par Lorenzo dell’Acqua
Les Modernes
Alan Rudolph, 1988
Depuis que je suis allé le voir au cinéma Le Lucernaire, rue Notre Dame des Champs, je ne parviens jamais à me souvenir du nom de ce film d’Alan Rudolph sorti en 1988, Les Modernes. Depuis lors, chaque fois que j’y pense (et vous allez vite comprendre pourquoi j’y pense souvent), c’est Les Professionnels qui me revient systématiquement à l’esprit créant un obstacle supplémentaire pour le retrouver. J’ai beau faire appel à mon savoir de fils de Psychanalyste, je ne trouve aucune explication. De surcroît, j’avais maintes fois écouté la musique de ce film dont le nom était écrit en rouge sur la pochette jaune du CD. Son auteur, le chanteur Charlélie Couture, était le frère de notre compagnon de voyage à Ceylan devenu lui aussi célèbre peu après, Tom Novembre. Je me souviens très bien que nous avions oublié ce disque dans le lecteur de notre voiture situé, je me demande encore pourquoi, dans le coffre arrière, c’est-à-dire en pratique inaccessible. Les noms de ces deux artistes sortis de la nuit des temps me sont revenus, non pas immédiatement, je l’avoue, mais dans les trois minutes qui ont suivi l’évocation de ce disque. C’est bien la preuve que mon oubli sélectif du seul titre du film Les Modernesest très étrange.
A quoi pourrait-il bien me faire penser ? D’abord, au très beau portrait de François Mauriac par Jean Ferniot : Un homme d’avenir avec des manières du passé. J’apprécie ces deux personnages et en particulier Mauriac dont je trouve la vie et la trajectoire aussi passionnantes que celles d’Hemingway. La Foi chez les intellectuels m’a toujours intrigué et je me pose les mêmes questions à propos de la Psychanalyse : comment des êtres intelligents, parfois supérieurement intelligents, des scientifiques et des savants, peuvent-ils croire en des choses invérifiables ou démontrées fausses ? Cette énigme insoluble n’a aucune raison de me faire refouler le mot Modernes, vous en conviendrez, car elle ne fait pas appel à ma libido infantile. Rien là dedans qui évoque de près ou de loin la zigounette de Papa, Maman, la Bonne ou moi.
Difficulté supplémentaire, son titre n’a strictement rien à voir avec le sujet du film et cela n’en facilite pas le souvenir. Des escrocs mondains réussissent à convaincre une de leur relation, un collectionneur très riche, que le tableau qu’il a acquis à prix d’or est un faux dans l’espoir de le lui racheter pour une somme dérisoire. Le collectionneur berné et fou de rage jettera le tableau au feu alors qu’il s’agissait bien de l’original. Seule désormais ne circule plus dans les musées que la copie considérée, à tort, comme l’original. Cette fable illustre à mon sens la fragilité des convictions des experts et devrait les rendre plus humbles. Saviez-vous que le tableau de La Joconde exposé au Louvre est en réalité une copie ? L’original serait conservé bien à l’abri pour deux raisons : il est trop fragile pour être exposé à la foule et aux écarts de température, et trop précieux pour risquer d’être volé une deuxième fois ou détérioré par des vandales ce qui est hélas concevable de nos jours. Je n’en ai aucune preuve mais cela m’a été affirmé par un expert.
Malgré ma bonne volonté, je n’y vois toujours pas la moindre relation avec mon inconscient ! Cherchons ailleurs. Les acteurs ? Aucun nom connu ni le moindre souvenir. Le thème, lui, aurait de quoi choquer l’amateur obsessionnel de Peinture que je suis devenu mais à l’époque, en 1988, je n’avais pas encore la frénésie des musées dont le début coïncide avec mon départ à la retraite 30 ans plus tard. Moderne est aussi associé dans mon esprit à la Musique Moderne, c’est-à-dire contemporaine, que je trouve horrible. Cela n’a aucune raison de me culpabiliser d’autant que j’ai tout de même aimé certains morceaux comme Spiegel im spiegel d’Arvo Pärt. De là encore, je n’entends venir aucune piste sérieuse.
