Archives de catégorie : Fiction

Un jour sans fin

Première publication : 22/08/2015

temps de lecture : 2 minutes et demi 

Nuit St Sulpice Lundi
C’était une belle soirée de début d’été du côté de la Place Saint Sulpice. Il venait de tomber une courte pluie d’orage  et la merveilleuse odeur de l’asphalte humide et chaud envahissait les terrasses des cafés.
Les hommes en chemise avaient renouvelé leur demi. Les femmes en  Lothar (Ô je voudrais tant que tu te souviennes, …) reprenaient une Marlboro Light avant de jeter leur dévolu.
Il faisait bon. On était bien.
Elle  portait des sabots noirs, un pantalon de  jean bleu, un chemisier blanc un foulard bleu et de longs cheveux blonds. Elle était entourée de rires et de fumée de cigarettes.
Il y avait tant de jeunesse, tant de garçons, tant de Continuer la lecture de Un jour sans fin

Un couple inachevé (4)

temps de lecture :  4 minutes

Pourtant, malgré la solide réputation d’enquiquineuse qu’elle s’était ainsi construite, elle se voyait toujours entourée d’une ribambelle de garçons, car son attitude avait tout pour impressionner les naïfs ou pour motiver ceux pour qui les challenges sont le moteur de la vie. Selon leur tempérament, les uns voulaient « séduire la jolie fille si triste » et les autres « faire rire l’emmerdeuse  » ce qui, on le sait bien, revient au même.

4 – Elle et Lui

C’est bien en partie pour cette raison, faire rire l’emmerdeuse, qu’Olivier avait entrepris de séduire Céline. C’était en juillet. Il venait de finir Sup de Co et devait partir pour dix-huit mois en coopération en Nouvelle-Calédonie. Invité au vingt et unième anniversaire de Céline par un ami qui faisait partie de la bande du Pyla, il fut tout d’abord impressionné par la maison de vacances de ses parents. Alors que, seul, un verre de champagne à la main, il explorait une à une les pièces désertes du rez-de-chaussée, il s’amusait à évaluer la valeur de la propriété, qu’il augmentait joyeusement à chaque Continuer la lecture de Un couple inachevé (4)

Un couple inachevé (3)

2 minutes

 

Aujourd’hui, il passera sa journée à trainer avec sa femme, les Puces peut-être, ou alors un film, et demain Dimanche, après une grasse matinée et peut-être un brunch du côté de la Place d’Aligre, il prendra son 4×4 Mitsubishi Outlander PEHV hybride rechargeable — Patrick est éco-responsable — pour rejoindre le Novotel de Limoges où devrait l’attendre Aurélie.

3 – Elle

Elle, elle s’appellerait Céline. Elle ne peut que s’appeler Céline, le prénom féminin le plus attribué — douze mille cent trente-trois fois exactement — aux petites filles nées en 1978, année de sa venue au monde. Depuis qu’elle a atteint l’âge de quatorze ans, Céline s’ennuie. Son adolescence à Bordeaux, elle l’a trouvée ennuyeuse ; ennuyeuses les soirées des rallyes bordelais, les vacances familiales dans la maison d’Arcachon, les virées nocturnes dans les dunes du Cap-Ferret ; ennuyeuse sa première expérience sexuelle, ses études de pharmacie à Paris, ennuyeuse Continuer la lecture de Un couple inachevé (3)

Un couple inachevé (2)

temps de lecture : 2 minutes

Ils sont là, l’air de dire : « Regardez comme nous sommes cools, à l’aise, tellement bien l’un avec l’autre que nous n’avons même pas besoin de nous parler, images de l’entente parfaite d’un couple parfaitement assorti ! »
Mais attendez de connaitre leur histoire.

2 – Lui

Lui, ce serait Olivier. Est-ce vraiment son nom ? Peu importe. Olivier, ça ira très bien. Il est P.D.G. et actionnaire majoritaire d’une petite société, Etienne Combes & Fils, spécialisée dans la fabrication d’objets funéraires (exvotos, plaques commémoratives, fleurs éternelles, urnes, poignées de cercueil, crucifix, tout pour vos chers défunts). Ancien associé minoritaire d’une agence de publicité de moyenne importance rachetée deux ans auparavant par un groupe australien, la valeur de ses parts lui a été payée rubis sur l’ongle à la seule condition qu’il s’en aille tout de suite sans faire d’histoires. Cela lui a permis de passer Continuer la lecture de Un couple inachevé (2)

