C’est pas pour me vanter, mais c’était quand même mieux avant !
Regardez un peu cette image de la Fontaine Carpeaux. Elle date de cent cinquante ans.
Les hommes portent chapeau mou, melon ou gibus. Dans un coin, un ouvrier incongru porte une casquette.
Les femmes, elles aussi, sont en chapeau. Elles portent des robes à fronces et drapés, cintrées, baleinées, avec multiples découpes et manchettes incrustées. L’érotisme est dans les bottines à talons.
C’est pourquoi les jeunes filles, elles, portent des chaussures basses avec chaussettes apparentes. Les robes plissées sont cintrées par une large ceinture. Le chapeau est rejeté en arrière.
Les garçons eux aussi portent chaussures basses et chaussettes montantes. Le tablier se porte gris et la culotte courte à l’anglaise. Souvent, les chemises ont un col Claudine, mais ils n’aiment pas ça.
Les tortues arrosent les seins des femmes Atlas
Pas un seul vélo, pas une seule trottinette. Pas un écran, pas un téléphone, pas un nombril à l’air, pas un tatouage, le paradis.
Maintenant regardez cette photo d’aujourd’hui :
Le jardin est désert, les tortues n’arrosent même plus les jolies dames nues, et les chevaux furieux sont cachés par les panneaux municipaux qui, pour l’un, annonce les inévitables programmes festifs et sociaux-culturels et, pour l’autre, la réglementation applicable inappliquée.
C’est pas pour me vanter, mais c’était quand même mieux avant ! Et pourtant, comme je l’avais écrit il y aura bientôt dix ans :
La fontaine Carpeaux.
C’est ici que je veux mourir,
Sur un banc raide et vert, le dos au soleil, les pieds à l’ombre,
Entre le bruit de l’eau et celui de l’autobus 38.
Il sera presque midi, il fera frais, il fera beau,
De petites bourrasques apporteront des poussières de conversation.
J’aurai les yeux fixés sur le corps vert de l’Europe.
Ce sera l’heure où seuls le sein droit et l’arrondi de la hanche seront éclairés par le soleil.
Trois étrangers passeront lentement, regardant les corps luisants des hippocampes.
Ce sera l’heure où les enfants de la rue d’Assas traversent le square en traînant des pieds pour faire lever la poussière.
Le plus brave, monté sur la margelle, fera l’avion qui décolle en écartant les bras.
Je m’allongerai sur le banc raide et vert et fermerai les yeux.
*
Carpe diem ! Oui, oui, carpe diem, bien sûr ! « Saisissez le jour ! », tout le monde sait cela ! Mais connaissiez-vous la citation complète ? Et sa traduction ? Non ? Alors, voilà :
Carpe diem, quam minimum credula postero.
Cueille le jour, sans être crédule en ce qui concerne l’avenir.
Horace
*
C’était mieux avant, c’est sûr.
Il n’empêche que la fontaine Carpeaux reste la plus belle de Paris.
Voyez vous-même, et pour voir, cliquez donc la-dessusCarpeaux diem