Pierre qui roule – Critique aisée n°259

temps de lecture : 4 minutes 

Critique aisée n°259

 Pierre qui roule
Donald Westlake -1970
Rivages/noir – 301 pages – 9,15€

Il n’y a pas si longtemps, pendant quelques jours, je me suis intéressé à la dernière livraison de Despentes, Cher connard. (1)

(1) note de milieu de page : Il parait que, dans le monde de l’édition, quand un nouveau livre sort, on parle de livraison ; à mon grand regret, je ne fais pas partie de ce monde, alors je ne suis pas certain de ce que je viens de dire ; pourtant, il me semble avoir entendu cette expression dans la bouche de Pivot ; ça fait loin maintenant, alors l’expression est probablement tombée en désuétude. Mais je ne déteste pas la désuétude, alors allons-y pour la dernière livraison de Despentes !

Cher connard – Critique aisée n°244

Mais, bien vite, j’éprouvai quelque agacement, beaucoup devant le fond et un peu devant la forme de ce Cher connard. Ce sentiment ne tarda pas à être suivi d’un ennui certain et d’une flemme colossale. Je posai donc le livre à l’envers, ouvert aux pages 121/122 et partis derechef ( derechef : voir le récent épisode relatif à l’achat de « Fantasia chez les ploucs » ) chez mon deuxième libraire favori, boulevard Saint-Michel, pour tenter d’y satisfaire une soudaine envie de quelque chose d’autre, quelque chose de plaisant, de confortable, de pas méchant.

C’est sans doute mon subconscient qui m’a amené directement au troisième étage, secteur des romans policiers, rayon littérature américaine, étagère des W, W comme Westlake, Westlake comme Donald Westlake.

Donald Westlake (1933-2008), écrivain et scénariste américain…

Si, dans les années 60 à 80, vous avez lu plus de quatre volumes de cette collection légendaire qui fut dirigée de 1945 à 1973 par Marcel Duhamel, vous êtes certainement tombé au moins une fois sur un bouquin de Donald Westlake. En effet, sous une vingtaine de pseudonymes différents, il a écrit plus d’une centaine de romans. Un bon tiers d’entre eux font intervenir l’un ou l’autre de ses deux héros récurrents, Dortmunder ou Parker, Dortmunder, cambrioleur génial mais malchanceux — celui que je préfère — et Parker, son jumeau efficace (sous le pseudonyme de Richard Stark).

Eh bien moi, ce jour-là, je suis tombé sur « Pierre qui roule » (The hot rock), que j’avais probablement déjà lu il y a une cinquantaine d’années, mais qu’importe : trois cents pages pour 9,15€, même si on l’a déjà lu, ça reste une affaire. (2)

(2) note de milieu de page : Bon, d’accord, pour ce prix-là, vous n’avez plus la fameuse couverture noire bordée de jaune, celle qui donnerait à votre achat une valeur certaine sur le marché que fréquentent les collectionneurs, mais à la place, vous avez une photo de Robert Redford  dans « Les quatre malfrats », film que Peter Yates a tiré du roman de Westlake.

J’ai donc aussitôt fait l’acquisition de Pierre qui roule, dont la quatrième de couv. (couv. : voir la première note de milieu de page sur le monde de l’édition). Mais, pour donner de moi une bonne image à la caissière de chez Gibert, j’ai également fait l’emplette pour 3 euros d’un Houellebecq, Lanzarote, un tout petit Librio. Un Houellebecq que je ne connaissais pas, 3 Euros, même pour une soixantaine de pages seulement, ça restait une affaire.
L’affaire est devenue moins bonne quand je me suis aperçu que ce Lanzarote était fait de fragments de Plateforme et de La possibilité d’une île, romans que Houellebecq n’écrira que quelques années plus tard. Mais ouatte ! Le style et l’humour y étaient déjà. Je n’étais pas vraiment volé.

