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Call me by your name – Critique aisée n°118

Critique aisée 118

Call me by your name
Luca Guadagnino
Timothée Chalamet, Armie Hammer

1983 en Lombardie. Elio (Chalamet) a 17 ans. En été, ses parents vivent dans une grand et belle maison. Son père est professeur d’histoire de l’art et, en été, il y reçoit en hôte payant pour quelques semaines un universitaire qui travaillera avec lui.

Il fait chaud. Pour Elio, entre les baignades à la rivière, les filles, les déjeuners de famille sous la treille, les siestes et les exercices au piano, l’été s’écoule lentement, paresseusement, lascivement.Mais, bientôt, arrive le pensionnaire de cet été. Ce sera Oliver, un universitaire américain d’une trentaine d’années, grand, blond et sûr de lui.

Durant les première semaines, Elio observera Oliver et sa nonchalance, sa confiance en soi, son pouvoir de séduction, son indifférence aux conventions frisant parfois l’impolitesse. De plus en plus attiré par Oliver, Elio finira par le provoquer et sa brève liaison avec lui constituera la dernière partie du film.

Long (130 minutes) comme un été chaud et oisif, le film vous installe dans cette belle maison chargée de culture et de désirs adolescents et, entre la domestique râleuse et dévouée, le vieux jardinier, le père raffiné et tolérant, la mère silencieuse, douce et belle, les jeunes filles affolées par l’été, vous vous y sentez bien. Vous vous y verriez presque. C’est un scénario de Continuer la lecture de Call me by your name – Critique aisée n°118

Pentagon papers – Critique aisée n°115

Critique aisée n°115

Pentagon papers  (The Post)
Steven Spielberg -2017
Meryl Streep, Tom Hanks

Disons-le tout de suite, c’est un bon produit. Et quand je dis ça, vous comprenez aussitôt : c’est un bon produit, mais c’est tout.

L’histoire des Pentagon papers, vous la connaissez par cœur. Forcément, vous avez déjà lu quelques critiques et on sait bien qu’aujourd’hui, ils (les autres, pas moi, bien entendu) considèrent que, quel que soit le film, ils ont rempli leur mission quand ils ont résumé le scénario, dit que les acteurs sont bons ou mauvais, et prétendu reconnaître l’influence de Ford, de Claude Zidi, de Cassavetes ou de Renoir. Mais moi, non, je ne vous raconte pas l’histoire parce que, comme m’écrivait Raymond Chandler la dernière fois que j’ai lu sa correspondance, « l’histoire, on s’en fout, c’est le style qui compte« . (J’ai toujours du mal à concilier mon admiration pour Chandler avec celle que j’ai pour Ford, parce que lui, Ford, à qui on demandait quels étaient les trois ingrédients essentiels pour faire un bon film, répondait : « une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire« . Mais aujourd’hui, pour les besoins de ma cause, je prends le parti de Chandler). Donc, l’histoire, on s’en fout, c’est le style qui compte.

Et le style de Pentagon Papers (en anglais : The Post) est on ne peut plus conventionnel. Spielberg n’hésite jamais à tomber dans le cliché, à mettre en scène le stéréotype, à diriger des archétypes. Comme Spielberg est Spielberg, tout de même, je suis persuadé que c’est volontaire. Pour moi, en faisant ce film, son objectif était double (au moins) :

1-faire un produit de cinéma hollywoodien parfait, oscarisable et rentable

2-ayant ainsi acquis le public populaire, lui faire passer un message sur l’importance de la presse indépendante et sur les menaces qui pèsent actuellement sur elle dans l’Empire du Donald.

Sur le plan éthique, viser ce deuxième objectif c’est probablement la chose à faire aujourd’hui.

