Aventure en Afrique (41)

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Voir la mer (2)

A 19h15 nous arrivions à Bambéréké, après avoir parcouru 526km dans la journée. Nous trouvions le campement. Les campements que l’on croisait le long des pistes principales, étaient distants d’environ 200km. C’était souvent d’anciens petits hôtels de l’époque coloniale, plus ou moins bien entretenus qui ne faisaient pas de restauration. Ils  mettaient à disposition des chambres plus ou moins grandes et des  boissons plus ou moins fraiches. La propreté de la literie laissait souvent à désirer, et nous préférions dormir sur nos inconfortables lits de camp. Un soir nous avons  trouvé un campement crasseux, l’eau étais antérieurement remontée d’un puits par une éolienne hors d’état de fonctionner, la porte du réfrigérateur était maintenue fermée par un sandow, les sanitaires dont les WC. …bouchés !
Nous avions établi un protocole à l’arrivée, le soir, au campement : Il nous fallait vider entièrement les véhicules dépourvus de siège arrière, contenant chacun: 2 roues de secours, 1 bidon d’eau, 1 bidon d’essence, 2 lits de camp, nos affaires personnelles. Etaient répartis dans l’ensemble des voitures: le matériel de réparation des pneumatiques, une glacière, un camping-gaz, une caisse à outil, câble de démarrage, corde … .  Pendant que les hommes réparaient les roues de secours, les femmes vidaient les 2CV qui devaient être stationnées portes non verrouillés. Ce n’était qu’après que nous nous douchions, lorsqu’il y avait de l’eau, que nous prenions l’apéritif, avec de la bière du Togo.
Le Togo a été sous protectorat allemand de 1884 à 1916 puis il devient ensuite colonie française. Les brasseurs allemands ont laissé leur savoir-faire aux togolais qui fabriquaient une excellente bière.

Le lendemain matin nous quittions Parakou, après avoir réglé les problèmes de freins de la voiture des Charpentier, et prenions la direction sud-ouest sur une quarantaine de km., puis nord-ouest. A une centaine de km. du départ nous trouvons par hasard un aménagement de l’époque coloniale, sur un ruisseau et ses abords. Il s’agissait d’une piscine naturelle où nous avions pu prendre un bain et faire la lessive et vaisselle. Nous étions les seuls à Takara Koko.
Nous rejoignions ensuite le campement de Djougou.
Pendant que nous réparions les pneumatiques, nous étions accostés par un homme bien vêtu, parlant le français sans accent et sensiblement de notre âge. Nous finissions par comprendre qu’il était le commissaire de police de la ville. Nous le convions à prendre l’apéritif : Il nous dit avoir fait ses dernières formations à Toulon. Nous lui indiquions que notre intention était de nous rendre en pays Somba dans la chaine de montagne de  l’Atacora. Il nous fit parler, exerçant probablement son métier et finit par nous dire d’éviter de prendre des photos de personnes à proximité des lignes téléphoniques. Trouvant le conseil curieux, nous demandions des précisions : Une équipe de reporters photographes allemands avaient publié dans une revue érotique célèbre, le fruit de leur travail chez les Somba qui vivaient nus. Le policier avait compris que ce n’était pas le but de notre visite. (Note du carnet: Arrêt, fuite d’huile filtre François, nettoyage moteur. Culture: manioc, un peu de mil).
Nous montions dans cette chaine de montagne par des pistes difficilement carrossable et non répertoriées  sur les cartes en notre possession.  Nous débouchions sur un grand plateau, avec des ruisseaux et encore des montagnes. Nous étions en pays Somba. Nous croisions sur le bord du chemin un homme, il ne portait que son étui pénien, composé d’une boite de conserve métallique de ½ kg maintenue autour de la taille par une petite sangle de cuir. Il avait fière allure. Nous n’avons pris aucune photo.
Dans une plaine nous avons aperçu un hameau. Nous abandonnions les véhicules, poursuivions à pied et débouchions au centre d’habitations dispersées: Ce n’était que de petits châteaux forts en miniature : “Les Tata Somba“. Ils sont communs dans l’Atacora, au nord-Togo et au nord Bénin. “Somba“ est le nom générique retenu par l’administration coloniale pour désigner l’ensemble des groupes socioculturels vivants dans la montagne et le piémont occidental de l’Atacora. « Bien avant la colonisation de cette région par les français, de nombreux peuples y ont élu domicile dans le but d’échapper à la soumission des puissances conquérantes et aux pillards.

L’Atacora s’avérait être un lieu protecteur car inaccessible et pourvu de la richesse essentielle en Afrique : la présence de l’eau » (CitaZine)    “Les Tata“ bâtis au XVII ème  qui avaient un rôle défensif, contre les ennemis et les bêtes sauvages, édifiés de manières dispersés, chacun étant au-delà d’une portée de flèches de l’autre construction, de façon à former un cercle.  Chaque Tata n’a qu’une seule porte d’entrée, côté ouest (l’est étant considéré comme un mauvais côté d’où viennent tous les maux). Non loin de l’entrée, un ou plusieurs monticules: le lipempo, sorte d’autel, en forme de phallus.

