L’Univers, ses lois, ses principes et autres âneries (6) – Les trous noirs

Je reprends aujourd’hui ma célèbre série de vulgarisation scientifique, interrompue depuis trois ans, avec un exposé un peu technique sur l’invention des trous noirs. Ce texte  a été très vaguement inspiré par l’opuscule « Brèves réponses aux grandes questions » que mon regretté confrère, Stephen Hawking, a publié en 2018, l’année même de sa disparition. 

On sait que si on crache en l’air, ça vous retombe sur la tête. Il en est de même quand on tire un boulet de canon à la verticale : il retombe aussi, mais c’est plus dangereux. C’est pour cela que l’usage en est tombé en désuétude.

Pendant des années, peut-être même des siècles, les gens se sont dit : « Bon, c’est comme ça et, de toute façon, qu’est-ce qu’on y peut ?  » Et puis un jour, on a voté la loi de la gravité et c’est tout de suite allé mieux. Les crachats et les boulets continuaient à retomber mais, au moins, on savait pourquoi.

Et puis un jour, on a voulu envoyer en l’air des fusées qui ne retombent pas. Pour cela, on les a faites pointues et on a mis beaucoup d’essence dedans. Mais ça n’a pas marché et les fusées se sont mises à retomber par terre comme de vulgaires obus. Elles retombaient, elles retombaient, elles retombaient tellement que ça finissait par devenir contrariant. Et pas mal cher, aussi.

Alors quelqu’un a eu l’idée d’augmenter la vitesse des fusées. C’était devenu possible avec les nouveaux moteurs à arbre à cames en tête à condition d’utiliser du Super à 98 d’indice d’Octave.

On s’est aperçu rapidement, à peine une vingtaine d’années, qu’avec une vitesse de 7 km par seconde, la fusée retombait comme c’était l’usage, qu’avec 8 km par seconde la fusée se mettait à tourner autour de la Terre, et qu’avec 9 km par seconde, on la perdait très vite de vue parce qu’elle s’en allait dans l’espace à tout jamais. C’était ennuyeux mais, après tout, pas pire que si elle s’était cassé la figure comme avant. Et puis, une de perdue, dix de retrouvées, pas vrai ?

A partir de là, et forts de toutes ces expériences, des types plutôt calés en mathématiques comme Newton, Michell, Wheeler, Einstein, Chandrasekhar, Oppenheimer, Penrose et Hawking se sont mis à travailler sérieusement le sujet et, entre autres, ils ont trouvé que si le crachat, le boulet et les fusées d’autrefois retombaient par terre, c’était qu’ils n’allaient pas assez vite, qu’ils n’atteignaient pas cette vitesse de 9 km par seconde, qu’après un congrès houleux ils décidèrent d’appeler vitesse de libération¹ à la grande déception de Michell qui avait proposé qu’on l’appelle vitesse de Michell.

Mais ça ne leur a pas suffi, à ces bougres. Il a fallu qu’ils trouvent que cette vitesse était liée à la masse de la Terre. De là à appliquer leurs calculs à l’astre solaire, il n’y avait qu’un pas qu’ils ont franchi plus vite qu’à la vitesse de libération. Et ils ont décidé que la vitesse de libération pour le Soleil serait de 617 Km par seconde. Pourquoi 617 et pas 620 ou même 92 ? On n’en sait rien. « Et de toute façon, dit Michell, on s’en fiche car qui aurait l’idée d’aller cracher en l’air depuis la surface du Soleil, hein ? »

On a eu beau leur dire que ça allait bien comme ça, que maintenant qu’on savait comment envoyer des trucs dans l’espace « on pouvait peut-être passer à autre chose, non ? »,  eh bien ils ont continué à chercher. C’est le problème avec ce genre de types : vous les écoutez une fois, vous les félicitez, vous leur donnez un peu d’argent, et après vous avoir fichu la paix pendant deux ou trois ans, ils reviennent avec une nouvelle lubie.

Ils se sont donc mis à réfléchir à la lumière et se sont dit que, la lumière, c’est pas plus malin qu’un boulet de canon et que si ça n’atteint pas la vitesse de libération, ça n’a aucune chance non plus de partir dans l’espace.

Alors, tout de suite, un de leurs collègues chronométreur leur a donné la vitesse de la lumière : 300.000 km par seconde. Mazette ! Avec ça, on est tranquille, vous direz-vous. Avec 300.000km par seconde, ça passe ; et large  même ! Et ça passe aussi bien pour la Terre que pour le Soleil.

