¿ TAVUSSA ? (22) Jours critiques

Aujourd’hui, critiquer François Fillon, c’est compréhensible, c’est même normal. Fillon, vous vous souvenez ? Celui qui nous a mis dans cette situation où nous allons devoir choisir non pas entre la peste et le choléra —on a bien failli— mais entre la typhoïde et le rhume des foins ? Tout à fait entre nous, nous aurions bien dû nous douter que, malgré son intime et ancienne conviction d’être un jour président, il ne pourrait pas arriver jusqu’au bout. Souvenez-vous de notre surprise dans l’affaire des élections pour la présidence de l’UMP quand nous avons réalisé qu’il n’avait pas prévu que Copé allait bourrer les urnes. Ne pas concevoir que Copé puisse tricher pour la seule raison qu’il avait promis de ne pas le faire, c’était un peu comme la tortue africaine qui accepte de faire traverser la rivière au scorpion —si par extraordinaire vous ne connaissez pas cette histoire, voyez la note * en bas de page. On frémissait déjà à la pensée de Fillon faisant preuve d’une telle imprévoyance, d’un tel manque de psychologie, d’une telle naïveté face à de bonnes paroles de Poutine ou à des promesses de Trump ! Après cet épisode, le doute commençait à nous habiter, mais on lui en laissait encore le bénéfice. Pourtant, sa réaction à l’entourloupe meldoise (de Meaux) toute faite d’incompréhension, de colère, de bouderie et de rigidité mêlées aurait dû nous faire comprendre définitivement qu’il n’avait pas ce qu’il fallait pour être le Premier : quoi, se laisser mettre dans une telle situation et ne pas savoir s’en sortir ? Ç’aurait dû être évident, il n’avait pas l’étoffe. Mais nous n’avons pas compris, nous n’avons pas voulu comprendre. Et, bis repetita non placent : non solum François n’a pas tardé à se replacer tout seul dans une mauvaise situation, sed etiam il a réussi à nouveau à démontrer qu’il était incapable de s’en sortir. Enfin ! Comment, quand on vise si haut, ne pas prévoir que les petites indélicatesses, celles que l’on commet parce qu’on serait bien bête de ne pas profiter des avantages du métier, vont ressortir un jour pour vous pourrir, urbi et orbi, la ville et la campagne ? Comment, quand elles ressortent, ne pas avoir de plan tout prêt pour faire avaler la pilule au bon peuple ? Comment, quand on n’a pas de plan tout prêt, ne pas réagir avec calme, intelligence et humilité ? Incroyable, non ? Alors, évidemment, on serait bien en droit de critiquer François Fillon. Mais, aujourd’hui, à quoi bon ?

On serait bien en droit aussi de critiquer François Hollande. Parce que finalement, c’est bien lui qui nous a amené où nous en sommes. Par ses roublardises de Secrétaire de Parti, ses finasseries de Conseiller Général, ses flouteries de Candidat Accidentel, ses mesquineries de Président Revanchard, ses hésitations de Chef d’Etat Dépassé, c’est bien lui qui a cassé son parti, fait renaitre l’extrême gauche et alimenté l’extrême droite. Alors, on pourrait le critiquer. Ça soulagerait, même. Mais depuis des mois, le Pingouin erre dans son palais tout vide. Il ne gouverne plus rien ; il n’a même plus personne à qui parler. Ses conseillers, chefs de cabinet et ses amis sont partis depuis longtemps se recaser. Alors, aujourd’hui, le critiquer, à quoi bon ?

Bien sûr, on peut critiquer Emmanuel Macron. C’est vrai qu’il a un drôle de discours, c’est vrai qu’il est flou, c’est vrai qu’il est peut-être de Gauche, peut-être, qu’il est peut-être du Centre, ou d’Ailleurs, ou pas sur Terre, on ne sait pas vraiment. Mais c’est le seul qui nous reste. Alors, maintenant, à quoi bon le critiquer ?

On pourrait aussi critiquer Marine Le Pen. Critiquer Marine, c’est bien, c’est très bien. D’ailleurs, on ne s’en prive pas : Facebook est rempli d’exemples de ses promesses impossibles, de ses âneries économiques, de ses contradictions et de ses voltefaces. Mais ceux qui propagent ces critiques, quelles que soient leur ardeur et leur obstination, croient-ils vraiment que ça va changer un seul vote ?