Sur le plan cinéma, c’est autre affaire. D’abord, Pentagon papers, c’est tout autre chose que « Les hommes du Président » auquel, par facilité on fera référence le plus souvent, c’est tout autre chose que « Spotlight« , plus récent. Dans chacun de ces deux films, l’un excellent, l’autre bon, il est vrai que le scénario est construit autour de l’éternelle question : est-ce qu’on publie l’info ? et quand ?, mais surtout autour de l’enquête elle-même. Celui des Papers passe l’enquête quasiment sous silence. Ça n’intéresse pas Spielberg. Par contre, tout tourne autour de la décision de publier ou non certains papiers « confidentiel défense » (on est en pleine guerre du Vietnam), décision que doit prendre une femme timide, héritière potiche d’un grand journal, vivant dans le souvenir de son père et de son mari, icônes de la presse. Elle finira, bien sûr par prendre timidement mais fermement ses responsabilités.

Eh bien, à part le personnage incarné par Meryl Streep, délicat, craintif, presque souffreteux, et donc original pour une patronne de presse, tout le reste, les personnages, les scènes, les prises de vue, la musique, tout est cliché, bien fait, bien joué, mais cliché. Spielberg et moi ne pouvons pas ne pas nous en rendre compte. Mais Spielberg est de nous deux le seul à l’avoir voulu. Et c’est sans doute par efficacité, parce que, si vous avez l’âme naïve, si vous n’avez pas vu les grand classiques US de film de journalisme, ça marchera. Moi, une scène où l’on voit la rotative qui commence à rouler, la bande de papier qui défile de plus en plus vite, qui se replie, se découpe, se replie encore, puis s’assemble en milliers d’exemplaires serrés les uns derrière les autres qui cheminent, montent, descendent et parcourent en tous sens les plafonds de l’imprimerie pour être jetés ficelés par paquets sur les planchers de camions qui, dans le gris de l’aurore, vont parcourir la ville et, sans même s’arrêter, lancer la presse sur le trottoir, où un homme, enfin, dépliera le journal et laissera voir au spectateur le gros titre qu’il attendait depuis le milieu du film, moi, une scène comme ça, ça me fait toujours frémir.

Voilà, si vous avez une âme simple, si vous aimez ce genre de scène, si vous avez un jour voulu être rédacteur en chef en bras de chemise, les pieds sur votre bureau, si vous aimez les journalistes fatigués et hirsutes, si vous aimez Meryl Streep, Tom Hanks et le travail bien fait, vous aimerez probablement Pentagon papers.

Si vous cherchez du neuf, c’est autre chose.

 

ET DEMAIN, VOUS ÊTES SÛR QUE VOUS VOULEZ UN DEUXIEME AVIS ?

Les Heures Sombres – Critique aisée n°113

Critique aisée n°113

Les Heures Sombres (Darkest Hours)
Joe Wright – 2017
Gary Oldman, Kristin Scott-Thomas

Tout le film de déroule entre le 8 mai et le 4 juin 1940, quatre semaines seulement. A ceux, de plus en plus nombreux, qui ont la mémoire courte, rappelons brièvement ce qui se passait à l’époque.
Mai 1940. La « drôle de guerre » durait depuis septembre 1939.
Pour satisfaire l’opposition travailliste, Winston Churchill, partisan d’une attitude ferme contre l’Allemagne nazie avait été nommé Premier Lord de l’Amirauté par Neville Chamberlain, premier ministre assez enclin à la négociation avec Hitler.

Le 8 mai, date à laquelle commence le film, Chamberlain est vivement critiqué par les travaillistes pour n’avoir pas préparé le pays à la guerre.
Le 10 mai 40, l’Allemagne envahit les Pays-Bas et la Belgique. Chamberlain doit démissionner et Winston est nommé premier ministre par le roi George VI.

Pendant ces quatre semaines cruciales, le film nous montrera les colères, les cigares, les hésitations, les cognacs, les doutes, les combats de Churchill pour amener son pays à abandonner toute idée de négociation et, malgré l’encerclement de son armée à Dunkerque, à entrer de toutes ses forces dans la guerre.

