Corriger Chandler ?

Morceau choisi
Raymond Chandler (1888-1959) est, avec Jim Thompson (1906-1977), l’auteur de romans noirs que je préfère. Ces deux auteurs ont des styles bien différents mais tous les deux tout à fait admirables. Celui du père spirituel de Philip Marlowe était caractérisé par sa précision, son ironie, sa psychologie, mais aussi par sa nonchalance et sa désinvolture. Le correcteur de la maison d’édition de Chandler était sans doute un peu trop pointilleux, car il avait attiré cette lettre sur la tête de son patron :

18 janvier 1948 , à Edward Weeks, The Atlantic Monthly
(…) Veuillez présenter mes devoirs au puriste qui lit vos épreuves et lui dire que j’écris une espèce de patois un peu comme la langue parlée par un maître d’hôtel suisse, et que lorsque je semble faire des fautes de grammaire, Nom de Dieu c’est exprès, et quand j’interromps le développement velouté de ma syntaxe plus ou moins élégante avec un mot ou deux de l’argot des bars, je fais ça les yeux grands ouverts, l’esprit tranquille mais sur le qui-vive. La méthode n’est peut-être pas parfaite, mais je n’ai pas mieux. Je trouve que votre correcteur est bien gentil de vouloir me remettre dans le droit chemin, mais je crois être capable de me diriger tout seul, à condition d’avoir les deux trottoirs et la chaussée à moi.
Raymond Chandler – Lettres – Christian Bourgois Editeur – 1970

3 réflexions sur « Corriger Chandler ? »

  1. Question?

    Très modestement, ayant eu la chance de publier quelques articles dans des revues et ouvrages « scientifiques » (je préfère ‘académiques,’ c’est plus pédant mais il y a place à l’erreur et donc moins transcendant!) anglo-saxons et français, j’ai constaté que les Français publiaient tel quel ce qu’on leur envoyait (après acceptation, évidemment) alors que les Anglo-Saxons, surtout les Américains, négociaient carrément le texte d’ailleurs d’avantage sur le plan idéologique qu’au niveau grammatical ou stylistique!

    J’ai lu quelque part que beaucoup d’auteurs français prenaient comme une insulte de voir leur texte ‘corrigé’! Ai-je rêvé?

  2. Mutatis mutandis…

    à un niveau plus modeste!

    Il est vrai que pour un auteur anthropo-psycho-sociologue qui joue sur toute la palette de son champ, se soumettre aux diktats d’un pure littéraire peut être, parfois, très frustrant!

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