Play Time – Critique aisée n°216

Critique aisée n°216

 Play Time
Jacques Tati – 1967

Ce fut un échec sanglant, dramatique pour Jacques Tati, d’autant plus dramatique que, jusqu’à Play Time, il avait à chaque fois rencontré le succès, succès inattendu avec Jour de Fête,  confirmé avec Les Vacances de Monsieur Hulot, plus ambitieux avec Mon Oncle, pour lequel il avait même obtenu l’Oscar du meilleur film étranger…

Play Time, que je viens de revoir sur Netflix (on ne le dit pas assez, sur Netflix, il n’y a pas que The walking dead et la Casa de Papel, sacré bon sang !), est le film le plus ambitieux de Tati. Des millions et des millions de francs, des budgets et des délais dépassés, une faillite financière finale retentissante !

Mais, passés quelques défauts de longueur ou de trop grande complexité de deux ou trois scènes, c’est un chef d’œuvre. Un chef d’œuvre de drôlerie, un comique entièrement visuel fait d’humour, de satire, d’ironie, de tendresse. Un chef d’œuvre de mise en scène, avec ses longues séquences en plan fixe, ses images immenses emplies de multiples personnages vivant leurs vies simples, pleines de manies, d’embûches, de petits malheurs. Un chef d’œuvre d’invention, dans les gags, dans les décors, dans les rapprochements. Enfin, un chef d’œuvre esthétique, avec ces images gris bleu et cette architecture froide, rigoureuse et coupante comme un cutter, qui rappellent ou qui ont inspiré le monde de Jean-Pierre Melville. Mais au lieu d’être peuplé de personnages tout aussi froids que ses lignes droites et ses couleurs, le monde de Tati est empli de personnages ordinaires, inadaptés, timides, mal à l’aise, bousculés par les premiers assauts de la modernité.

Si l’on est suffisamment prévenu, rechercher dans les différents plans d’une image les trois ou quatre personnages qui vivent chacun de leur côté une aventure minuscule et drôle est un plaisir de fin gourmet.

Bien que moins achevée, on dit que la longue scène finale du restaurant en délire a directement inspiré le film de Peter Sellers « The Party », autre chef d’œuvre que je vous recommande très chaudement bien que, pour l’instant, il ne soit pas sur Netflix.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’assurance de mes sentiments distingués.

Bientôt publié

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3 réflexions sur « Play Time – Critique aisée n°216 »

  1. Tati fait-il des films d’humour ?
    Si l’on s’attache à la définition du dictionnaire Larousse : « Forme d’esprit qui s’attache à souligner le caractère comique, ridicule, absurde ou insolite de certains aspects de la réalité », alors oui, les films de Tati sont des films d’humour, puisque l’essentiel sinon la totalité du comique de ses films provient d’une observation puis d’une exposition à peine forcée des aspects « comiques, ridicules, absurdes, insolites » de la réalité ». Ce sont ces aspects que j’ai tenté de souligner dans ma critique, en y ajoutant, ce qui est rare dans les films comiques, la recherche esthétique présente dans les films postérieurs aux « Vacances de M.Hulot ». En échange, Tati n’incorpore aucun dialogue intelligible tout en accordant aux borborygmes par lesquels les personnages s’expriment et aux sons que produisent les objets une importance aussi grande que celle de la gestuelle des humains. On n’imagine pas un film de Tati dialogué par Audiard, pas davantage qu’on ne l’imaginerait totalement muet.
    Le comique de Tati est semblable à ceux de Buster Keaton et de Charlie Chaplin. Il est aussi précis dans la mécanique des scènes et il est aussi constant dans l’imperturbabilité du personnage principal. J’y ajouterai une certaine tendresse du regard que, chez Keaton et chez Chaplin, on ne trouve pratiquement qu’à l’égard d’eux-mêmes, et que l’on ne prenne pas cette remarque pour une réserve sur la qualité du comique de ces deux grands Américains (oui, oui, je sais que l’un des deux est en fait britannique) La tendresse du regard de Tati s’exerce non seulement sur son personnage, mais aussi sur presque tous les autres, sur les enfants, les chiens, les garçons de restaurant, les touristes, les snobs, et les militaires en retraite. Elle s’exerce aussi sur les décors désuets de guingois en contraste avec les décors modernes, acérés et impitoyables.
    Tout ceci donne un comique particulier, dans la mesure où il est tendre et délicat, comique pratiquement abandonné depuis que Pierre Étaix et Pierre Richard ne font plus de films.

    – Mais Docteur, quelles peuvent être les raisons qui puisse faire qu’on aime pas les films de Tati ?
    – Eh bien, mon cher confrère, ces raisons peuvent être diverses, mais je ne pourrai me prononcer sans avoir fait procéder à quelques examens dont certains peuvent être douloureux.

  2. Comme les lecteurs ont pu le constater (?), j’adore l’humour, y compris sophistiqué. Et pourtant, les films de Tati m’ennuient ; ils ne m’ont jamais fait sourire et encore moins rire. Quelle en est la raison, docteur ?

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