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La plus secrète mémoire des hommes – Critique aisée n°227

Critique aisée n°227

La plus secrète mémoire des hommes
Mohamed Mbougar Sarr – Prix Goncourt 2021
Editions Philippe Rey – 459 pages – 22€

Il y a presque un mois, le 28 février dernier, dans « À bord du Goncourt(1) », je vous avais donné les premières informations disponibles sur le déroulement de ma croisière à bord du dernier Goncourt, La plus secrète mémoire des hommes.
Les nouvelles n’étaient pas excellentes, il faut bien le dire. Les gros rouleaux de la langue africaine avaient fait naitre en moi un léger mal de mer et le vocabulaire très spécifique du commandant de ce bateau surchargé commençaient à m’indisposer.
Mais j’avais payé mes 22 euros pour la traversée et, malgré un mauvais pressentiment, je ne voulais pas renoncer si tôt à mon voyage. Prenant le livre et mon courage à deux mains, je poursuivis donc la croisière.

La mer s’était un peu calmée et le voyage s’annonçait plus confortable quand, page 75, un écueil apparut au milieu des vaguelettes d’un océan assagi :
(…) Au dessert, l’ambiance se détendit et Béatrice mis de la musique. Ritualités, spiritualités : on s’offrît d’abord aux secousses galvaniques de la nuit à peine nubile, verte comme une jeune mangue. Puis tout s’adoucit ; la lune mûrit, prête à tomber du ciel. Nous pendions aux bras d’heures cotonneuses, vestibules de somptueux rêves qu’on ne faisait qu’à condition de rester éveillé.(…)

La métaphore maritime filée jusqu’à présent ne me permettant pas de décrire aisément mon état d’esprit quand je lus cette phrase, je vais l’abandonner provisoirement.
Secousses galvaniques… nuit nubile… comme une jeune mangue… bras d’heures cotonneuses…, vestibules de somptueux rêves…
Quand je lis des trucs comme ça, Continuer la lecture de La plus secrète mémoire des hommes – Critique aisée n°227

Il y a cent ans, le 10 décembre

Il y a cent ans aujourd’hui, c’était le 10 décembre 1919.

Le 10 décembre 1919, à 14 heures, dans un salon du premier étage du restaurant Drouant, au 18 de la rue Gaillon, l’Académie Goncourt attribue au troisième tour de scrutin son dix-septième prix au roman de Marcel Proust « A l’ombre des jeunes filles en fleurs » par six voix contre quatre qui vont aux « Croix de bois » de Roland Dorgelès.

A cette heure précoce, Proust n’est pas encore réveillé et d’ailleurs, il ne sait même pas que c’est ce matin que les Goncourt devaient se réunir. Comme il n’a plus le téléphone depuis longtemps, c’est Gaston Gallimard, Léon Daudet, Jacques Rivière et Jean-Gustave Tronche qui grimpent au Continuer la lecture de Il y a cent ans, le 10 décembre

L’ordre du jour – Critique aisée n°107 – Prix Goncourt 2017

Critique aisée n°107

Recommandé en fin d’une émission du Masque et la Plume, j’avais acheté et lu ce livre il y a presque trois mois. J’en avais fait aussitôt la critique mais, pressé par une actualité brulante génératrice d’urgences éditoriales, je n’avais prévu sa programmation que pour le 24 novembre prochain. Et voilà que l’Académie Goncourt m’impose à son tour un changement de programmation, car elle vient de lui décerner son prix pour 2017. 
Voici donc ma critique, telle qu’écrite il y a deux mois.

L’ordre du jour
Eric Vuillard – Acte Sud – 2017
150 pages – 16€ttc

Un petit livre hargneux, désagréable, plein de tics, de clins d’œil au lecteur, de listes exhaustives, de commentaires sagaces, de remplissages inutiles, mais un petit livre passionnant.

« Récit » dit-on sur la page de garde. Récit ? Peut-être.

Un récit déstructuré autour de la décision par Hitler d’envahir l’Autriche (mars 1938).
Le récit démonstratif d’une réunion de levée de fonds entre Hitler et le grand patronat allemand (février 1933), le passionnant récit de l’extraordinaire entrevue entre le Chancelier d’Autriche Schuschnigg et Hitler à Berchtesgaden (février 1938), le récit rigolo du dernier diner de Ribbentrop avec Chamberlain et Churchill au 10 Downing Street (mars 1938), le récit incroyable de la panne générale de l’armée envahisseuse à peine entrée en Autriche (mars 1938), le triste récit de l’accueil enthousiaste réservé le même jour au Führer par les foules autrichiennes, l’épouvantable et court récit du bon usage des prisonniers des camps dans la grande industrie allemande, et puis quelques récits individuels, quelques digressions, du remplissage.

Je vous l’ai dit : désagréable, mais passionnant.

ET DEMAIN, UNE CHRONIQUE DU 8 NOVEMBRE, LE 8 NOVEMBRE 1914