Rendez-vous à cinq heures : le souvenir de Lorenzo

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M, la particule infiniment petite du souvenir
par Lorenzo

Les interprétations irréfutables des souvenirs et des rêves avec les outils périmés de la psychanalyse n’ont jamais reçu la moindre ébauche de preuve. Au contraire, dès les années 30, le philosophe Karl Popper avait fait l’expérience implacable suivante : il avait demandé à dix psychanalystes d’interpréter le même  rêve et il reçut dix interprétations différentes. La psychanalyse aurait du s’arrêter là. Mais non, certains continuent à exploiter une discipline née en 1850 comme si aujourd’hui on décidait de vivre sans électricité.

Ce qui ressemble le plus à un rêve, c’est un souvenir lointain. Ce qui les différencie, c’est que le souvenir est volontaire pendant l’éveil alors que le rêve est involontaire pendant le sommeil. Autre différence, le souvenir est cohérent même s’il est inexact alors que le rêve est toujours incohérent et inexact. Le souvenir persiste toute la vie, le rêve disparaît en quelques minutes. On se souvient plus souvent des choses agréables alors que le rêve est souvent désagréable.

Le rêve, comme le souvenir, ne peut être constitué que d’événements mémorisés.  Il n’invente rien et n’est pas une création nocturne de notre intelligence, sinon cela se saurait. Einstein ne s’est pas réveillé un matin en disant : dans mon rêve était exposée la théorie de la relativité, pas plus que Schrödinger ne s’est réveillé avec sa fameuse équation tombée du ciel.

Le souvenir se modifie avec le temps. J-F Kahn l’a très bien montré au début de sa biographie. Personnellement, j’ai toujours cru que nous écoutions sur un magnétophone à cassettes la chanson San Francisco Nights des Animals dans notre chambre d’hôtel à Zermatt avec Jean-Pierre et Christine en 1960. Or, j’ai découvert récemment que cette chanson n’est parue qu’en 1966. Mon souvenir était donc en partie erroné : soit il s’agissait d’une autre chanson, soit ce n’était pas en 1960. Le rêve, lui, est une modification immédiate du souvenir. Quand vous dormez, votre rêve est différent de ce que vous avez vécu dans la journée.

Le souvenir est une particule appelée M. Elle est constituée des informations collectées par nos perceptions puis transportée via les neurones jusqu’à l’hippocampe  puis dans le cortex cérébral où elle est stockée. Nos souvenirs sont véhiculés un par un et non « en bloc ». Le souvenir de votre repas d’anniverrsaire est la somme des souvenirs de l’entrée M1, du plat M2 et du dessert M3. Ils sont indépendants parce que le fait de se souvenir de l’entrée ne vous donne pas la suite, ni le plat ni le dessert. Ces particules indépendantes peuvent :

  • soit s’éloigner les unes des autres puis être stockées séparément ou se volatiliser : dans les deux cas, le souvenir ne peut pas être reconstitué et, en effet, on ne se souvient pas de ce qu’on a mangé le samedi 20 novembre. C’est parce que le cerveau a un service de nettoyage qui élimine les souvenirs répétitifs comme les repas, les trajets quotidiens, etc. Il est en effet impossible de se souvenir de chacun.
  • soit restées soudées ensemble et être stockées en bloc : on se souvient du menu complet du mariage de sa fille parce que c’est un événement marquant, parce que c’est votre fille et parce que vous l’avez payé ! Pour cette raison, il va être stocké volontairement en bloc dans un endroit particulier du cortex et vous vous en souviendrez toujours.

Imaginons que cette particule M infiniment petite du souvenir soit composée de molécules faites d’atomes avec un noyau et des électrons qui gravitent autour. Chaque molécule est un fragment du souvenir complet et représente soit le lieu, soit la date, soit l’histoire, soit les gens en présence, soit la chronologie, soit la cohérence de l’ensemble, etc. Avec le temps, les interactions des forces physico-chimiques dans les lieux de stockage font que, de façon probabiliste, un ou des électrons sont éjectés et que d’autres électrons venant d’une autre particule sont captés. La nouvelle particule du souvenir est donc M’, formée de molécules ayant des atomes de départ intacts et d’autres atomes modifiés.