On verra Winston appeler à l’aide Roosevelt, encore isolationniste, sans succès. On le verra frappé de stupeur devant Paul Reynaud, Président du Conseil, défait, lui déclarant que les armées françaises sont en déroute et qu’il n’y a pas de plan de contre-attaque, on le verra pleurer de découragement sur l’épaule de sa femme Clémentine, aimante et spirituelle. On le verra aussi amorcer une amitié durable avec Georges VI (le Roi dont, grâce au cinéma, l’histoire ne retiendra malheureusement que le fait qu’il était bègue), bousculer Attlee, chef du parti Travailliste, (un mouton déguisé en mouton, disait Churchill), s’opposer à Lord Halifax, secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, (Holy Fox selon Winston, Hallali Fax selon Goering), on le verra boire continuellement (Comment pouvez-vous boire dans la journée ? lui demande le roi. Avec de l’entraînement, répond W.C.), fumer sans arrêt, bredouiller, bafouiller, s’emporter, mais aussi dicter, raturer et finalement écrire des discours splendides, et particulièrement le dernier (du film, car il en fera beaucoup d’autres), le discours du 4 juin 1940, discours devant la Chambre qui clôt le film : « … Nous ne fléchirons ni ne faillirons. Nous nous battrons dans les rues, dans les champs, nous nous battrons sur les collines et sur les grèves… », discours sublime et galvaniseur, annonciateur de l’incroyable résistance du pays qui pendant plus d’un an sera le seul à s’opposer à Hitler, et auquel le monde occidental devra d’avoir pu anéantir le nazisme. Mais les heures sombres ne font que commencer, on le sait.

Voilà pour l’histoire, ou plutôt l’Histoire.

Pour ce qui est du film, j’ai vu une excellente performance de Gary Oldman, qui s’est composé un physique frappant de ressemblance, et une élocution étonnamment hésitante, dont j’ose croire qu’elle est fidèle à la réalité. Très bonne Kristin Scott-Thomas également, toute en distinction et humour britannique, bonne reconstitution aussi de Londres et de la Chambre. Bien, tout ça… Très correct, de bonne tenue, very british.

Pourtant, avec cet immense personnage que fut Winston Churchill, et avec ce point de basculement de la guerre (quelques semaines plus tard, après la bataille d’Angleterre, W.C. dira dans son style éclatant : « Ce n’est pas la fin. Ce n’est même pas le commencement de la fin. Mais, c’est peut-être la fin du commencement. »), on aurait pu, on aurait dû faire beaucoup mieux. A aucun moment au cours du film, je n’ai éprouvé ce sentiment d’urgence ni cette pression énorme que devait ressentir Churchill devant la décision à prendre, alors que les 300.000 soldats de Sa Majesté bloqués à Dunkerque pouvaient être faits prisonniers incessamment, et laisser l’Angleterre à la merci d’une invasion allemande. Le film ne m’a montré ni les conséquences possibles d’une décision contraire, ni le côté visionnaire de Churchill, qui voulait tenir le temps qu’il faudrait pour que l’Amérique se décide à entrer en guerre. Si vous voulez éprouver ces sentiments, vision de l’avenir, urgence, pression, lisez les Mémoires de Guerre de Churchill, ou même seulement sa biographie par François Kersaudy.

La dernière réplique du film mérite qu’on s’y arrête. C’est celle Lord Halifax, qui s’est opposé à W.C. pendant tout le film. Churchill vient de prononcer le fameux discours et la Chambre, hésitante au début, bascule dans l’approbation de la guerre et l’ovation de l’orateur. Le voisin de siège d’Halifax, ébahi, lui demande « Mais, qu’est-ce qui s’est passé ? » Lord Halifax lui répond :

—He mobilized the English language and sent it into battle.
—Il a mobilisé la langue anglaise et l’a envoyée au combat

Belle phrase — dont le véritable auteur est Edward Burrow , journaliste américain —  qui résume bien ce que le film a voulu montrer sans tout à fait y parvenir.

