Retour de Campagne (32) La huitième fonction du langage

En prolongation de la discussion récente sur Roland Barthes, Lorenzo dell’Acqua nous prie d’insérer ce qui suit :

La huitième fonction du langage

Première partie

La prochaine épreuve du Trophée des Septuagénaires ne sera pas sportive mais intellectuelle même si certains ont objecté qu’à l’impossible nul n’est tenu. Elle se déroulera dans l’Amphithéâtre d’Anatomie du Palais de l’Archiginassio à Bologne qui accueillit par le passé de célèbres joutes oratoires. Le thème sera la Sémiologie chère à Roland Barthes, dernière Science, mais non la moindre, entrée au Collège de France.

Une révision préalable nous ayant semblé indispensable, les concurrents sont priés de consulter le petit opuscule de Patrick Rambaud, Le Roland Barthes sans peine. Nous leur conseillons également de lire ou de relire l’ouvrage de référence de R. B. : Le degré 0 de l’écriture avant que l’encre ne gèle dans l’encrier. C’est un émouvant recueil de ses souvenirs d’enfance chez ses grands parents maternels sur les hauts plateaux enneigés du Gers.

         Les sujets des épreuves ont été choisis par d’éminents intellectuels germanopratins et approuvés par un disciple octogénaire survivant du Maître. En appliquant la méthode analogique chère à N.S.R.B. (Notre Seigneur Roland Barthes, pour les athées), les concurrents devront trouver les homologies/femmes-au-foyer qui permettront de déceler dans un mot, une phrase anodine ou un proverbe connu, le signifiant caché dont l’auteur lui-même n’avait pas la moindre idée.

         Que cette célèbre pensée de R . B. vous accompagne et vous guide dans vos réponses au questionnaire :

« Le texte est lui aussi cet arbre dont nous devons la nomination provisoire à la grossièreté de nos organes »
R. B.

 

 Exemple simplissime et didactique pour aider les concurrents

Tout le monde connait le célèbre poème « La Belle de Cadix a les yeux de velours » mis en musique par Luis Mariano. A l’origine, il avait été écrit par le chef du rayon Vins et Spiritueux au Super U de Champ de Faye heureux de l’arrivée d’un caddy neuf qui roulait à la perfection. C’est en écoutant cette chanson au music hall de Bayonne que R. B. fit ses premières découvertes sémiologiques. Il en donna le sens véritable ignoré de son auteur.

Il fallait donc entendre, non pas :

« La Belle de Cadix a les yeux de velours »,

mais

« La bielle du caddy a l’essieu de velours ».

Magistral, n’est-ce pas ?

Il existe à ce sujet une anecdote qui n’amusa pas du tout R. B. : certains de ses petits bateaux qui préféraient la moto (Barthès appelaient ainsi ses élèves à cause de l’analogie disciples/dix slips) modifièrent la parole du Maître à l’approche des fêtes de fin d’année :

« La Belle Ducati a les yeux de vœux lourds »

Précisions biographiques utiles avant l’épreuve

Dénonçons d’emblée une erreur fréquemment commise par nos intellectuels les plus brillants qui prononcent Barthèsse au lieu de Barte. Il s’agit d’un profond manque de respect même si un joueur de tennis/pénis des années 69/96 représentant la France en Coupe Davis/Duvice se nommait Pierre Barthès, patronyme qui se prononçait Barthèsse. Ce sportif/jouissif mythologique (comme le qualifia lui-même R. B.) n’excuse en rien cette faute/ô porno de prononciation

Lors d’une brève séance de six minutes, son ami Lacan lui révéla l’origine de ses préférences relationnelles. Elle résidait tout simplement dans l’analogie du mot analogie.

 

Deuxième partie

Entrons maintenant dans le vif du sujet, à savoir les épreuves proprement dites de cette dernière manche du Trophée des Septuagénaires.

Liste des propositions à restructurationner 

(avec les réponses)

1 Un seul être vous manque et tout est dépeuplé : Un seul hêtre vous manque et tout est des peupliers. Féru de culture et d’agriculture, R. B. prouve dans cette transposition bucolique qu’il aimait jardiner à ses moments perdus.

2 Heureux qui comme Ulysse fit un beau voyage. En réalité, le signifiant est : Eux, requis communistes, firent un beau voyage (quand même !). R. B. affiche ici clairement ses sympathies de gauche.

3 Jamais deux sans trois. On sait que R. B., bien que d’une intelligence supérieure, n’appréciait guère les mathématiques. Il démontra avec élégance la vacuité de cette science prétentieuse en dévoilant le sens caché de ce proverbe arithmétique surfait qu’il transforma en Jamais d’œufs sans toi. Il en replace ainsi magistralement la signification dans des préoccupations affectives et alimentaires quotidiennes d’une pertinence universelle.

4 La faim des haricots justifie les moyens-petits pois. On demeure abasourdis devant cette géniale intuition agronomique aussi fine qu’une épicerie.

5 La critique est aisée mais l’art est difficile, est sublimé par notre héros en : La cricri-tique (NDLR : la cricri-tique est un insecte issu du croisement entre deux  criquets et une tique) et tsé-tsé (NDLR : la mouche tsé-tsé) mêlent art et dix ficelles, ce qui signifie que les insectes ne font jamais d’honnêtes artistes.

6 Faute avouée à demi pardonnée devenue par la grâce de notre célèbre R. B. Faut t’avouer à deux mies parts données. Cet hommage à un jeune délinquant qu’il affectionnait est très émouvant.

7 Qui vole un œuf, vole un bœuf : R. B. n’était pas en bon terme avec le frère de sa récente épouse. Cette situation familiale conflictuelle pourrait être à l’origine de la déstructuration du proverbe en : Qui vole un neuf, vole un beauf

8 Souviens-toi du vase de Soissons devient par la magie de R. B. : Sous vingt tas de vase, deux saucissons. On notera au passage son penchant pour les nourritures populaires et la marée basse.

9 La garde meurt mais ne se rend pas, prend sa signification native par la magie de son déménagement de Bayonne à Paris : La garde-meubles mène ce grand pas.

10 L’argent ne fait pas le bonheur doit être compris ainsi : L’art, gens, ne se fait pas de bonne heure, comme le lui répétait souvent son ami Picasso qui faisait la grasse matinée tous les jours.

11 L’oisiveté est la mère de tous les vices veut dire en réalité : L’oie zivetée,  hélas Maire de Toul et Nice. (NDLR : en basque, zivetée signifie couverte d’un duvet soyeux rouge). R. B. était un spécialiste de cet animal en voie de disparition dont il existe encore une femelle particulièrement agressive  à Paris.

12 C’est la goutte d’eau de vie qui fait déborder le vase. Il s’agit d’une métaphore hydrophobe fort appréciée de Lorenzo, comme la suivante :

13 Le chien aboie et la caravane passe devenu par la magie de R. B. : Le chien boit et le car à vin passe (NDLR : vin se dit vane en basque, langue morte que parlait couramment R. B.)

14 Tous les chemins mènent à Rome, dont le signifiant, selon notre Maître amateur de punch et de p’tit blanc sec, s’énonce avec sobriété : Tous les chenins mènent au rhum

15 La transposition de Impossible n’est pas français en : Impôt-cible n’est pas franc, c’est … pourrait être l’ébauche d’une pensée compatissante pour les victimes du fisc. Hélas, on ne connaîtra jamais la fin de sa dernière proposition car, en sortant acheter du lait ce matin-là, Roland Barthes fut renversé par une Fiat 500 A-Barthes, la petite voiture mythique du constructeur automobile italien.

 

 

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