Rendez-vous à cinq heures : ‘’De la difficulté à se faire comprendre’’

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temps de lecture : 4 minutes. Ce ne sera pas trop long ? 

De la difficulté à se faire comprendre

Avertissement : le texte qui suit vient à la suite de l’article intitulé ÉCRIRE paru dans le JdC le 28 décembre dernier, en réponse aux commentaires que cette publication avait suscités. Si vous n’avez pas lu cet article et ses commentaires, il est possible que vous ne compreniez pas grand-chose à ce qui suit. Mais j’ai l’habitude.

C’est quand on essaie de tenir des propos nuancés ou équilibrés, surtout s’ils sont tenus à travers des textes de plus de trois phrases et de deux idées, que l’on s’aperçoit qu’il est parfois difficile de se faire comprendre.
Sur la chasse, par exemple, que, dans un commentaire, j’ai utilisée comme métaphore de la photographie, on essaie de me faire dire (ou on fait semblant de comprendre) qu’elle serait nuisible à la vision de la nature.

Me faire dire ça à moi !

Moi qui ai chassé très régulièrement depuis l’âge de 7 ans jusqu’à celui de 50, avec un bâton d’abord et un fusil ensuite, moi qui ai écrit ce texte sublime et qui ne cache pas son jeu, intitulé « J’aime la chasse », moi qui, pendant quarante-trois ans consécutifs, n’ai fréquenté la nature sauvage que pour cette raison, moi qui, plus tard, ne l’ai observée, d’abord sans fusil, puis sans chien, qu’à travers les souvenirs que j’avais de la chasse ; moi qui m’agace quand un compagnon de marche en forêt persiste à maintenir une conversation sonore, qui frémis au frou-frou des ailes des perdreaux qui s’envolent, qui lève le sourcil au gloussement stupide du faisan qui se lève et qui tend l’oreille au moindre aboiement lointain pour décider si c’est un chevreuil qui communique ou un chien qui court, me faire dire que la chasse nuit à l’observation de la nature !

Mais je confirme : la nature, aujourd’hui, je ne la vois pas de la même manière que si je chassais encore ou que si je n’avais jamais chassé.

Sur la photo, maintenant : dans un commentaire peut-être un tantinet trop équilibré et certainement trop long, j’avais pris soin de distinguer deux types d’action de photographier.

Premier type : la photo touristico-familiale qui, je le maintiens, empêche de vivre et de ressentir complètement les émotions de la vraie vie. Il suffit pour s’en convaincre de voir la gueule que font les photographes professionnels dans les mariages et autres festivités spontanées.

Second type : la photo pour la photo, l’action qui consiste à rechercher le sujet, l’angle, le cadrage, le point de vue, l’action, l’incident, l’attitude, la coïncidence et autres phénomènes éphémères, toutes choses qui feront qu’une photo sera subjectivement bonne, quelconque ou ratée. C’est ce type d’action que, d’une part, j’avais pris comme métaphore de l’écriture et que, d’autre part, j’avais comparé à la chasse.

Note de milieu de page(1) : Vous voudrez bien noter ici l’habile utilisation de ce qu’en mathématiques on appelle une fonction de fonction et en billard, un coup à trois bandes : la chasse, métaphore de la photographie, elle-même métaphore de l’écriture, c.a.d. :
Chasse = métaphore(métaphore(écriture))
qu’on peut tout aussi bien écrire :
Chasse = métaphore(métaphore(photographie))

Le photographe du deuxième type est à la recherche plus ou moins constante de son sujet et dire qu’il s’impose à lui, c’est aussi faux que dire que le lapin s’impose au chasseur. Non, c’est le chasseur qui s’est mis en situation de faire apparaitre le lapin. Il a mis ses bottes de chez Gamm’vert, sa belle veste de chez Gastine-Renette et son gilet jaune de chez Auto-Plus, il a pris son Opel Vectra et son fusil, et où s’est-il rendu, le chasseur ? Pas sur la plage de Deauville ou dans la banlieue d’Argenteuil ! Non, il s’est rendu en forêt giboyeuse de Sully-sur-Loire, ou dans les plaines verdoyantes du Vexin.

Je connais un retraité encore en état de marche qui, à l’instar de ce Nemrod, prend l’affut dans les musées pour saisir dans sa petite boite noire certaines coïncidences ou oppositions entre les œuvres accrochées et les visiteurs, surtout les visiteuses. Qu’on ne vienne pas me dire qu’il n’a pas tout fait comme le chasseur. Qu’il ne me dise pas non plus qu’au cours de ses chasses, il visite le musée comme le fait pékin moyen. Le pékin moyen ne rôde pas, lui. Il ne guette pas, il ne patiente pas des heures, il ne saute pas sur sa proie en réprimant un soupir d’aise. Le photographe, oui. En d’autres termes, il n’est pas là pour rigoler mais pour emplir une mission et quoiqu’il en coûte, satisfaire sa passion. Sa vision des œuvres et de leur environnement n’est plus la même.

Alors, à nouveau, je conclus : Eh ben, pour l’écriture, c’est pareil.

Et que les photographes et écrivains, dont on sait qu’avec les cuisiniers, ils sont les artistes les plus susceptibles, n’en prenne pas la mouche. Voir la vie autrement, vivre une autre vie que la sienne, c’est aussi une vie. Car, selon Saint Mathieu, ‘’Y’a pas à tortiller, c’est une passion !’’

Note 1 : quand on veut qu’une note de bas de page soit lue, il vaut mieux la mettre en milieu de page.

10 réflexions sur « Rendez-vous à cinq heures : ‘’De la difficulté à se faire comprendre’’ »

  1. @Claude : on voit bien que tu n’as jamais été attaquée par une horde de lapins sanguinaires.

  2. Une très heureuse année au lecteurs, et la découverte d’une chasse rendant la dignité au gibier de 2023.

  3. De même qu’en littérature il y a plusieurs genres, roman, poésie, journal, policiers, récits, biographies, etc, en photo il a aussi plusieurs genres comme la photo dans les musées ou bien la photo dans les musées.

  4. Non, je ne suis pas d’accord. Le plus souvent, c’est le lapin qui s’impose au photographe comme le prouve cette photo.

  5. J’ai effectivement le sentiment que nous disons exactement la même chose et que le problème n’est pas la difficulté à se faire comprendre mais la difficulté à comprendre l’autre.

  6. Y aurait-il donc une censure sur le blog de Cyrano ?

  7. Mise au point technique : il est malheureusement impossible de publier des photos dans les commentaires, par contre cela est évidement toujours possible dans la page de 16h47 qui, comme cela est précisé à chaque parution, demeure ouverte.
    À condition que ça vaille le coup, bien sûr…

  8. Règlement de compte à oK Corral….
    Allez les garçons, un peu de patience,
    Macron va parler…tout va aller mieux…
    Le plus drôle est que dressé sur vos ergots , vous défendez la même cause ….

  9. Etant l’offensé (et gravement), il me revient le choix des armes. Ce sera donc la photo mais malheureusement le règlement inique de ce blog m’empêche de laver mon honneur.

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