Post scriptum
Puisque c’est le sujet, je ne résiste pas au plaisir de vous reproduire ici ce qu’a dit Vialatte de l’éloquence de W.C. :
« (…) Churchill disait encore : « Nous ne fléchirons ni ne faillirons. Nous nous battrons dans les rues, dans les champs, nous nous battrons sur les collines et sur les grèves. » Il ajoutait en aparté, bouchant le micro : « A coups de bouteilles ; car nous n’avons guère autre chose. » De tels discours relèvent de la ténacité. A cette échelle, elle sauve le monde. (…) »

Un autre témoignage dont l’auteur m’est inconnu :
« It has been said that Hitler could persuade you that he could do anything but that Churchill could persuade you that you could do anything. »
« On a dit qu’Hitler pouvait vous persuader qu’il pouvait tout faire mais que Churchill pouvait vous persuader que vous pouviez tout faire. « 

ET DEMAIN, UN TEXTE DE MARIE-CLAIRE, LETTRE D’ELISABETH A SOPHIE

Star Wars – Episode VIII – Les derniers Jedi – Critique aisée n°110

Star Wars – Episode VIII – Les derniers Jedi

Rian Johnson – 2017
Daisy Ridley, Adam Driver, Mark Hamill, Carrie Fisher.

J’ai vu Star Wars pour la première fois en 1977 avec Thomas. Il avait 12 ans. Je n’en avais que trois fois plus.

Je me souviens…

C’était l’épisode IV, un grand écran noir, le vide parsemé d’étoiles, une musique éclatante, papapam !, des prolégomènes qui flottent dans l’espace et qui s’éloignent vers l’infini comme un vaisseau spatial…une musique qui se calme puis se tait tandis que l’œil descend vers un croiseur impérial menaçant de silence, ou un chasseur de la Résistance hurlant sa vitesse, ou une planète bleue vivant sans doute ses derniers instants…

La Guerre des Étoiles, conte médiéval habillé de science-fiction, jeunesse, aventures, générosité, fougue, combats, amitié, trahison, victoire…

Star Wars, somptueux spectacle, enfantin, superbe, généreux, parsemé d’humour et d’inventions…

Avec la Guerre des Étoiles, on revenait au cinéma des années cinquante. Star Wars réunissait Continuer la lecture de Star Wars – Episode VIII – Les derniers Jedi – Critique aisée n°110

Au revoir là-haut – Critique aisée n°109

Critique aisée n°109

Au revoir là-haut !
Albert Dupontel – 2017
Laurent Lafitte, Albert Dupontel, Nahuel Pérez Biscayart, Niels Arestrup
d’après le roman éponyme de Pierre Lemaitre (Goncourt 2013)

Dès le début, j’ai bien aimé Albert Dupontel. Vers 1990, c’était Dupontel tout court. On l’entendait beaucoup sur Rire et Chanson et on le voyait peu chez Drucker. Son type de stand-up comedy était bien trop grinçant, dérangeant. Déjà, on disait : il est fou, Dupontel. Et puis, on oubliait : c’était Dupontel tout court. Et puis, il a eu quelques rôles au cinéma et, au générique, maintenant, c’était Albert Dupontel. Bon, mais dans les cabarets et les cafés-théâtre, c’était toujours Dupontel, tout court. Et puis, il y eu son premier film, Bernie, et là, on a repris en choeur : Il est fou Dupontel, complètement fou. Fou comme réalisateur, inventeur de scènes totalement inattendues, ahurissantes, choquantes, et, la première surprise passée, à hurler de rire. Et fou comme acteur aussi, avec ses yeux exorbités, ses cheveux en bataille, son rire idiot, son accent populaire (du Nord ?). Et puis, il a eu des rôles de plus en plus importants, de plus en plus variés. Alors on a dit : C’est vrai qu’il est fou, Dupontel, mais, comme acteur, qu’est-ce qu’il est doué. Sa folie l’a amené parfois un peu loin dans le lourd : Neuf mois ferme. Mais on ne lui en a pas voulu, puisqu’il est fou, Dupontel.

Et maintenant « Au revoir là-haut« . Il est fou Dupontel, il a la folie Continuer la lecture de Au revoir là-haut – Critique aisée n°109

The Square & Blade Runner- Critique aisée n°105

Critique aisée n°105
The Square
Ruben Östlund – 2017- 142 minutes
Claes Bang, Elisabeth Moss, Dominic West 

Même si je n’avais eu aucune intention d’aller voir The Square, l’incroyable séquence de trépignements hystériques et haineux que ce film a déclenché chez le critique Xavier Leherpeur lors de la dernière émission du Masque et la Plume m’en aurait donné envie.
J’ajouterai que l’agressivité continuelle dont il fait preuve, sous l’œil bienveillant de Jérôme Garcin, le meneur de jeu, à l’égard d’Eric Neuhoff, critique du Figaro, devient déplaisante. On peut remercier M. Neuhoff et l’admirer de s’abstenir de répliquer. Bien sûr, les joutes et même les engueulades entre participants à l’émission font partie de son intérêt, mais le niveau d’énervement et de méchanceté qu’atteint M. Leherpeur est devenu gênant.

