Ah ! Les belles boutiques !

Ah ! Les belles bouti-ques, bouti-ques, bouti-ques
(à chanter sur l’air de Ah ! Les belles bacchan-tes, bacchan-tes, bacchan-tes, extraites du film du même nom et de Robert Déry)

Quand on s’ennuie, quand on ne sait plus quoi écrire, quand on vieillit, on fait des listes. Tout le monde fait ça, tôt ou tard. On les commence ( j’aime, j’aime pas ; je me souviens ; choses à faire, à défaire ou à refaire ; inventaire des personnes à gifler…), on les abandonne, on les reprend, on les décline… Les psychologues amateurs de calembours diront sans doute que des listes que l’on décline, ce sont des signes que l’on décline.

(Entre nous, est-ce que vous avez remarqué comme les psychiatres, les psychologues et autres Diafoirus de l’âme individuelle ou collective sont amateurs de calembours, de jeux de mots, d’approximations phonétiques ? Moi, je l’ai remarqué. Ils les trouvent révélateurs des tensions, des frustrations, des psychoses enfouies. Je suis certain que le double sens du verbe décliner utilisé plus haut va les ravir et leur donner du grain à moudre pour trois jours. Victor Hugo avait dit : « le calembour est la fiente de l’esprit qui vole« . Pour moi, je préfère ce que disait son cocher : « les calembours sont les pets de l’esprit » car il faut reconnaitre que lâcher une flatulence peut être parfois d’un grand soulagement. Fiente ou pets de l’esprit, syndromes de traumatismes profonds ou signes de sérénité et de bienveillance envers l’humanité, dyslexie légère ou malformation infantile, je vous laisse juges.)

Bon, en tout cas, moi, j’en ai fait des listes. Je me souviens que j’ai commencé par des « Je me souviens« . Un jour, j’avais vu Sami Frey égrener les petites phrases de Perec tout en pédalant sur un vélo stationnaire face au public. Je n’avais pas bien compris l’intérêt du vélo mais j’avais beaucoup apprécié cette litanie et les souvenirs personnels qu’elle évoquait. Alors, un jour,  j’ai commencé la liste de mes je me souviens à moi, limitée tout d’abord à l’enfance, puis étendue à l’adolescence, l’âge mur, puis l’âge un peu plus mur…Quand vous commencez à faire ça, vous vous apercevez rapidement que ces petites phrases, presque des anamnèses, qui évoquent chacune très brièvement un souvenir personnel (attention, il ne s’agit pas d’écrire : « je me souviens que le 2 avril 1956, j’avais rencontré Marcel à la station Gobelins« , parce que ça, à part Marcel, et encore, ça n’intéresse personne) ne présentent d’intérêt que pour ceux (je me refuse à dire celles et ceux, je ne fais pas de politique, moi) qui ont vécu plus ou moins à la même époque et dans le  même environnement que vous. Quand Perec écrit : « Je me souviens des poinçonneurs de tickets dans le métro, de même que je me souviens des premiers tourniquets à la station Opéra « , il parait évident que, pour les lecteurs nés après 1960 ou pour ceux qui ne sont jamais sortis du département de la Creuse, ce souvenir n’évoquera rien du tout. Au contraire, les autres, pour peu qu’ils y mettent un peu de bonne volonté, verront tout de suite l’employé du métro sur son petit strapontin dans sa pauvre guitoune pleine de courants d’air, avec sa casquette, son cache-nez et sa mauvaise humeur, prendre leur titre de transport et le perforer tristement. Certains d’entre eux seront alors emplis de nostalgie, forcément. Et votre but sera atteint. N’était-il pas de faire naitre une émotion chez votre lecteur ?
Bon, d’accord, certains seront emplis de nostalgie, et après ? Et puis, compte tenu de votre âge (on écrit pas des je me souviens à 40 ans) et/ou de l’ancienneté de l’époque que vous évoquez, ça ne fait jamais beaucoup de monde. Alors, quand vous aurez compris cela, une pente naturelle vous amènera à développer vos je me souviens. Vous les allongerez, vous les arrangerez, et vous les polirez et les repolirez. C’est du moins comme ça que cela s’est passé pour moi, c’est comme cela que, progressivement, je me suis mis à écrire des textes de plus en plus longs et, l’expérience venant, de plus en plus fictifs, au point que certains souhaiteraient, m’a-t-on dit, que j’en revienne aux anamnèses.

Les listes et leur déclinaison ne se limitent pas nécessairement aux textes. On peut très bien dérouler une suite de photographies ou de dessins, à la condition, qu’ils aient quelque chose en commun, un style, un thème, que sais-je ?

Un exemple : « Les oiseaux sont des cons« , série de photos que j’avais développée sur un thème original de Chaval et qui n’a rencontré dans mon lectorat qu’une adhésion des plus discrètes.

Autre exemple : « De la bouche du cheval« , une autre déclinaison à tendance humoristique de photos des hippocampes de la Fontaine Carpeaux.

Nous arrivons maintenant à la raison d’être de cette longue introduction à caractère décousu, volubile et digressif : la présentation d’une nouvelle série de photographies.

Le titre : Ah ! Les belles boutiques !

L’objectif : rendre hommage aux commerçants qui réussissent à conserver l’aspect traditionnel de leur façade de magasin, et les encourager à persévérer.

Le contenu : une photo de la devanture d’un magasin, avec si possible l’adresse et, très éventuellement, un commentaire sur la boutique, ou son histoire, ou son contenu, ou sur l’idée que s’en fait le JdC.

L’organisation : vraisemblablement par quartier de Paris, mais rien n’est certain et on verra bien

Le programme : comme disait celui qui rasait gratis : « ça commence demain ! »

Enfin, peut-être.

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