Sérieusement, aujourd’hui, ne vaudrait-il pas mieux critiquer ceux qui engagent à l’abstention ou au vote plus blanc que blanc, ou au vote plus nul que nul (tu meurs, comme l’âne de Buridan), parce qu’ils ne veulent pas choisir (comme Ponce Pilate) entre la peste et le rhume des foins, parce qu’ils ne veulent pas qu’on puisse leur dire un jour : « Tu as voté Macron ! ». Pauvre Wauquiez, pauvre Morano ! Comment peut-on être Républicain et laisser une seule chance à Marine Le Pen ? Pauvre Nathalie Arthaud, pauvre Martine Aubry, pauvre, pauvre Mélenchon avec ses délicatesses de jeune fille vexée ! Comment peut-on se dire de gauche et ne pas tout faire pour que le Front National soit battu ? Comment peut-on oser, ou même seulement envisager, s’abstenir ou voter blanc. Voter blanc, mais c’est voter Le Pen avec une bande avant ! Qu’y a-t-il de plus stupide que de voter blanc dans une élection aussi importante ? Les voteurs blanc pensent-ils faire preuve d’originalité, d’indépendance, de rigueur, ou même de vertu en disant d’un air pincé « non vraiment, merci, je n’aime ni Le Pen ni Macron ; non décidément, le choix qu’on me propose ne me plait pas, alors je ne vais pas voter ; peu importe ce qui sortira des urnes, au moins, je n’y aurais pas participé » « Peu importe ce qui sortira des urnes ! » Vraiment ? N’ont-ils réellement aucune préférence entre Le Pen et Macron ? Aucune-aucune ? Allons donc !

Aujourd’hui, par la faute de nos amis politiques et de leurs adversaires, le seul remède qui puisse nous éviter le pire, c’est le vote Macron. La potion vous semble amère ? Tant pis, avalez-la ! Faites la grimace, votez Macron et fermez-la. Vous aurez tout le temps de râler plus tard. Ce ne sont pas les occasions de faire la gueule qui vont manquer dans les années à venir.

Macron n’était pas mon candidat, Fillon non plus d’ailleurs, mais la primaire, cette ânerie prétendument démocratique et réellement démagogique, a tout gâché. Je vais donc devoir voter Macron. Et je le ferai sans état d’âme ni remords. Maintenant les gars, les blanc-voteurs, vous aussi, il va falloir choisir et ne pas faire la fine bouche devant les deux plats qui sont aujourd’hui au menu : viande ou poisson, parce que ce sera ça ou rien. Et soyez contents qu’on vous présente encore un menu. Alors, choisissez bien, parce que la prochaine fois,  vous pourriez bien ne plus avoir le choix qu’entre viande et viande, ou poisson et poisson, à moins que ce ne soit entre rutabaga et topinambour.

***

*Au cas improbable où vous ne la connaitriez pas encore, voici l’histoire de la tortue et du scorpion :
Au bord d’une rivière africaine, le scorpion, qui ne sait pas nager, demande à la tortue de le prendre sur son dos pour lui faire traverser l’eau.
—Tu n’y penses pas, dis la tortue. Si je te prends sur mon dos, tu vas me piquer et je mourrai.
—Je ne te piquerai pas, car si je le faisais, tu coulerais et je mourrais aussi, noyé au fond de l’eau. Je ne suis pas fou : je ne te piquerai pas. 
—Tu promets ?
—Je promets !
La tortue prend le scorpion sur son dos commence à nager, mais au milieu de la rivière, le scorpion pique la tortue.
Juste avant de mourir, la tortue dit avec surprise :
—Tu m’as piquée, maintenant tu vas mourir aussi! Pourquoi as-tu fais ça ?
Et le scorpion répond :
—Eh ! C’est ça, l’Afrique !

2 réflexions sur « ¿ TAVUSSA ? (22) Jours critiques »

  1. Exit Fillon et bon vent à lui. J’aimais son programme mais je ne l’aimais pas, lui. Aucune empathie! Je le décrivais toujours comme l’enfant de cœur qui a bu le vin de messe et s’en défend devant le curé en accusant son voisin. J’ai voté pour lui et son programme au 1er tour. À croire qu’il n’était pas à la hauteur de son programme et, lui le pilote de course, soi-disant, nous a emporté dans le décor. Je m’résigne à macroner. On a en France la droite inexorablement la plus bête du monde!

  2. Dans son dernier discours à ses ‘followers’ (qui l’ont précédé) de Philadelphie, Trump a ressorti son histoire du Serpent et de la Jeune Femme qui se fait mordre par le reptile après lui avoir fait passer la ‘border’!

    La chute est proche de celle de l’histoire du scorpion africain. À la question pourquoi m’as tu mortellement mordu alors que je t’ai sauvé la vie, le serpent répond: Eh! C’est ça le serpent…

    Tout est donc écrit, une fois pour toutes…

    Alors, à quoi bon voter?

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