Le Tata se compose d’un grand mur d’enceinte tout en courbe d’une hauteur de 5 à 6m.  Il entoure l’espace fermé du rez-de-chaussée et sert de garde de corps à la terrasse de l’étage, niveau réservé aux animaux, même aux abeilles ! Par une échelle rudimentaire, dans la fraicheur et le noir, dans une odeur forte de fumée, on accède au 1ierétage, lieu de vie de la famille. Il y a là, la cuisine avec la pierre meulière et le foyer, les chambres et les greniers à grains. L’ensemble recouvert de toits de paille était d’une grande propreté.
J’ai croisé une femme d’un certain âge, elle ne portait sur elle qu’un petit anneau de plume à la cheville,  le torse et le dos couvert de légères scarifications. Les autres habitants avaient revêtu un short. Ils étaient très accueillants et souriants, mais nous ne parlions pas le même langage. Nous leur avons acheté quelques bibelots. Perdus dans leur montagne Ils étaient heureux d’avoir la visite d’étrangers.
Il est à noter qu’aujourd’hui, les Tata Somba du Togo figurent sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Nous prenions de retour la piste chaotique et défoncée en essayant de retrouver notre chemin. Nous repassions prendre un bain à la piscine de Takena Koko, puis nous filions sur Djougou. Là j’en profitais pour réparer le pot d’échappement de notre 2CV. malmenée en pays Somba.

A SUIVRE 

 

7 réflexions sur « Aventure en Afrique (41) »

  1. Pour poursuivre avec cette question de l’abondance ou de la rareté des adjectifs, si vous voulez-vous rendre compte par vous-même de l’influence des épithètes sur le style, allez donc relire
    https://www.leblogdescoutheillas.com/?p=6522,
    ou j’avais expérimenté les deux versions avec et sans adjectifs d’un même texte.
    Ça m’avait paru concluant

  2. J’affecte (!) avoir un style simple et c’est un sacré boulot. Je ne suis pas un fou de Modiano, dont le brouillard indissipable me fait l’effet d’une recette ressassée, ça c’est sûr, mais je trouve son style d’une simplicité lumineuse. Sous le titre « Ecriture blanche » j’avais reproduit un extrait de Villa triste et j’avais fait ce commentaire admiratif : « 238 mots pour décrire un début de soirée dans un grand hôtel d’une ville d’eau, 3 adjectifs, 2 adverbes, c’est tout. »
    Jean Dutourd, écrivain un temps reconnu, académicien, décédé mais longtemps grosse tête à RTL a écrit : « Il faut faire la guerre aux adjectifs et aux adverbes ; ce sont les preuves d’un esprit paresseux ou romantique »
    Tout a fait d’accord avec Dutourd : les adjectifs en trop grand nombre donnent à celui qui les écrit une impression de style soutenu, littéraire, cultivé, sophistiqué, poétique même… Ils ne font souvent qu’alourdir artificiellement une pensée plate comme un trottoir de rue comme disait Flaubert.
    Pour les adverbes, qui sont à mettre dans le même panier, on notera que « je t’aime » est plus fort que « je t’aime beaucoup ». 
Pour les adjectifs, je citerai aussi Claudel : « La crainte de l’adjectif est le commencement du style. »
    Alors, bien que le nombre d’adjectifs permis ne soit pas normalisé, je compte…


  3. Que de confiance réciproque à cette époque pas si lointaine… dire que cinquante après, ces jolies filles seraient bien en peine de se baigner en deux pièces , même au milieu de nulle part…
    J’admire leur intrépidité , même si je reconnais avoir fait preuve de la même insouciance à la même époque …
    Geraud doit être bien marri du sentiment anti français actuel ….
    Note au rédacteur : il faut compter ses adjectifs à présent???

  4. La question qu’il m’avait semblé avoir posée était : quels changements profonds l’Afrique de Géraud avait elle connu depuis l’époque de son récit de jeunesse passionnant.

  5. Désolé que la discussion se soit focalisée sur une certaine odeur, mais je n’avais pas voulu laisser sans réponse la question primordiale posée par le docteur Lorenzo. Si j’avais pu imaginer que la réponse aurait de tels rebondissements, je me serais abstenu d’entretenir le sujet.
    En tout cas, quelle aventure !

  6. L’Aventure en Afrique n°40 : Voir la mer- la soudure a fait l’objet de 9 réflexions.
    Merci
    Il a été davantage question de pissotière, de leur odeur que de la soudure malgré l’ingéniosité de l’exécutant!
    Celles du Bénin, dans la prison du bureau de douane, n’a pas du beaucoup changer. Il y peut-être de l’eau…
    Ces pays à l’époque (13ans après l’indépendance) avaient du mal à entretenir les structures et infrastructures existantes.
    Par contre je sais qu’au Niger où la seule route goudronnée en 1973 allait de Niamey au Bénin, soit 300km. , la N1 va aujourd’hui de la frontière du Mali à celle du Tchad via Niamey soit environ 1740 km. de goudron !

  7. De plus en plus original et passionnant, ce récit sincère de l’exploration innocente d’une Afrique profonde et amicale en voie de disparition définitive. (7 adjectifs en 21 mots, c’est beaucoup, mais il fallait bien ça)

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