Quand on fait appel au souvenir, la particule concernée sort de sa cachette et revient au niveau de conscience. Mais ce n’est plus toujours exactement le souvenir de départ M, c’est un souvenir modifié M’ avec tout de même une cohérence qui rend ce souvenir crédible même s’il est en partie inexact. Dans le rêve, la particule a subi trop de modifications physico-chimiques ; elle ne ressemble plus à la réalité vécue et, surtout, elle a perdu sa cohérence. Ces souvenirs trop incohérents qui forment la nouvelle particule M’’ sembleraient ne pas pouvoir redevenir conscients comme si le cerveau possédait un garde-fou et les maintenait enfermés quelque part. Le cerveau est cependant bien décidé à éliminer cette particule M’’ inutilisable parce qu’elle occupe inutilement de la place. C’est pendant le sommeil profond que s’opère le processus de liquidation car pour être éliminée elle doit repasser par la case départ, par là où elle est entrée, c’est-à-dire par la conscience. Or, pendant le sommeil, c’est possible car les pare-feu sont eux aussi en sommeil. La particule M’’, transformée en un mélange de souvenirs sans rapports entre eux ni organisation rationnelle, devient consciente par l’intermédiaire du rêve. C’est d’ailleurs pour cela que nous trouvons les rêves absurdes. Mais le cerveau est très efficace et, comme on l’a tous constaté, le souvenir du rêve nocturne s’évanouit au bout de quelques minutes et sa disparition est complète et définitive. Il est sorti de votre cerveau et vous ne pourrez jamais le retrouver (à moins de l’avoir consigné immédiatement par écrit).

Autrement dit, le rêve serait la manière dont le cerveau élimine les particules de souvenirs trop détériorées par les interactions physico-chimiques aléatoires.

Cela ne m’explique toujours pas pourquoi dans les rêves nous n’avons pas d’âge ni pourquoi on ne se voit jamais soi-même pour s’en faire une idée.

Lorenzo dell’Acqua

 

3 réflexions sur « Rendez-vous à cinq heures : le souvenir de Lorenzo »

  1. Il y a effectivement une molécule de l’oublie, du moins on en a découvert, je dis souvent que c’est parce qu’on oublie que l’on se rappelle. Et effectivement la mémoire performe mieux accompagner d’émotion intéressante. Le répugnant se lasse rapidement et louvoie à travers l’existance.

    L’odorat a un effet stimulant sur le rappel de la mémoire. Les faux souvenir sont comme des lapsus, il y a dans le processus de rappel des inductions que nous rationnalisons et nous constituons ainsi de faux souvenir que nous endosons parce qu’il semble cohérent jusqu’à ce que nous réalisions qu’en réalité il n’en était pas du tout ainsi parce qu’il ne coïncide pas avec certain fait.

    Pourtant le esprit ne fonctionne pas avec un programme que l’on nomerait l’âme et un coordonnateur de séquence que l’on nommerait cerveau. C’est qu’il peut devenir source de conflit en nous rappelant des mémoires que nous ne voulons pas nous rappeler. Ce sont là des traces de souvenirs isolés issus de traumatisme qui sont intégralement dans notre mémoire et qui manifeste selon l’environnement par des évènement déclencheur les troubles incohérents du comportement. Ce n’est pas le cerveau qui en est la cause comme illustré de façon mécanique au niveau atomique et la conséquence de sa détérioration, bien que sa détérioration en réduit sa capacité comme par exemple l’alziemer, en stimulant son cerveau malade par des souvenirs anciens il peut se réanimer et s’entretenir une certaine vitalité.

    La plasticité du cerveau permet de ratrapper ces souvenirs isolés et rendre une mobilisation de ses capacités plus effective sur le présent. Et ici ce n’est qu’un départ.

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