas allé googelise Andronovo karrassouk?
    Bravo l’artiste, beau canular….

  8. De l’Aztèque au Che, il n’y a qu’un pas mais je n’ose pas le franchir car je n’ai pas la plume de Philippe.

  9. Merci Lorenzo, être un exemple, bon ou mauvais, est toujours une fierté, méritée ou discutable. Il est vrai que Philippe et moi avons certains domaines culturels en commun, Spirou en est un un, Conrad un autre, et d’autres encore. Ce matin, à mesure que je lisais cette histoire de Karasouk, le doute s’installait (j’ai lu il y a quelques années un livre sur toute la randonnée de Cortes jusqu’au Mexique et n’ai aucun souvenir d’un Karasouk) et je soupçonnais une arnaque à la Desproges. Arrivé à la fin, Xique-Xique m’a convaincu. Combien, dans nos années de Lycée Saint-Louis, avons nous ri avec notre copain Jean-Louis des perles, ou plutôt des loufoqueries, trouvées dans la BD de Gil Jourdan. Philippe a cité celle du bagne situé dans le désert de Xique-Xique dont on ne s’échappe pas à cause de la température de 45° à l’ombre, mais à l’ombre de quoi? J’en ri encore. Alors, pour Philippe et peut-être pour Jean-Louis, je citerai cet autre dialogue loufoque:
    – Puisque nous savons qu’ils savent que nous savons qu’ils savent…
    – Nous pourrions ouvrir une savonnerie…
    C’est décidé, je vais me procurer l’album sur Amazon.

  10. Les commentaires de RJR n’arrivent pas à passer l’Atlantique. C’est donc par mon truchement que celui-ci est publié ce soir. PhC

    « AH! Un Aztèque au poivre comme petit Incas et la Malinche avec qui il prit langue dans son lit, telle fut la forme de bonheur pragmatique que connut le Conquistador Cortès sous les tropiques centre-américains!
    Puisque Philippe fait durer le suspens sur ses sources, évidemment, je commence par révéler les miennes. Ce que je sais de ‘La conquête de l’Amérique’ (Paris, Seuil, 1982), je le tiens de feu Tzvetan Todorov, d’origine bulgare mais plus au fait du ‘Jardin imparfait’ français que la plupart de nos grands académiciens. Il s’est penché avec élégance et en témoignant d’une gigantesque érudition sur cette édifiante page d’histoire pour fournir sa réponse d’historien moraliste à ‘La question de l’autre’ qui nous hante tous!

    Communicologue las des théories victimisantes qui donnent les pleins pouvoirs aux diffuseurs et à leurs médias en ignorant royalement les capacités de décryptage créatif des récepteurs-décideurs-acteurs, je m’intéresse à toutes les légendes et histoires qui illustrent la révolution paradigmatique ou copernicienne qui cède les pleins pouvoirs au récepteur et fait de l’émetteur un roi nu dont l’exhibitionnisme obsessionnel livre les failles et les faiblesses à tous ses rivaux ou sujets révoltés.

    Saturé d’exemples gauchistes donnant le beau rôle à des récepteurs-leaders développant des stratégies de libération de leur peuple opprimé (je pense à Moïse s’inspirant du monothéisme égyptien pour inventer l’unique Dieu national des Hébreux qui, grâce à son appui, pourront connaître un Exode heureux de 40 ans et s’installer sur la Terre qu’il leur a promise, je pense, bien sûr aussi à Gandhi qui ira se familiariser à Londres avec la légalité et la divinité britannique avant de développer des stratégies de libération des Indiens d’Afrique du Sud puis des Indes ou enfin, après HoChi Minh en Indochine, Martin Luther King aux États-Unis à Ben Barka au Maghreb) donc, à côté d’une multitude d’exemples d’opprimés, Todorov nous offre un superbe exemple d’un colonisateur latin, Cortès qui a su, pour son plus grand bénéfice, pratiquer la réception active.

    Ses informations névralgiques sur Moctézuma, les Aztèques, les Incas, les Mayas et les autres, il les a obtenues d’une femme belle et gracieuse, La Malinche! Elle fut capturée par Alonso Lopez de Avila, un capitaine du contingent expéditionnaire de Cortès.

    Avant sa capture par les Conquistadores, La Malinche avait été plusieurs fois vendue comme esclave (Béni soit qui mal y pense!) des Incas aux Aztèques et aux autres… Ce long CV d’une si jeune femme,(une fois nouée de langue avec Cortès qui la fit sienne), permit au célèbre colonisateur de développer des stratégies de conquête hyper informées. Jouant bien sûr d’une civilisation contre l’autre, pratiquant déjà les méthodes de la Perfide Albion! La Malinche est la personne la plus haï des Mexicains d’origine!

    C’est donc un conquistador occidental venu de l’Est qui, grâce à une belle autochtone que la vie sexuelle quelque peu perturbée avait rendu multilingue et multiculturelle avec qui il s’est pris de langue que l’Amérique du Sud et du centre pré-colombienne est devenue latine avec une énorme perte de ses populations, 40 millions dira Todorov!

    René-Jean Ravault,
    Admirateur de Todorov, essayiste!

  11. « D’où tires tu cette anecdote? »
    Pas de Jerphagnon, c’est certain.
    Bien entendu cette vie d’Andronovo Karassouk est entièrement fictive.
    Puisqu’il faut tout dire , elle m’est venue de la façon suivante : je ne sais pas comment m’était venu à l’esprit ce calembour de l’Aztèque tartare, mais une fois là, il fallait absolument que je le place dans le JdC. Il me fallait donc un héros Tartare qui devienne Aztèque d’une manière ou d’une autre. Les mots Aztèque et Tartare obligeaient à une époque. Il ne restait plus qu’à donner quelques détails plausibles pour expliquer comment un natif de Sibérie devenait une sorte de demi-Dieu en Amérique centrale. Pour ménager la chute brutale du calembour, pour qu’on ne le voit pas trop venir, j’ai fait sérieusement un pastiche d’une brève notice sur un personnage historique de second plan.

  12. C’est vrai que vous serez toujours, Jim et toi, des exemples pour nous les jeunes.

  13. Jim,
    C’est bon d’avoir des gens avec qui partager des pans entiers de culture. Xique-xique, Gil Jourdan, détective privé au comportement exemplaire, avec son adjoint, Libellule, je crois, sorte de Berrurier aux réflexions rigolotes mais jamais vulgaires. C’était une très bonne bande dessinée mais, de mémoire, elle n’a pas duré très longtemps. Dommage.
    L’enfer de Xique-Xique, où il faisait 45° à l’ombre, mais à l’ombre de quoi ?

  14. Jerphagnon : je crois bien que c’est toi qui m’avais conseillé son « Histoire de la Rome antique » quand je cherchais quelque chose à lire sur l’empire romain. Je l’ai lu deux fois complètement à dix ans de distance. Un extraordinaire roman, juste au niveau de vulgarisation qui me convenait. 600 pages, je crois ?
    Pour ce qui est de l’anecdote, j’y répondrai plus tard dans la journée. Ou alors demain?

  15. Rien de neuf sous le soleil donc : j’envahis , je soumets, je trucide mon affidé devenu gênant…
    Lucien Jerphagnon : je suis en train de lire son étourdissante histoire de l’empire romain; se lit comme un roman , érudit et drolissime….
    D’où tires tu cette anecdote?

  16. Xique-Xique, cela m’évoque immédiatement L’enfer de Xique-Xique et l’aventure de Gil Jourdan parue dans Spirou il y a quelques soixante ans.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *