Archives de catégorie : Fiction

Sassi Manoon et les Texas Rangers

temps de lecture : 9 minutes 

Serena Foster était née en 1888 dans la bonne société New-yorkaise. Après vingt ans d’une vie de luxe et de volupté, de plaisirs et de vanités, elle décida d’entrer dans les ordres. Elle avait alors 38 ans. Comme c’est l’usage, elle changea son prénom et choisit celui de Madeline en référence à ce qui la rapprochait, croyait-elle, de Sainte Marie-Madeleine, à savoir le péché et la rédemption.  C’est ainsi qu’elle devint Sister Madeline. Une fois ses vœux prononcés, et après une courte formation d’infirmière sage-femme, Sister Madeline fut envoyé en Louisiane, à Chattawbannack, pour y diriger le petit dispensaire-orphelinat qu’un magnat du pétrole y avait fondé pour racheter son âme au diable et réduire ses impôts. L’ile de Chattawbannack est située sur la Sabine River qui marque la frontière entre Texas et Louisiane. C’est l’endroit le plus Continuer la lecture de Sassi Manoon et les Texas Rangers

Sassi Manoon et le What’s Next

temps de lecture : 9 minutes

Depuis le porche de sa maison, Sassi Manoon observait le petit yacht qui se dirigeait droit vers l’appontement. Il naviguait plein Est, au moteur, lentement, ses voiles affalées sur le pont. Il semblait un peu trop bas sur l’eau et malgré l’absence totale de vent, il gitait fortement sur bâbord. Dans un quart d’heure, il serait au ponton. Sassi Manoon descendit l’escalier creusé dans les rochers pour l’accueillir.

Quand Sassi Manoon était arrivée à Palmetto Point vingt ans auparavant, personne ne savait d’où elle venait. A l’époque, elle était encore une belle femme d’une quarantaine d’années. Avec le peu d’argent qu’elle avait apporté avec elle, elle avait fait construire sa maison et son appontement par les hommes de Codrington, l’unique village de l’ile de Barbuda. Ensuite, elle avait aménagé elle-même une grande salle qu’elle appelait le salon et qui voulait faire office de salon de thé-bar-restaurant-cuisine-magasin de souvenirs et de petit accastillage. Avec cela, elle espérait attirer la clientèle aisée des plaisanciers qui naviguaient en nombre dans la région. Mais la clientèle aisée n’était jamais venue. Elle préférait la marina sûre et confortable d’English Harbour à Antigua. C’est Continuer la lecture de Sassi Manoon et le What’s Next

Marabout de ficelle ou La Chaussure de Jessica

temps de lecture : 9 minutes

  • La scène représentera l’intérieur d’une voiture de taille moyenne roulant à petite vitesse sur l’Autoroute entre Orléans et Tours. En voix off, on entendra les pensées de Robert, le conducteur. Il y aura quatre autres personnes à bord avec Robert : Simone, sa femme, Kevin et Maeva, ses enfants, sa belle-mère, sans prénom, sans parler du chien, de race imprécise.

 Voix off

« Merde, y a le moteur qui chauffe. Ah ben, ça commence bien, les vacances ! D’abord, les embouteillages depuis la Porte d’Orléans, et maintenant la voiture qui chauffe ! Va falloir que je m’arrête. Eh ben, on n’y est pas, à Montalivet-les-Bains. Bon sang, ils vont pas arrêter leurs jeux idiots, à l’arrière ? »

Dialogue

—Eh, les gosses ! C’est pas bientôt fini, là-bas derrière ? Vous voyez pas que je conduis, non ? C’est fatigant tout ce boucan à la fin. Fermez-là !

—Mais Papa, on joue à Marabout-de-ficelle, tu sais ? Continuer la lecture de Marabout de ficelle ou La Chaussure de Jessica

Bon anniversaire, Jean-Baptiste (3/3)

6 minutes

Et voici la fin de la leçon du Maitre de Philosophie dont le début a été publié hier et avant-hier à l’occasion du 400ème anniversaire de la naissance de Molière.

