Les photos, les motos, les autos et les vélos- Post it 22

Post it n°22

 Les photos, les motos, les autos et les vélos
Vous allez dire que j’écris toujours la même chose , mais… me voilà, une fois de plus, assis à la terrasse du Rostand. Elle n’est encore que peu occupée. Il est dix heures. L’air est encore frais de l’orage de cette nuit. Je m’assieds entre deux dames âgées mais pas autant que moi et un homme d’âge indéfinissable. Les deux dames caressent le chat de la maison en lui parlant doucement. L’homme indéfinissable doit être grec, car c’est avec cet accent qu’il me demande si la fumée de sa cigarette me dérange. Je lui dis que non, pas du tout. Mais il doit être vraiment grec, pour n’avoir pas compris ma réponse, ou vraiment perspicace, pour avoir compris qu’elle n’était pas sincère : il s’éloigne de deux tables.  Donc, comme souvent dans ces circonstances — beau matin frais, calme terrasse parisienne, café-tartine comme il faut — tout va bien.

Alors, pour que ça continue, j’essaie de ne pas voir les photos qui me font face, désespérément accrochées aux grilles du Luxembourg. J’essaie, parce que chaque photo est une insulte à mes yeux : dégoulinante de couleurs, contrastée à l’excès, spectaculaire en diable.  Si l’une d’entre elles — allez, j’irais même jusqu’à trois ou quatre — était projetée un soir après dîner chez un de vos amis de retour d’un trek dans l’ile de Sumatra, ce serait acceptable. Chaque photo serait saluée d’exclamations d’admiration polie, teintée, dès la troisième, d’un peu de lassitude. Mais, ici, placardé devant le plus beau jardin de Paris, ce n’est pas l’ennui que ce diaporama flamboyant, archétype du mauvais goût, suscite, c’est une légère nausée teintée d’exaspération. Ces volcans en éruption, ces canyons au coucher du soleil, ces sommets vertigineux sous l’orage me rappellent les faons et les biches buvant l’eau d’une mare au milieu d’une clairière éclairée  par un rayon de soleil traversant providentiellement  la ramure tandis que le cerf, dans l’ombre, assure la sécurité, que l’on trouvait accrochées aux murs populaires des années cinquante.

J’essaie aussi de ne pas entendre les motos. Toutes les trois minutes, comme on lève une vanne pour libérer l’eau d’un canal d’irrigation, le feu rouge du haut de la rue devient vert et libére une horde de motos et scooters dans la rue de Médicis. Elles luttent pour prendre le virage en tête en hurlant leur mépris de mes oreilles. Bruit profond ou éclatant des grosses cylindrées, bruit métallique ou martelé des scooters, bruits aigus et perforant des petites cylindrées, sans oublier de temps en temps les décibels de hard-rock qui semblent sortir par centaines d’une paire de sacoches à franges. Chaque passage de moto est une insulte à ma sérénité, une provocation à ma bonne humeur, chaque ouverture de vanne me sort du livre avec lequel j’ai réussi à rompre mon jeûne littéraire de plusieurs mois (Un homme, un vrai de Tom Wolfe, dont je vous parlerai dès que je l’aurai terminé). Pas une moto qui soit silencieuse ou simplement discrète. Non, ils sont là, les centaures tonitruants, et ils tiennent à vous le faire savoir.

Les autos… que peut-on dire des autos ce matin ? Rien ! Il n’y a pas d’embouteillage et, quand la vanne s’ouvre, les autos glissent doucement dans le sillage des monstres rugissants sur l’asphalte qui file en pente douce vers l’Odéon.

Et les vélos ? Les vélos, c’est simple, il n’y en a plus. Madame Hidalgo leur a réglé leur compte.

 

 

ET DEMAIN, UN TABLEAU DE SEBASTIEN

8 réflexions sur « Les photos, les motos, les autos et les vélos- Post it 22 »

  1. « Je ne comprends pas pourquoi ces scooters électriques n’existent pas chez nous. Quelle aberration ! »
    A mon avis, c’est parce que le bruit est indispensable au plaisir du motard.
    Pour moi, il y a chez le motard, avec peu d’exceptions, une part de Goldorak hystérique ou de cavalier furieux de Sleepy Hollow dont tout déplacement ne peut se concevoir que dans le bruit et la fureur. Ce mimétisme est sans doute favorisé par l’aspect de l’armure rutilante qu’il doit porter et qui, avec les centaines de chevaux sur lesquels il est monté, lui donne un sentiment de toute puissance, d’invincibilité et d’impunité. A ceci s’ajoute souvent un sentiment d’appartenance à un groupe, pour ne pas dire secte, dernier refuge de la virilité, de l’amitié, de la liberté et de l’aventure. Ce qui le conduit tout naturellement à protester unanimement et violemment contre toute mesure destinée à restreindre un tant soit peu sa liberté d’emmerder le monde.

