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Socrate enfin clair !

temps de lecture : 4 minutes parce que c’est un peu ardu par moments.

Le texte ci-dessous a été diffusé une première fois sous le titre « Scio me nihil scire » en août 2018. A la demande générale et pour l’éducation des jeunes qui à cette époque ne lisaient encore que Joël Dicker, je le rediffuse aujourd’hui sans rien y changer, car Socrate ne changera jamais, pas vrai ?

« Scio me nihilisme sire‘. Voilà ce que disait Socrate, du moins quand il acceptait de parler latin. C’est Platon qui nous le dit : « Je sais que je ne sais rien.« 

Adage sympathique, plein de modestie et parfois mal compris. Voyons cela :

Tout d’abord, il ne faut pas s’arrêter au caractère oxymorique — je ne suis pas certain que ce mot existe vraiment —  sinon, on tombe dans l’abyme : en effet, si je sais que je ne sais rien, c’est que je sais au moins une chose (à savoir : que je ne sais rien), donc je ne peux pas dire que je ne sais rien, car si je ne savais rien, je ne saurais même pas que je ne sais rien.

Une autre utilisation erronée, ou même frauduleuse, de cette sentence serait de s’en servir pour Continuer la lecture de Socrate enfin clair !

La caverne de Platon

temps de lecture : 5 minutes, sans Platon ; 10 minutes avec

Vous connaissez l’allégorie de la caverne ? Mais oui, bien sûr, vous la connaissez. Vous n’allez quand même pas dire que non devant tout le monde. Mais vous avez un peu oublié les détails, c’est ça, hein ? Vous vous souvenez vaguement : les hommes enchainés, les ombres projetées sur le fond de la caverne… Mais à partir de là, ça devient confus, non ? Ne culpabilisez pas trop — ma propre science est toute fraiche —  et laissez-moi vous faire une modeste piqûre de rappel. En principe, c’est sans douleur.  De toute façon, vous pouvez bien consacrer cinq ou six minutes au texte le plus célèbre de la philosophie occidentale.

Pour expliquer l’allégorie de Platon, on ne peut à mon avis se passer de Continuer la lecture de La caverne de Platon

Le corps et l’âme

C’est une chose que connaissent bien eux qui aspirent à apprendre. Au moment où la philosophie a pris possession de leur âme, elle était, cette âme, tout bonnement enchainée à l’intérieur d’un corps, agrippée à lui, contrainte aussi d’examiner tous les êtres à travers lui comme à travers les barreaux d’une prison au lieu de le faire elle-même et par elle seule, vautrée enfin dans l’ignorance la plus totale. Or, la philosophie le discerne bien, ce qu’il y a de plus terrible dans cet emprisonnement, c’est qu’il est l’oeuvre de l’appétit, de sorte que c’est l’enchainé lui-même qui coopère de la manière la plus efficace à parfaire son état d’enchainé. Je répète : ceux qui aiment à apprendre savent bien que, au moment où la philosophie a pris possession de leur âme, elle se trouvait dans l’état que j’ai dit. Aussi, la philosophie lui adresse-t-elle Continuer la lecture de Le corps et l’âme

La caverne de Platon

La caverne de Platon

Vous connaissez l’allégorie de la caverne ? Mais oui, bien sûr, vous la connaissez. Vous n’allez quand même pas dire que non devant tout le monde. Mais vous avez un peu oublié les détails, c’est ça, hein ? Vous vous souvenez vaguement : les hommes enchainés, les ombres projetées sur le fond de la caverne… Mais à partir de là, ça devient confus, non ? Ne culpabilisez pas trop — ma propre science est toute fraiche —  et laissez-moi vous faire une modeste piqûre de rappel. En principe, c’est sans douleur.  De toute façon, vous pouvez bien consacrer cinq ou six minutes au texte le plus célèbre de la philosophie occidentale.

Pour expliquer l’allégorie de Platon, on ne peut à mon avis se passer de l’image. J’ai choisi celle-ci :

Elle m’a parue la plus claire et la plus Continuer la lecture de La caverne de Platon

Les hommes des cavernes

Morceau choisi

En 1948, Albert Camus écrivait :

« Il n’y a pas de vie sans dialogue. Et sur la plus grande partie du monde, le dialogue est remplacé aujourd’hui par la polémique. Le XXe siècle est le siècle de la polémique et de l’insulte (…) Des milliers de voix, jour et nuit, poursuivant chacune de son côté un tumultueux monologue, déversent sur les peuples un torrent de paroles mystificatrices, attaques, défenses, exaltations. Mais quel est le mécanisme de  la polémique ? Elle consiste à considérer l’adversaire en ennemi, à le simplifier par conséquent et à refuser de le voir. Celui que j’insulte, je ne connais plus la couleur de son regard ni s’il lui arrive de sourire et de quelle manière. Devenus aux trois quart aveugles par la grâce de la polémique, nous ne vivons plus dans un monde d’hommes, mais dans un monde de silhouettes »

Ce monde dans lequel nous ne voyons que des silhouettes, moi, ça me fait penser à deux trucs:
—la Caverne de Platon
—le 21ème siècle
Pas vous ?

 

  • Bientôt publié

    • Demain, ……..Ah ! Les belles boutiques – 35
    • 27 Avr, ……….Trois jours de la vie de John Doe
    • 28 Avr, ……….Tableau 251
    • 29 Avr, ……….Première leçon de philosophie shadokienne
    • 30 Avr, ……….Je dirai malgré tout que cette vie fut belle – Critique aisée n°157

Et Dieu dans tout ça ?