Acte II – Scène V

Monsieur Jourdain, Maitre de Philosophie, Nicole

Monsieur Jourdain

—C’est vrai que je voudrais tout apprendre pour tout savoir, pour tout réussir, mes affaires comme mes amours. A ce propos, vous savez sans doute que Philaminte dont je vous entretenais tout à l’heure est une jeune femme très belle et très savante.

Le Maître de Philosophie

—Je sais, car j’ai pu le constater par moi-même, que ses attraits physiques sont très grands. Quant à son esprit, il me reste encore à le découvrir. Peut-être lors d’une prochaine Continuer la lecture de Bon anniversaire, Jean-Baptiste (3/3)

Bon anniversaire, Jean-Baptiste (2/3)

temps de lecture : 6 minutes 

Jean-Baptiste Poquelin est né il y a quatre cents ans. Pour célébrer cet anniversaire, le Journal des Coutheillas est fier de publier à nouveau ce plagiat de Molière en trois épisodes, dont vous avez lu hier le premier épisode.
Voici donc la suite de la leçon du Maitre de Philosophie : 

 

Acte II- Scène IV

Monsieur Jourdain, Maitre de Philosophie

 

Le Maître de Philosophie

—Comme il vous plaira. Nous autres, Philosophes…

Monsieur Jourdain

—Que c’est beau ! Comme il parle bien !

Le Maître de Philosophie

Nous autres, Philosophes, nous avons classé les diverses sortes de biais cognitifs en vingt-quatre catégories. Continuer la lecture de Bon anniversaire, Jean-Baptiste (2/3)

Bon anniversaire, Jean-Baptiste (1/3)

temps de lecture : 6 minutes 
Jean-Baptiste Poquelin est né il y a quatre cents ans. Pour célébrer cet anniversaire, le Journal des Coutheillas est fier de publier à nouveau ce plagiat de Molière en trois épisodes, aujourd’hui, demain et après demain. 

*

Le 14 octobre 1670, il y a 352 ans (!), Le Bourgeois gentilhomme était joué pour la première fois au château de  Chambord. Molière ayant été averti par la Montespan que le  Roi Soleil était de très mauvaise humeur ce soir-là, l’auteur décida de raccourcir sa pièce en supprimant trois scènes. La pièce ainsi tronquée ayant eu l’heur de plaire énormément à Sa Majesté, les scènes supprimées ne furent jamais rejouées par la troupe de Molière, instaurant une  tradition que la Comédie Française a respectée jusqu’à ce jour. Cette tradition sera interrompue à la saison prochaine où l’on verra enfin la pièce dans son intégralité. Voici les trois scènes en question :

 

Le bourgeois gentilhomme

Acte II – Scène III

Monsieur Jourdain, Maitre de Philosophie, Nicole

Monsieur Jourdain

— Holà, Monsieur le Philosophe, vous arrivez tout à propos avec votre philosophie.

Le Maître de Philosophie

—Qu’est-ce donc ? Qu’y a-t-il, Monsieur Jourdain ? Continuer la lecture de Bon anniversaire, Jean-Baptiste (1/3)

Un couple inachevé (18)

7 minutes

Elle pillait tout doucement l’entreprise et son compte bruxellois prenait gentiment du volume. Prudente, elle ne dépensait que peu d’argent pour ne pas attirer sur elle l’attention d’une petite ville où tout le monde surveillait tout le monde. C’était déjà bien assez ennuyeux que toute la région ait connu sa liaison avec Bernard Combes et en ait fait ses gorges chaudes. Mais c’était maintenant du passé.

18 – Attention danger !

 Le 22 mai 2018, alors qu’elle était au téléphone en train de finaliser un important accord de rétrocession à son profit sur les achats d’argile et d’émail avec le responsable commercial de AKE -France à Limoges, Jean-François Combes entra dans son bureau.

— Écoutez, Robert, prononça-t-elle sèchement dans le combiné, il me faut absolument ce certificat pour le premier du mois prochain, au plus tard. Débrouillez-vous ! Au revoir !