« Bon, d’accord , qu’ils ont dit, un peu déçus. Ça passe, et large même. »

Mais il y en a un qui a joué au plus malin et, dans ce milieu, c’est pas facile. Pourtant, c’est courant. Donc il y en a un, c’est Michell je crois, qui a dit : « Mais s’il existe une grosse étoile, mais alors vraiment grosse, une étoile mahousse-costaud, sa vitesse de libération pourra être plus grande que celle de la lumière et alors là,  pas une goutte de lumière ne sortira jamais de cette étoile, ce sera le black-août, comme on dit au Sénégal en été. Cette étoile, elle sera donc… ? Elle sera donc… ? Invisible, bravo mademoiselle ! Invisible ! Cette étoile sera invisible. Et moi, Michell, je lui donne le nom d’ « étoile noire« . Pas mal comme nom, non ? Ça ronfle bien, vous ne trouvez pas ? » « Mouais, ont dit les autres, en tout cas mieux que étoile de Michell ! »

Ça ronflait bien et Einstein était fou de joie. Mais c’est alors qu’Oppenheimer a tenté le célèbre coup de l’effondrement. Attention, c’est coton. Il va falloir vous accrocher, prendre des notes éventuellement. Donc Oppenheimer : « Pour une étoile mahousse-costaud telle que définie par mon camarade Michell, comme pour toutes les autres étoiles d’ailleurs, on sait que son volume est le résultat d’un équilibre entre la force gravitationnelle qui tend à la faire se contracter sur elle-même, et la pression thermique due aux réactions nucléaires dont elle est le siège qui tend à l’effet inverse.  Vous suivez ? Quand le combustible nucléaire viendra à s’épuiser, et c’est inéluctable (ça veut dire que c’est sûr), la force gravitationnelle l’emportera sur la pression thermique et l’étoile s’effondrera, se ramassera sur elle-même jusqu’à ne devenir qu’un point ridiculement petit mais d’une masse toujours mahousse-costaud. Ce point aura donc une densité infinie  et un sacré pétard de champ gravitationnel. »

« Mais alors, mais alors, me direz-vous si vous êtes encore là (c’est toujours Oppenheimer qui parle), rien ne pourra sortir de ce champ gravitationnel, pas le moindre petit caillou, pas la plus petite lueur ! Eh bien non, Colinette ! Rien du tout, nib de nib ! Tout cela restera collé sur le petit point de densité infinie. Et encore mieux : tout ce qui passera à proximité de l’étoile ratatinée sera attiré par elle et y disparaîtra comme dans un puits sans fond et sans lumière. Je propose qu’on appelle ça un « Trou noir ». Non, non, Michell, ce n’est pas la peine d’insister ! »

Ayant ainsi parlé, Oppenheimer sortit sous les acclamations. Michell, qui était quand même un peu jaloux du succès de son camarade, n’a pas moufté. Il faut dire qu’il était mort depuis trois cents ans.

Trou noir
On distinguera le trou noir se détachant sur le fond noir du vide absolu dans le coin inférieur droit de ce même vide absolu.

Note 1 : On me signale que la vitesse de libération serait de 11,2 km/s. C’est inexact : la vitesse de libération a été abaissée à 9 km/s en même temps que la vitesse sur route nationale était abaissée de 90 à 80 km/h.

 

4 réflexions sur « L’Univers, ses lois, ses principes et autres âneries (6) – Les trous noirs »

  1. Pas tout à fait Lorenzo comme Philippe l’explique si bien vous partez l’esprit libre alors que dans la salle obscure votre esprit est captif. De plus vous ne tombez pas puisque vous êtes assis les deux pieds sur le sol. Cela est rigoureusement impossible d’un trou noir puisque comme le précise Philippe lorsque l’on approche d’un trou par mégarde on tombe et lorsque vous retrouvez vos esprits vous appelez votre avocat et faites un procès à gaz de France.

    Si vous appliquez les règles mathématiques concernant la gravité des trous noirs allez y en les relativisants. Celui de la terre est de 9,2 mètre par seconde au carré. Le trou noir atteint 300 000 km sec le temps s’efface puisqu’il est impossible d’aller plus vite. Donc en s’approchant ne serait-ce que de quelques centaine d’unité astronomique ( la distance terre soleil, 150 000 000 de km) votre sensibilité exacerbée de votre propre corps à votre poids vous encourageras à poursuivre votre chute afin de vous en libérer définitivement. Par contre en tant qu’observateur, un trou est observable si il y a quelque chose au dessus pas encore dedans et comme rien n’est statique ce qui approche d’un trou à une telle vitesse vas s’échauffer et comme la matière et ses loi sont tel que cette énergie cinétique détectable fascine l’attention des physiciens et en ce sens la rétropropulsion, à défaut de la projection dans la salle obscure, vers le trou noir créer un suspens d’action très soutenu.

  2. Erreur ! On peut très bien voir un trou noir s’il se détache sur le gris clair d’un trottoir. Si on tombe dans ce genre de trou, on fait un procès à Gaz de France.
    Pour ce qui est du trou noir dont au sujet duquel il était question plus haut, on dit que, si on y tombe les pieds devant, la force gravitationnelle qui s’exerce sur eux étant tellement plus forte que celle qui s’exerce sur la tête, le corps s’allonge sous forme d’un spaghetti, jusqu’à ce que, toute chose a ses limites, la tête soit séparée du corps. Ce qui permet de repartir l’esprit libre.

  3. Oui mais comment faire pour savoir ce qui se passe quand on tombe dans le trou noir puisqu’on ne peut pas le voir ???

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