Maintenant, s’il faut parler du film, je dirai que je l’ai trouvé Continuer la lecture de The Square & Blade Runner- Critique aisée n°105

Detroit – Critique aisée n°103

Detroit 
Kathryn Bigelow – 2017
John Boyega, Will Poulter.

Le Huffington Post, par sa journaliste Jeanne Theoharis, a qualifié Detroit (prononcez Ditroïte) de film de plus inconséquent et dangereux de l’année. Ce professeur en sciences po au Brooklyn College a trouvé que le scenario faisait la part trop belle aux individus, victimes et tortionnaires, au détriment de la communauté noire d’une part et de la police de Détroit d’autre part. En d’autres termes, elle aurait aimé que Kathryn Bigelow nous présente un cours d’histoire sur les émeutes raciales de 1967 à Detroit, qu’elle nous expose ce qui s’était passé avant, pour pouvoir expliquer le pendant et l’après. La journaliste aurait voulu un documentaire historique ou à la rigueur un film plus démonstratif, plus clairement engagé contre le racisme (50 ans après les évènements !). Voilà pourquoi le film est inconséquent. Mais pourquoi il est dangereux, l’article ne le dit pas. Elle nous apprend aussi, et c’est très intéressant, que la communauté noire de Chicago, réagissant au dénouement du véritable procès, avait organisé elle-même un procès « privé » pour rétablir les faits réels et prononcer des condamnations. C’eut d’ailleurs été un excellent sujet que le déroulement parallèle du procès légal et du procès populaire des mêmes évènements (je pense que je devrais déposer le concept). Mais ce n’était sans doute pas le but de Bigelow. Elle n’a pas voulu « expliquer », c’est-à-dire exposer les raisons de ce déchainement de violence, celui des émeutes d’abord, puis celui des policiers. Elle a voulu montrer, tout simplement. Les critiques du Monde, de Télérama et du Nouvel Obs sont positives. Convenues mais positives. Quant à celle de Libération, elle est incompréhensible, mauvaise, mais incompréhensible, sous un inévitable et pénible titre-calambour : « Détroit, un effroi à l’étroit ». Mais dans quelle cour d’école vont-ils chercher tout ça ?

Vous savez maintenant, grosso modo, ce que pense de ce film l’essentiel de l’élite intellectuelle. A moi, maintenant : Le décor est rapidement planté ; les émeutes démarrent à la suite d’une banale descente de police dans un bar clandestin fréquenté par les noirs. Les choses tournent mal, et la ville est rapidement mise à feu et à sac. Dans ce contexte, quelques jeunes noirs et deux jeunes blanches en quête d’aventures font la fête dans un motel de la ville. La Garde Nationale passe à proximité et l’un des fêtards tire un coup de pistolet d’alarme en direction de la garde. Le motel est mitraillé puis envahi par quelques policiers, qui vont se livrer pendant de longues à des actes de torture physique et morale pour connaitre l’identité du tireur. Il y aura plusieurs morts, un procès et des acquittements.

Voilà pour l’histoire. Maintenant, le traitement : les scènes de rues en émeute sont vraiment réussies : violentes, désordonnées, enfumées, confuses. Le huis clos entre les policiers et les « suspects » est absolument terrifiant de violence. Les policiers n’ont aucune excuse, il n’y a pas de fatalité, par d’évènement fortuit, pas de malentendu, pas de panique, rien, rien qui puisse expliquer leur déchainement, si ce n’est leur racisme et leur bêtise. Cette deuxième partie du film est très réussie, très tendue, très éprouvante. On en sort épuisé. La troisième partie du film, l’enquête et le procès, m’a parue bâclée.

