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D’écluse en écluse

Morceau choisi

L’âge, faut-il le rappeler – mais il faut le rappeler, tant chacun vit avec indifférence l’âge de l’autre – , l’âge n’est que très partiellement un donné chronologique, un chapelet d’années ; il y a des classes, des cases d’âge : nous parcourons la vie d’écluse en écluse ; à certains points du parcours, il y a des seuils, des dénivellations, des secousses ; l’âge n’est pas progressif, il est mutatif : regarder son âge, si cet un âge est un certain âge, n’est donc pas une coquetterie qui doivent entraîner des protestations bienveillantes ; c’est plutôt Continuer la lecture de D’écluse en écluse

Proust au Ritz

Marcel Proust était un habitué de l’hôtel Ritz. Il y venait souvent y diner seul.

Il y occupait également un appartement dans lequel il donnait des réceptions, des concerts, des auditions musicales et des diners.

Quand il recevait à diner, il arrivait souvent qu’il prenne son propre repas avant l’arrivée de ses invités. C’était dans le but de se rendre plus disponible pour converser avec ses amis.

La journée, il passait des heures dans le grand hall. Il se plaçait toujours au même endroit , dans un fauteuil qu’il avait choisi pour Continuer la lecture de Proust au Ritz

La langue à toutes les sauces

Selon Esope, la langue a deux visages (si j’ose dire) :

« Le maître d’Ésope lui demande d’aller acheter, pour un banquet, la meilleure des nourritures et rien d’autre. Ésope ne ramène que des langues ! Entrée, plat, dessert, que des langues ! Les invités au début se régalent puis sont vite dégoûtés.
– Pourquoi n’as-tu acheté que ça ?
– Mais la langue est la meilleure des choses. C’est le lien de la vie civile, la clef des sciences, avec elle on instruit, on persuade, on règne dans les assemblées…
– Eh bien achète moi pour demain la pire des choses, je veux de la variété et les mêmes invités seront là. Ésope achète encore des langues, disant que c’est la pire des choses, la mère de tout les débats, la nourrice des procès, la source des guerres, de la calomnie et du mensonge. »

Selon Roland Barthes, elle est fasciste:

« La langue est tout simplement fasciste. Car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger de dire. » 

Selon Cynthia Fleury, c’est plus compliqué que ça, comme on dit quand on veut faire passer son interlocuteur pour un imbécile. Selon Cynthia, le langage, la langue, c’est le premier instrument du pouvoir :

« La vraie nature du pouvoir est circulatoire. Elle aura besoin du langage pour se fonder, s’extérioriser en donnant la réalité qu’elle n’a pas, s’intérioriser pour créer le consentement dont elle a besoin pour perdurer. Le langage sert souvent de premier barrage en empêchant de penser la réalité de la domination et le fait que le pouvoir ne soit qu’un dogme, autrement dit un fait de violence institué en fait de croyance puis en fait de légitimité. » 

Quand vous aurez lu tout ça, pensez à notre temps, à ses  éléments de langage, à sa langue de bois, à sa pensée unique. Pensez aux discours d’ouverture de colloque, de clôture de convention, de pots de bienvenue et de pots de départ et, surtout, pensez aux discours des politiques à propos de tout et de n’importe quoi. Enfin, n’y pensez pas trop.

Esope avait raison, la langue est bien la pire et la meilleure des choses, mais le pire, c’est qu’il n’y a pas de meilleur.