Un couple inachevé (1)

2 minutes

1 – Un couple

Quand je suis entré à la Maison Marie, le café était presque désert. Je les ai vus, un homme, une femme, un beau couple. Je me suis installé face à eux, sur la banquette, pas trop près pour ne pas les gêner, pas trop loin pour pouvoir les observer. Ils sont venus là parce que c’est samedi. Ils ont acheté tous les journaux qui ont une édition magazine pour le weekend, l’Équipe, Le Figaro, Le Monde, Libé, L’Obs… Installés de part et d’autre d’une table en bordure de la vitrine, pas vraiment face à face mais calés de biais dans leur fauteuil, jambes croisées, tête penchée, l’un examine rêveur la page golf de L’Équipe, tandis que l’autre traverse, nonchalante, les pages modes du Figaro Magazine pour s’arrêter finalement sur les pages voyages : « Cinq îles paradisiaques à découvrir avant qu’elles ne disparaissent« . Ils ne se parlent pas : elle n’éprouve aucun intérêt pour le golf, il déteste les voyages.

Ils ont commandé la formule Petit-Déjeuner-Tradition à 8,50 € : grand café crème, thé ou chocolat ; orange, citron ou pamplemousse pressé ; pain, beurre, confiture ou Continuer la lecture de Un couple inachevé (1)

Le mardi, c’est Mythologie (10)

temps de lecture : 5 minutes

Tout se tient
ou
Midas et le bonnet phrygien

Où l’on verra que tout se tient : les Mosches, l’Amérique, les patronymes, l’or, le gros lot, la pensée unique, les noeuds, l’impérialisme, la musique, les chapeaux, la République, les roseaux, la dépression nerveuse. Tout se tient, je vous dis ! 

Midas était roi des Mosches, quelque part en Macédoine. Un jour, une bande de Mosches rencontra Silène, un ami débauché de Dionysos. Ils le firent prisonnier et l’amenèrent à leur roi. La spécialité de Silène, c’était de raconter des histoires, ce qu’il fit pour Midas. Il lui raconta celle d’un continent au-delà de l’Océan, séparé de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, où les habitants sont grands et forts, où ils vivent longtemps et heureux et bénéficient de lois justes.

— Sans blague ? dit le roi des Mosches.

— Non, je rigole ! répondit Silène.

Midas se mit à rigoler lui aussi et pour remercier Silène, il le rendit à Dionysos, qui en retour proposa à Midas de réaliser deux de ses vœux.

—  Que veux-tu que je fasse pour toi en premier ? Continuer la lecture de Le mardi, c’est Mythologie (10)

C’était un jour qu’était pas fait comme les autres

temps de lecture : 20 minutes 

Deuxième chance :
Voici le texte intégral de ce qui a été publié ici en 4 épisodes entre les 19 et 22 mai dernier. 

1

C’était un jour qu’était pas fait comme les autres. Je l’avais bien senti dès le début, moi, qu’il était pas fait comme les autres, ce jour. D’abord, quand je m’étais réveillé, y avait pas cette odeur habituelle de soupe aux poireaux. C’est mon voisin du dessous, Grospied. Il se fait une soupe aux poireaux tous les matins avant de partir bosser, cet emmerdeur. Ça empeste la cour et la cage d’escalier et ça rentre chez moi par les fissures du plancher. Je pourrais lui dire à Grospied qu’il pourrait se faire du café à la place de la soupe aux poireaux, et que ça serait mieux pour tout le monde, mais depuis qu’il est arrivé dans l’immeuble, il y a six ans, je lui ai pas dit un mot. Lui non plus, d’ailleurs. Ben oui, quoi ! Avec les voisins, vaut mieux pas être trop intime, sans ça ils deviennent vite envahissants.

Bref ! Ça sentait pas le poireau, c’était bizarre, mais bon ! Comme d’habitude, je m’étais fait mes sardines grillées et je les avais fait passer avec une bonne tasse de chocolat chaud. Quoi ? Qu’est-ce qu’y a ? Chacun fait comme y veut, non ? Moi, c’est comme ça tous les matins : chocolat chaud et sardines grillées. Dans l’immeuble, personne s’est jamais plaint. Manquerait plus que ça ! Après, je me suis habillé, j’ai enjambé l’enveloppe qui traînait sur le palier — probable que c’était encore une facture — et je suis parti au boulot. J’y pensais pas plus que ça à l’absence de poireaux. Je me disais comme ça : bon, ce matin, y a pas de poireaux ! Eh ben, tant mieux ! Peut-être même qu’il est mort, Grospied ! Avec un peu de chance…