Ce n’est pas uniquement à cause de cette dernière remarque que je ne suis pas totalement emballé par « Detroit ». Ce doit être aussi parce que j’ai toujours tendance à faire des comparaisons avec des films plus anciens. Celui auquel on ne peut pas ne pas penser, c’est Mississippi Burning. Mississippi Burning, qui était tout aussi terrible dans sa présentation du racisme, racontait aussi des faits réels, survenus trois ans plus tôt. Mais Alan Parker avait donné à ses personnages principaux (Gene Hackman et Willem Dafoe) beaucoup plus de consistance que Kathryn Bigelowe n’a su le faire avec les siens. Et puis, le procès n’était pas bâclé.

ET DEMAIN, LA SEPTIÈME PARTIE DE HHH, NYC, USA : SAMMY DAVIES JR DANS LE ROLE DE  DAVID COSBY

 

Le sens de la fête – Critique aisée n°102

Le sens de la fête
Eric Toledano et Olivier Nakache -2017
Bacri, Lellouche, Rouve

Il y a de bons acteurs : Jean-Pierre Bacri dans son rôle éternel de râleur mais gentil, Lellouche et son aisance de beauf dragueur mais sensible, Eye Haïdara, une belle jeune femme noire au physique étrange et au vocabulaire chargé, et quelques autres tout aussi bons, un marié, insupportable, sa mère, adoratrice, deux ou trois serveurs, abrutis, quelques extras, tamouls, un photographe, sans gêne, un stagiaire, illuminé, un gendarme, au phrasé de gendarme, tout cela très bien.

L’idée est bonne aussi : l’organisation d’une somptueuse réception de mariage. Il y avait eu l’excellent « Un mariage » de Robert Altman et le grinçant « Mariages !  » de Valérie Guignabodet. Il y avait eu aussi bien sur les célèbres « Branquignols » (Robert Dhéry – 1950), qui décrivait le sabotage grandiose d’une réception. « Le sens de la fête » serait assez dans la ligne des Branquignols, sans atteindre à l’absurde et au délire dont la troupe de Robert Dhéry avait le secret (à voir absolument : Les Belles Bacchantes) : ici le sabotage sera involontaire et du fait d’une brigade d’incapables et de caractériels.

Quelques situations sont drôles, mais je ne les décrirai pas pour ne pas gâcher (spoiler) votre plaisir ; il y a un très beau moment visuel, un envol, je n’en dirai pas plus. Malgré la bêtise de certains personnages, rien n’est méchant, ni aigre, ni vulgaire, ni cliché. On n’est pas dans la farce non plus, on évite le gag de la tarte à la crème, et tout idiots qu’ils soient, les personnages sont sympathiques.

Mais la comédie ne prend pas vraiment et reste au niveau d’une succession de scènes, isolément assez réussies. Est-ce parce que le film est trop long (1h57) ou parce qu’il manque un fil, une intrigue, une évolution ?

Voyez-vous-même. Car, si vous voulez, ce film, vous pouvez le voir.

Happy end – Critique aisée n°101  

Happy end
Michael Haneke – 2017
Isabelle Huppert, Jean-Louis Trintignant

Le sujet est banal : une famille bourgeoise de Calais, les Laurent, très riches, très bourgeois, très province.

Le genre n’est pas original : une comédie du genre « Pièce grinçante » d’Anouilh, c’est-à-dire pas une comédie, mais pas un drame non plus, juste de quoi se moquer de manière consensuelle des turpitudes des gens.

L’histoire est métaphorique : un effondrement sur un chantier de travaux publics va, sinon provoquer, du moins accélérer l’effondrement de la famille Laurent.

Le point de vue est double : un narrateur omniscient et silencieux qui passe d’un personnage à l’autre et une jeune fille de 13 ans, troublante et perturbée, surement la meilleure performance de comédien du film.

La position morale ou politique n’est pas trop manichéenne, mais quand même : les bourgeois sont des méchants ; il n’y en a pas un, y compris la petite fille, pour Continuer la lecture de Happy end – Critique aisée n°101