  2. En Chine, à Giulin précisément, la ville est envahie de milliers de deux roues et il y peu de voitures. Ces engins sont des scooters bon marché. Leur particularité est d’être électriques. Il n’y a donc aucun bruit dans la rue. C’est extraordinaire une ville grouillante et silencieuse ! Je crois que là, enfin, Philippe pourrait prendre son café, sans oublier la tartine beurrée, lire le journal ou un roman s’il est dans un bon jour, et peut-être même s’assoupir au milieu de la matinée.
    Je ne comprends pas pourquoi ces scooters électriques n’existent pas chez nous. Quelle aberration !

  3. Dans la chronique précédente “Les velibs et Mr Arnaud”, j’ai écrit que la photo du tas de velibs me faisait penser à une œuvre d’art. J’aurais pu proposer un titre: “Naufrage municipal”. Il est tout à fait significatif que les velibs soient devenus une grande cause parisienne, le genre de cause en principe loin des questions essentielles de la gouvernance municipale d’une grande ville mondiale comme Paris mais qui prefigure un désastre électoral pour le pouvoir en place. Et c’est tant mieux (pour le meilleur ou pour le pire, bien sûr!).

  4. Oui, laissons cela au domaine privé, avec les juristes et Ingénieurs VdP compétents et honnêtes, faisant appels aux (vrais) Experts en tant que de besoin.

    Mais juridiquement, n’y-a-t-il pas une mise en Régie, suivant Code des Marchés, si dépôt de bilan ?
    Un bon moyen pour ces Messieurs de la Mairie de rentrer dans le vif du sujet.

  5. Les services gérés par l’État ou par les collectivités sont d’une manière générale et permanente moins efficaces ou plus chers, ou les deux, que ceux qui sont gérés par des entreprises privées. Les exemples sont nombreux. La SNCF en son état actuel est plus couteuse et moins fiable que d’autres sociétés équivalentes qui ont été privatisées par le passé. Les performances de l’Éducation Nationale sont moins bonnes que celles des établissements privés. C’est dommage mais c’est comme ça. Etc, Etc…
    Dieu nous garde d’une gestion des Velibs par la Mairie. Ce qui va se produire après la mise en faillite probable de Smovengo, c’est un rachat au prix fort par la Mairie (ou au prix faible par un repreneur) de ce qu’il en restera et la remise de l’ensemble à un nouveau concessionnaire, avec un contrat aussi mal négocié ou aussi bien arrangé que le précédent.
    Ce qui serait drôle, c’est que ce soit JC Decaux qui reprenne l’affaire. Lui, au moins, a fait ses preuves.
    Pour ce qui est de responsabiliser les utilisateurs de ce genre de matériel, ça me parait très difficile ou impossible. Une caution de la valeur du vélo ? La plupart des utilisateurs n’en auraient pas les moyens. Par ailleurs, sur le plan juridique, en cas de dommage ou de disparition, comment prouver que c’est l’utilisateur qui aurait endommagé ou volé le vélo. Il ne faut pas responsabiliser les utilisateurs, ni transformer les vandales en bisounours, mais il faut les décourager. Dans ses débuts dans le mobilier urbain, le matériel de JC Decaux a été systématiquement vandalisé (les panneaux fixes) ou incendié (les panneaux mobiles). La politique de JC Decaux était de remplacer ou réparer immédiatement les panneaux endommagés. Les vandales ont fini par être découragés. En dehors des manifestations pour la conservation des avantages acquis, on ne voit plus de panneaux saccagés. Le cout de remplacement des panneaux était assuré et la prime d’assurance incluse dans le cout d’exploitation. JC Decaux a fait de même avec les vélibs, avec presque le même résultat. Une fois rentré dans moeurs, les vélibs n’attirent plus l’attention. (Personne ne pense plus à vandaliser une fontaine Wallace.)

  6. Il faudra que les élus fassent leur boulot ainsi que que les Ingénieurs de la Ville.

    Il faudra responsabiliser les utilisateurs, comme toute location qui se respecte (caution bloquée…).

    Un beau Défi en perspective.

  7. Que la Mairie gère les Velibs ! Mais à quel prix ? Malheureux parisiens !

  8. Belle Andalouse, rendez les Vélib aux Parisiens quitte à les gérer vous-même.

    Voyez Amsterdam, avec aussi une Reine qui pédale.

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