Go West ! (48 bis)

FIN DE L’ENTR’ACTE

C’est au nord de Los Angeles que, le 5 juin dernier, nous avons laissé notre jeune héros au bord de l’US 5. Pour nous, c’était le 5 juin 2024, mais pour lui, c’était 22.585 jours plus tôt, le 5 août 1962. Entre son arrivée aux États Unis et le moment où nous le retrouvons, il s’est écoulé tout un mois, ou seulement un mois, comme vous voudrez, au cours duquel il a vécu quelques aventures anodines, quelques péripéties sans réelle gravité, jusqu’à cette nuit fatidique du 4 aout dans ce quartier chic de L.A., Brentwood. Si vous souhaitez revivre tout ce qui lui est arrivé, vous pouvez revenir sur les 48 épisodes qui ont précédé cette reprise de la publication de Go West ! Mais si vous ne souhaitez pas subir à nouveau cette épreuve ou que vous vous souvenez très bien de ce qui s’est passé, à partir du 1er octobre, vous allez pouvoir vivre de nouvelles aventures dont l’auteur, et il n’est probablement pas le seul, espère qu’elles auront une fin.
Pour vous remettre un peu dans le bain, je vous propose quand même de relire la fin de l’épisode 48 sur lequel l’histoire s’était arrêtée. 

(…) Après une aussi longue digression mâtinée d’allers et de retours dans le temps, je réalise que le lecteur est peut-être perdu dans la chronologie. Donc, avant de reprendre le récit, il ne me parait pas inutile de rappeler, sans trop entrer dans les détails cependant, où je l’avais laissé et même un peu avant. Voilà :
Dans la nuit du 4 aout 1962, j’avais été embarqué dans sa voiture par un flic qui me soupçonnait, à tort, de trafic de drogue et de corruption de policier. Appelé par radio, il avait dû se rendre d’urgence sur les lieux d’un suicide. Tandis que j’attendais sagement dans la voiture, j’avais vu l’acteur Peter Lawford cacher quelque chose sous sa Rolls Royce, quelque chose qu’il ne voulait pas remettre au policier. Ce quelque chose, c’était un magnétophone de poche. Pris par un de mes fantasmes habituels, j’avais commis cette folie de ramasser ce machin avant de m’enfuir à pied à travers deux ou trois propriétés privées. Le message enregistré sur la bande magnétique était une lettre d’adieu dans laquelle une jeune femme annonçait qu’elle allait se suicider à cause de deux frères, Jack et Bobby. C’était bien triste mais presque banal. Ce n’est que le lendemain matin, à la lecture du gros titre d’un journal, que j’avais compris que Jack, c’était le Président des États Unis, Bobby, le Ministre de la Justice, et la pauvre fille, la plus grande star d’Hollywood.
Et me voilà à présent enfermé dans les toilettes d’une station-service géante du nord de Los Angeles, à écouter et réécouter le message de Marylin Monroe.
Bien sûr, aujourd’hui, vous, mes lecteurs, et moi nous savons que ce message était un faux et que les frères Kennedy n’étaient pour rien dans la mort de Marylin Monroe. Mais à l’époque, soixante ans en arrière, il vous faut comprendre que, plus j’écoute le message, plus je suis convaincu qu’elle s’est donné la mort à cause des Kennedy, et plus je réalise que le seul fait d’avoir ramassé ce dictaphone me relie à ce qui a toutes les chances devenir un énorme scandale, et même une affaire d’état. Maintenant, je suis directement poursuivi par un flic du LAPD à qui j’ai faussé compagnie, et peut-être indirectement par les sbires de la Maison Blanche, FBI, CIA ou autres services spéciaux, à la recherche du petit appareil compromettant qui se trouve dans ma poche. Et je ne compte pas la police de Knoxville, Tennessee, pour cette affaire minable de motel qui me semble à présent remonter à des siècles.

Quand je sors des toilettes, paniqué, écrasé de chaleur, ébloui par le soleil, désorienté par l’activité de ruche de cet aéroport pour camions, je ne peux plus penser plus qu’à deux choses : me débarrasser du dictaphone et ficher le camp de Los Angeles.
Me débarrasser de ce machin !
Mais comment ? Le détruire par le feu ? Ni pratique, ni discret et même totalement idiot ! Le balancer dans une rivière ? Une rivière ! Où ça ? Le jeter quelque part ? Dans une poubelle de la station-service, dans les toilettes, dans une bouche d’égout, sur le parechoc d’un camion ?  À chaque tentative, à chaque début d’exécution, j’imagine que quelqu’un me surveille, qu’il va venir voir de plus près, me poser des tas de questions… « Dites donc, jeune homme, qu’est-ce que vous venez de jeter là, dans les toilettes, dans la poubelle, dans mon camion ? On dirait un petit magnétophone. Mais il est neuf !  Et pourquoi vous voulez jeter ce truc tout neuf ? Ça vaut pas mal d’argent ce genre d’appareil. Quoi ? Qu’est-ce que vous dites ? Je ne comprends rien de ce que vous racontez ! C’est bizarre tout ça. D’ailleurs, vous me paraissez drolement bizarre vous-même ! Tenez, il y a une voiture de flics là-bas. Venez avec moi, on va leur demander ce qu’ils en pensent… » Alors, je n’ose pas, je n’arrive pas à me décider. Et le dictaphone continue de brûler dans ma poche.

Bon, on verra plus tard. Pour l’instant, je n’ai plus qu’une idée : foutre le camp d’ici. Station-service  =  auto-stop, ça devrait être facile. Effectivement, ça ne fait pas dix minutes que je me suis planté au bord de la bretelle d’accès à l’US 5 qu’un vieux pick-up poussiéreux s’arrête. Sur la banquette avant, il y a trois mexicains. Celui qui est à la portière me dit qu’ils vont au Nord, un peu après Santa Clarita. Santa Clarita, c’est là que devait me conduire Joe, mon précédent chauffeur. C’est à une quinzaine de miles seulement, mais ça me va. Du moment que ça m’éloigne de L.A., tout me va. Il n’y a pas de banquette arrière. Je jette mon sac sur le plateau et je grimpe à bord. Du côté gauche, calé contre la cabine, il y a un gigantesque réfrigérateur aux formes arrondies ; à côté du réfrigérateur, une grand fauteuil-club usé avec dedans un mexicain endormi. Le reste du plateau est encombré de chaises empilées, de tables renversées, de valises, de cartons et de caisses. On est dimanche : ces gars-là doivent être des cambrioleurs ; ou alors, ils déménagent un copain. Ça redémarre brusquement. Je chancelle et m’affale sur le fauteuil-club.  Le dormeur se réveille, me regarde sans surprise et se rendort aussitôt. Je m’assieds sur une valise. Un quart d’heure plus tard, le pick-up me dépose une centaine de mètres avant la sortie pour Santa Clarita.

A SUIVRE 

Une réflexion sur « Go West ! (48 bis) »

  1. Réjouissons-nous mes amis de retrouver la suite des aventures paradoxales de Philippe en Amérique dans le wild.wild.west (www) sur le web à https://www.leblogdescoutheillas.com, à paraître 92ans après celles de la superstar Tintin dans la même Amérique dont l’album en BD reste le plus vendu dans le monde (source Wikipedia), c’est vous dire, hein! Oscar, le dandy rebel, serait jaloux d’une telle promesse d’avenir, lui qui disait que « les folies sont les seules choses qu’on ne regrette jamais » ou encore que « tout portrait qu’on peint avec âme est un portrait non du modèle, mais de l’artiste ».
    Salut l’artiste!

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