Elle raccrocha, puis levant les yeux vers son patron :

—C’était le responsable du labo de Cergy-Pontoise. Ils ont encore pris du retard dans leurs essais de tenue au gel. C’est chaque fois la même chose. Qu’est-ce Continuer la lecture de Un couple inachevé (18)

Un couple inachevé (17)

3 minutes

Aurélie et Jean-François se séparèrent très satisfaits. Elle avait obtenu en douceur tout ce qu’elle voulait et lui, il avait l’impression d’avoir mené cette réunion de main de maître et d’avoir pris les décisions énergiques que les circonstances imposaient. Tandis qu’Aurélie se retirait dans son bureau pour prendre rendez-vous avec le responsable commercial d’Enedis, le nouveau PDG de Combes & Fils déployait sur son bureau une grande carte routière de la France.

17 – Business as usual

À partir de ce jour, les choses devinrent encore plus faciles pour Aurélie. Jean-François s’intéressait à la comptabilité encore moins que son père et il lui confiait maintenant des pans entiers de la gestion. En particulier, c’est elle qui fut chargée de mettre au point la transformation informatique de l’entreprise avec l’aide d’un ingénieur conseil. Après l’avoir mis très vite à l’écart, elle négocia directement avec le fournisseur parisien et obtint de lui une rétrocession de 10% du montant de la facture. Encouragée par cette réussite, elle procéda de la même manière lors du remplacement du vieux four à fuel. La société allemande Continuer la lecture de Un couple inachevé (17)

Un couple inachevé (16)

6 minutes

Parce que Jean-François était persuadé qu’Aurélie venait le supplier de ne pas la licencier. Tout en parlant, il avait rabattu d’un coup sec l’écran de son PC et s’était renversé dans le fauteuil de son père. Il poursuivit :
— Bien ! Qu’est-ce que je peux faire pour vous, Mademoiselle Millon.

Pas mal, le « Mademoiselle Millon », glacial à souhait ! Elle devait être dans ses petits souliers, la pauvre petite.

16 – Aurélie au pouvoir

Mais la pauvre petite n’était pas du tout dans ses petits souliers. Elle avait passé le week-end à réfléchir à la façon de mener cette entrevue. Quand, sept ans plus tôt, elle était entrée dans l’entreprise, Jean-François était déjà Directeur Commercial. Elle l’avait observé au travail et elle avait appris à bien le connaître. S’il avait fallu définir l’homme en un seul mot, elle aurait dit « labrador », un bon gros toutou, pas très intelligent, certes, mais fidèle, honnête et affectueux, incapable de faire le moindre mal à qui que ce soit, sympathique à tout le monde, en adoration devant le maître qu’était son père… un labrador. Et comme tout le monde, Aurélie l’aimait bien. Elle l’aimait bien mais elle connaissait ses limites, et elle avait deviné l’angoisse du fils Combes devant la disparition du père.

Pour Aurélie, l’essentiel c’était de parvenir à maintenir Continuer la lecture de Un couple inachevé (16)

Un couple inachevé (15)

5 minutes

Il aurait voulu pouvoir étaler tout cela devant lui, là, sur la table, tous les éléments de la société, les examiner avec calme et méthode, prendre des notes, dessiner des cercles avec des clients, des rectangles avec des moyens, des ellipses avec des objectifs, relier le tout par des flèches rouges et vertes et bleues et tirer de tout ça des orientations, des conclusions, une organisation, des actions,. Mais il lui manquait l’organigramme. Il ne pouvait pas travailler sérieusement sans ce foutu organigramme !
Il rabattit violemment l’écran de son PC et, abandonnant ordinateur et petit-déjeuner sur la table, il rentra dans la maison et retourna se coucher.

15 – Les petits souliers d’Aurélie

 Le lendemain matin, quand il arriva au bureau, il était presque dix heures. Il n’avait que peu dormi. Debout vers six heures, il avait volontairement trainé deux bonnes heures avant de prendre sa douche et de s’habiller. Déjà fin prêt à neuf heures moins le quart, il aurait pu aisément être au bureau à neuf heures comme c’était l’usage pour la Direction, c’est à dire pour son père et pour lui. Mais, inconsciemment, il voulait que cette première journée sans Bernard Combes s’organise aussi sans lui, sans qu’il ait à intervenir. Qu’ils se débrouillent, on verra bien ce que ça pourra donner ! Tête basse, engoncé dans Continuer la lecture de Un couple inachevé (15)