Et puis deux minutes plus tard, y a un type Continuer la lecture de C’était un jour qu’était pas fait comme les autres

Le mardi, c’est Mythologie (8)

Salade grecque

Avertissement
Vous allez lire une horrible histoire. Elle est horrible mais vraie. Absolument garantie véridique. Elle a été rapportée par un historien réputé et digne de foi, Robert Rank Graves (1895-1985)
Pour une fois, les noms des personnages n’ont pas été modifiés. Ces gens-là s’appelaient vraiment comme ça, et c’est surtout ça qui rend l’histoire incroyable. Et pourtant, elle vraiment vraie. Voyez vous-mêmes :

Dans le quartier de la Phocide, c’est Térée le chef. Il est à la tête d’une bande de petits voyous colériques, sanguinaires et sans scrupules. Il est lui-même le plus coriace, colérique, sanguinaire et sans scrupules de toute sa bande. Il est parvenu à ce poste par la violence, la contrainte et la tromperie. Il est, pour le moment et ce, jusqu’à ce qu’un petit gars plus coriace, colérique, sanguinaire et sans scrupule que lui le détrône, le patron incontesté du jeu, de la drogue et de la prostitution dans son quartier. Il est jeune et vigoureux, mais célibataire. Et ça lui pèse. Continuer la lecture de Le mardi, c’est Mythologie (8)

C’était un jour qu’était pas fait comme les autres (4/4)

(…)
— Mais, pas du tout, Steeve, pas du tout, tout ceci est normal, tout à fait normal.
— Bon ! Moi, j’en ai ras le bol de vos petites phrases à la con qui veulent rien dire. Alors, choisissez : ou vous m’expliquez tout depuis le début, ou je vous refait le portrait de fond en comble séance tenante. C’est que j’ai fait de la boxe française, moi !

— C’est exact : il y a douze ans, deux leçons, et puis vous vous êtes fait mal et vous avez abandonné. Mais la question n’est pas là. En fait, je suis très étonné que vous ne soyez pas au courant. Vous n’avez pas lu la petite lettre ?  

4/4

— Au courant de quoi ? Quelle petite lettre ?

— Celle qui était sous votre porte, ce matin. Ah ! Je comprends … Vous n’avez pas trouvé la petite lettre. Bon, ce n’est pas grave. Je la connais par cœur. Écoutez et vous comprendrez :

À Monsieur Steeve Ratinet, en sa demeure du 17 de la rue Dacauté dans la belle ville de Paris-en-France
Cher Monsieur,

Il est de notre devoir de vous faire part de votre décès survenu en votre domicile le 13 du mois courant à 03:47 GMT. Nous vous adressons par la présente toutes Continuer la lecture de C’était un jour qu’était pas fait comme les autres (4/4)

C’était un jour qu’était pas fait comme les autres (3/4)

(…) Je fais le numéro et, bizarre, ça décroche tout de suite. Pas de tut-tut-tut-occupé, pas de Quatre Saisons à la con, tout de suite une voix : « Bonjour, Steeve. Que puis-je pour vous ? »
Qu’est-ce que c’est encore que ce bordel ? C’est pas la voix de seringue de la Vivianne de d’habitude ! Ensuite, comment qu’elle sait que c’est moi au bout du fil ? Et puis d’abord, comment elle connaît mon nom, cette sauterelle ?      

3/4

Bon, on verra ça plus tard. « Passe-moi Verlingue, poupée, et que ça saute ! » que je lui demande gentiment. Et d’une voix plus douce que celle d’une publicité pour couches-culottes, la fille me susurre : « Monsieur Verlingue est dans l’impossibilité de vous parler pour le moment, mais il comprend parfaitement les raisons de votre retard. Soyez assuré qu’il ne vous en tiendra pas rigueur le moins du monde. Vous avez tout votre temps, Steeve, tout votre temps. Puis-je faire autre chose pour vous ? » Tout ce que je comprends de ce charabia, c’est qu’il est devenu gâteux, Verlingue. D’après la donzelle à la voix d’or, cette salope de garde-chiourme me donnerait tout mon temps pour arriver au bureau ! J’y crois pas ! C’est bien plus que du bizarre, ça ! C’est du pas possible, tout simplement. Mais après tout, je me dis Continuer la lecture de C’était un jour qu’était pas fait comme les autres (3/4)