Bon, et cette Pierre qui roule, maintenant ?

Écoutez… je ne vais pas vous raconter l’histoire. D’abord, vous le savez, je ne le fais jamais dans une critique aisée. Ensuite, ce serait particulièrement difficile dans le cas de cette histoire compliquée de cambriolage gigogne. Je ne vous en dis pas plus.

Pour ce qui est des personnages, eh bien, sachez qu’il y a John Dortmunder, le génial cambrioleur, reconnu par ses pairs, incontesté par son équipe, et malchanceux comme ce n’est pas permis.
Il y a aussi Andy Kelp, son ami et indicateur de coups fumants, pas trop malin mais fidèle.
Ensuite, il y a Stan Murch, le chauffeur qui ne pense qu’en termes d’itinéraires permettant d’éviter les embouteillages de Manhattan.
Après, il y a Alan Greenwwod, l’homme à femmes, et enfin, Roger Chefnick, le passionné de trains miniatures.

Ça, c’était la bande.

Mais il y a aussi Rollo, le barman du O.J. Bar and Grill sur Amsterdam Avenue, le major Iko, diplomate de l’ambassade du Talabwo auprès des Nations Unies, et Maitre Prosker, avocat recommandable et quelques autres spécimens de moindre importance qui tous vont se démener pour s’approprier une pierre fabuleuse, l’Émeraude du Balabomo, exposée pour quelques jours en tant que pièce maitresse de l’exposition Art et culture d’Afrique au New York Coliseum.

Quand on vient de quitter la prétention du Cher connard pour entrer dans cette Pierre qui roule qui, elle, n’en a aucune, c’est un grand plaisir, une vraie détente.

Oui, c’est vrai, Houellebecq, ça détend aussi, mais pas de la même manière.

 

3 réflexions sur « Pierre qui roule – Critique aisée n°259 »

  1. Pourquoi Despentes comme repoussoir ?

    — Parce que, quand j’ai écrit la critique de Pierre qui roule, je sortais juste du « Cher Connard » par la porte dérobée de la plage 121.
    — Parce que je n’ai rien lu d’autre d’elle, et que ma critique du Connard se limite strictement à ce roman.
    — Parce que j’ai pas mal de réserves sur le style du Connard, inadapté selon moi à un échange d’emails, inadapté à la différence qui devrait exister entre les trois personnages, indécis entre le style soutenu et le langage branché-parlé.
    — Parce que ce roman exsude un très agaçant sentiment de supériorité non seulement du personnage principal mais aussi de son auteur.
    — Parce que, physiquement, je ne supporte pas Béatrice Dalle et que, sans savoir vraiment pourquoi, je l’assimile à V.Despentes.
    — Parce que, quand j’ai commencé à lire le Connard, j’avais vécu peu de temps avant la pénible expérience de La plus secrète mémoire des hommes, et que le Connard a fait déborder le vase.
    — Parce que lire Donald Westlake ou Charles Williams, c’est un plaisir facile et qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien.

  2. Virginie Despente, c’est pour moi la Blanche Gardin du roman : sa série Vernon Subutex, restera le témoignage d’un féminisme viril si je peux oser l’oxymore: magistrale avant l’avènement du wokisme chouineur et débile.
    Certes , vinrent les honneurs , juré du prix Goncourt, – elle a démissionné depuis, certes son «  Cher Connard » est un peu moins percutant , mais reste l’humour , le style ,
    le talent d’écriture.
    Pourquoi la prend tu comme repoussoir ce matin ? Mystere….
    Surtout pour l’opposer aux romans très mal traduits à l’époque de la série noire….fussent ils culte…

  3. Fantasia chez les Ploucs, en français, ou bien The Diamond Bikini en anglais américain, quel délice! Mais j’ai perdu mon exemplaire original qui datait des années fin 50, quelle tristesse!
    Hurrah! Je crois avoir vaincu Chaptca.

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