Edmonde, l’envolée – Critique aisée n°245

temps de lecture : 3 minutes
Critique aisée n°245

Edmonde, l’envolée
Dominique de Saint Pern
Stock – 420 pages – 22€

« Edmonde Charles-Roux, née le 17 avril 1920 à Neuilly-sur-Seine et morte le 20 janvier 2014 à Marseille, est une femme de lettres et journaliste française. Elle reçoit le prix Goncourt en 1966 pour le roman Oublier Palerme. Elle est, de 1983 à 2016, membre de l’académie Goncourt qu’elle préside de 2002 à 2014. »

Telles sont les premières lignes de la page que Wikipédia consacre à E.C-R. Mais Edmonde ce n’est pas que ça. Allez ! Je vous raconte le pitch (c’est pas tous les jours)  :

Née dans une famille de la grande bourgeoisie, (père ambassadeur, membre de l’Institut, président du Canal de Suez, etc, etc…), Edmonde avait tout pour faire un beau mariage. Mais elle est fantasque, indépendante, courageuse. Pendant la 2ème guerre mondiale, elle est infirmière ambulancière dans la Légion étrangère puis résistante avant de rejoindre l’armée de Lattre. Elle est décorée de la Croix de guerre et de la Légion d’honneur.
Elle entre comme journaliste au Elle en 1946, passe chez Vogue en 1948, qu’elle quitte en 1966.
Elle obtient le prix Goncourt en 1966 pour son premier roman Oublier Palerme.
Elle écrit quelques autres romans ainsi que des biographies, celles d’Isabelle Eberhardt et de Coco Chanel.
Elle mène une vie parisienne très riche et fréquente assidument Jean Genet, Louis Aragon, Elsa Triolet, Yves Saint-Laurent, Pierre Lazareff, Jean Cocteau. Elle a des liaisons plus ou moins longues avec François-Régis Bastide, André Derain, Maurice Druon, Orson Welles, Mohamed Oufkir, Mouammar Kadhafi, et probablement quelques autres inconnus au Who’s who.
En 1973 elle rencontre Gaston Deferre, maire de Marseille. Coup de foudre mutuel. Elle le fait divorcer et l’épouse aussitôt. Elle sera sa veuve en 1986.
Elle-même meurt à 95 ans, en 2016.

Vous voyez qu’Edmonde, ce n’est pas rien et que sa vie a de quoi occuper une biographe sérieuse. Et Dominique de Saint Pern m’a tout l’air d’une biographe sérieuse, ce qui ne l’a pas empêchée d’écrire une biographie romancée. Le côté romancé n’est pas ce qui m’a gêné dans la lecture d’Edmonde, l’envolée. Je ne suis pas le gardien du temple de la vie des femmes célèbres et, de plus, comment pourrais-je séparer le vrai du faux, ou plutôt l’exact de l’arrangé dans ce qui nous est dit de la vie d’Edmonde ?

Bien qu’on se perde parfois dans un tourbillon de noms propres — je pense aux lecteurs de moins de 60 ans pour qui les noms de Jacques Chazot ou de Michel Pezet n’évoquent absolument rien, mais comment éviter de faire du name-dropping quand on veut faire revivre une femme aussi mondaine — le livre est la plupart du temps agréable à lire. Le point de vue de l’auteur est également assez plaisant car cette biographie romancée est loin d’être une hagiographie, et certains aspects moins glorieux du personnage sont évoqués avec un tendre humour.

Néanmoins, malgré toutes les qualités littéraires de l’auteur et malgré l’intensité de la vie de son sujet, je n’ai pas réussi à m’intéresser longtemps aux aventures journalistiques, mondaines, politiques, artistiques et amoureuses d’Edmonde Charles-Roux. Tout en éprouvant une admiration certaine pour son indépendance d’esprit et sa carrière, je n’ai pas tardé à manquer d’intérêt pour la vie de ce personnage qui, né dans la grande bourgeoisie éclairée, a passé toute son existence enrubannée de privilèges dans ce même milieu, à la frange — ou à l’intersection — des mondes de la presse de mode, de l’art et de la politique.

J’ai retenu deux ou trois choses de cette histoire :

— qu’elle avait, à son insu, servi de modèle à Jacques Chazot pour la création de son personnage de Marie-Chantal, la snob archétypale
— qu’elle avait tendance à inventer en partie les biographies de ses sujets, parce qu’elle trouvait que c’était mieux comme ça
— que Françoise Giroud disait d’elle : « Elle couchait avec tout le monde. Chez elle, c’était comme une manie. »
— que c’est à propos de son couple avec le maire de Marseille que l’expression « gauche caviar » a été créée
— qu’elle a vraiment aimé Gaston Deferre

Comme quoi, vous voyez, tout n’est pas négatif dans ma vision d’Edmonde.
Il se pourrait que cette biographie, vivante et bien écrite, vous intéresse, mais ça n’a pas été mon cas.

 

3 réflexions sur « Edmonde, l’envolée – Critique aisée n°245 »

  1. Même à bouquin offert, il est permis de regarder les dents.
    Le Masque n’y était pour rien, pour une fois.

  2. Le masque et la plume a encore frappé?
    Franchement je ne t’imaginais pas t’interesser à ce qui fut en effet la quintessence de la gauche caviar, avant et pendant la mitterrandie triomphante…
    Je ne lui reconnais que d’avoir écrit une biographie enlevée de Coco Chanel: l’irrégulière « …

  3. Merci pour toutes ces précisions. Comme diraient les bourgeoises de l’époque à propos des amants dEdmonde C-R , peut-être un peu jalouses, « je me demande ce qu’ils lui trouvent à celle-là? » Mais l’article évoque Gaston Deferre, maire de Marseilles et propriétaire d’un magnifique voilier, les moins de 60 ans ne sauront probablement pas qu’il appartenait à la SFIO (l’ancêtre du PS), qu’il a récolté au premier tour de l’élection présidentielle de 1969 5% des voix alors que Duclos (secrétaire général du PC) en récoltait plus de 20%. C’était le bon temps, on y voyait clair en politique et le deuxième sexe faisait rêver!

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