Voici un extrait de La République, de Platon, suivi de quelques commentaires personnels, acerbes et iconoclastes.

(…)
Glaucon : —Fort bien ; mais je voudrais justement savoir quels sont les modèles qu’on doit suivre dans les histoires concernant les dieux.
Socrate : —Ceci t’en donnera une idée ; il faut toujours représenter Dieu tel qu’il est, qu’on le mette en scène dans l’épopée, la poésie lyrique ou la tragédie.
Glaucon —Il le faut, en effet.
Socrate —Or, Dieu n’est-il pas essentiellement bon, et n’est-ce pas ainsi qu’il faut parler de lui ?
Glaucon —Certes.
Socrate —Mais rien de bon n’est nuisible, n’est-ce pas ?
Glaucon —C’est mon avis.
Socrate —Or, ce qui n’est pas nuisible ne nuit pas ?
Glaucon —Nullement.
Socrate —Mais ce qui ne nuit pas fait-il du mal ?
Glaucon —Pas davantage.
Socrate —Et ce qui ne fait pas de mal peut-il être cause de quelque mal ?
Glaucon —Comment le pourrait-il ?
Socrate —Mais quoi ! Le bien est utile ?
Glaucon —Oui.
Socrate —Il est donc la cause du succès ?
Glaucon —Oui.
Socrate —Mais alors le bien n’est pas la cause de toute chose ; il est cause de ce qui est bon et non pas de ce qui est mauvais.
Glaucon —C’est incontestable, dit-il.
Socrate —Par conséquent, Dieu, puisqu’il est bon, n’est pas la cause de tout, comme on le prétend communément ; il n’est cause que d’une petite partie de ce qui arrive aux hommes et ne l’est pas de la plus grande, car nos biens sont beaucoup moins nombreux que nos maux, et ne doivent être attribués qu’à lui seul, tandis qu’à nos maux il faut chercher une autre cause, mais non pas Dieu.
Glaucon —Tu me parais dire très vrai.
(…)
Socrate —Voilà donc la première règle et le premier modèle auxquels on devra se conformer dans les discours et dans les compositions poétiques : Dieu n’est pas la cause de tout, mais seulement du bien.
Glaucon —Cela suffit.
Socrate —Passons à la deuxième règle…
(…)

 « LA REPUBLIQUE » de Platon

 Ce dialogue extrait de La République m’inspire plusieurs remarques :

1-Pour quelqu’un qui n’aimait pas la rhétorique, qu’il disait mépriser et qu’il avait qualifiée d’art du mensonge, on doit reconnaitre qu’il ne la pratiquait pas mal du tout, le Socrate. Admirez comment, avec des questions purement rhétoriques (car on ne voit pas ce que ce Glaucon aurait pu répondre d’autre), il arrive à faire approuver sa conclusion par son béni-oui-oui d’interlocuteur.

2-Certains diront probablement qu’on a affaire ici, non pas à de la rhétorique, mais à de la maïeutique, cet art d’accoucher les esprits en leur faisant, par le jeu des questions, retrouver ce qu’ils savaient déjà sans en avoir conscience. Moi je pense que ce Glaucon (quand on s’appelle comme ça, le changement de nom devrait être automatique) ne savait rien de rien et que même la maïeutique n’aurait rien pu en tirer.

3-Tout le monde, enfin presque, sait que Socrate ne croyait pas aux dieux. C’est d’ailleurs sur ce fondement qu’il a été condamné à mort par la République Démocratique Exemplaire d’Athènes. Pourtant ce dialogue pourrait bien faire penser que Socrate était monothéiste. Je n’ai pas trouvé de réponse claire dans Wikipédia. Et je n’ai pas eu le courage d’aller la chercher dans tous les racontars de Platon.

4-A propos de Platon, il faut se rappeler que, dans toute cette histoire, c’est Platon qui raconte et que, s’il est possible que Socrate ne crût ni aux dieux ni à Dieu, ce n’était pas le cas de Platon.

5-Il est possible aussi que dans ce dialogue, Socrate ne veuille pas dire ce qu’est Dieu, mais seulement ce qu’il faut en dire dans « les discours et les compositions poétiques« . Si c’est le cas, et s’il ne croit pas en Dieu, on remarquera que Socrate fournit à Glaucon ce qu’on appelle aujourd’hui des « éléments de langage » propres à confirmer une thèse à laquelle il ne croit pas. Pour un homme dont l’un des héritages les plus connus est le fameux test de la vérité (les trois tamis), on est quand même en plein mensonge.

6-Je suis tout à fait conscient qu’il est ridicule et mal venu de vouloir émettre la moindre critique sur Socrate quand on est aussi ignorant que moi de la Philosophie, mais je trouve l’exercice amusant. Je sais aussi que je viens de m’engager sans arme ni bagage sur une terre inconnue (de moi). Je crois savoir enfin qu’elle est peuplée d’attentifs et susceptibles gardiens de la doctrine et que mon ignorance me vaudra, sinon des explications, du moins des remontrances et des quolibets.

7-Mais ça m’est bien égal parce que je sais aussi qu’il y a plus de choses dans Proust et dans Shakespeare, Horatio, que dans toute votre philosophie.

 

ET DEMAIN, LES VACHERIES DE JOUVET