Moderne, je ne le suis peut-être pas mais j’en serais plutôt fier. Mon oubli ne pourrait donc pas être le refoulement de ce trait de caractère puisqu’il me plait. Ou alors, j’aurais pu me trouver moderne par rapport à l’archaïsme de mon milieu familial que j’aurais honni inconsciemment quand j’étais gamin ? Impossible car mon père exerçait une profession tellement en avance sur son temps que je n’avais pas le droit de la révéler à l’école quand on me demandait le métier de mes parents. A priori donc, ni rejet ni acceptation de ma part. Encore que si, justement, parce que si on m’interdisait de dire la profession de mon père, c’est que ce modernisme que je lui attribuais n’était pas reconnu par la société, un peu comme s’il était honteux. Nous y voilà ! J’avais en réalité honte de ce modernisme dont on m’avait convaincu à la maison et qui était en réalité une hérésie aux yeux de la majorité des gens. Reconnaissons le côté visionnaire du petit Laurent avant même l’âge de dix ans. D’après un ami compétent, on se rapproche à grands pas de la zigounette de Papa, Maman, la Bonne ou moi. Pour ce Psychanalyste, mon rejet des Modernes est à l’évidence l’expression de mon complexe d’Oedipe non résolu. Il s’agit tout simplement du rejet de mon Père ! Bon sang mais c’est bien sûr … ! Cette explication éculée et ressortie à toutes les sauces relève d’une interprétation purement subjective d’un individu incapable de prouver ce qu’il avance même si les conséquences de ses avis péremptoires sont délétères pour ceux qui les croient. Au passage, mon exercice d’autoanalyse démontre que la Psychanalyse est à la portée de tous, même sans la moindre formation. Il montre aussi que même dans des situations d’une aridité extrême on finit toujours par trouver une interprétation qui a l’avantage d’être irréfutable. Que cela vous rassure et vous encourage dans cette voie ferrée semée d’embûches !
Un autre ami, un neuroscientifique, m’en a proposé une interprétation différente. Selon lui, le souvenir du film Les Modernes a été stocké dans mon cerveau juste à côté de celui des Professionnels. Quand ma conscience l’appelle, il y a une erreur de la fonction neuronale apparemment définitive qui recrute le souvenir situé à côté mais pas celui que je cherche. Cette hypothèse a le mérite de pouvoir être démontrée ou réfutée et le sera dans un avenir proche. J’ai interrogé mon épouse qui n’avait pas d’explication à mon oubli mais me donna un exemple personnel que, sur ma lancée, j’interprétais en quelques secondes. Elle ne pouvait pas se souvenir du nom du plat qu’elle avait fait le dimanche précédent à l’occasion d’une fête de famille, le bœuf bourguignon, dont moi je me souvenais très bien, et pour cause ! Mon interprétation était la suivante : bourguignon a une consonance proche de maquignon et maquignon est à mes yeux un qualificatif mi-positif, mi-négatif qui, toujours selon moi et c’est là le biais, correspond à la personnalité de mon beau-père. Comme elle l’admire beaucoup et qu’à ses yeux maquignon est un qualificatif très péjoratif (ce qui est vrai), elle ne peut pas retenir bourguignon (c’est encore moi qui le dis). Le biais, vous l’avez bien compris, est que cette interprétation est la mienne et non la sienne. Vous me rétorquerez qu’en analyse le Psychanalyste n’impose pas une interprétation mais laisse le sujet en trouver une et peu importe qu’elle soit fausse, farfelue ou idiote. Et c’est alors qu’il intervient de façon perverse parce que c’est lui qui va interpréter l’interprétation du patient.
Pourquoi ne parviens-je donc pas à me souvenir du titre Les Modernes ? Décidément, cet oubli est bien mystérieux. Je ne vais tout de même pas entreprendre une psychanalyse à mon âge pour ce seul motif ? Non, je vais plutôt demander l’avis des lecteurs du JdC
C’est quoi la vérité? Celle que l’on jure de dire devant le juge? Vérité ou vérité alternative? L’originale ou la copie? Être ou ne pas être? Voilà la problématique pour employer le mot à la mode. Si je dis « untel est un vrai con » c’est pas la même chose que si je dis « untel joue au con ». Et pourtant, cette alternative existe pour de vrai, Trump en est un bon exemple. Mentir est le propre de l’homme, voilà ce que je pense. Qu’on me jette la première pierre si je dis que le visage de la Joconde est un mensonge.
Assimiler cette information sans intérêt ni la moindre conséquence à une fake news me semble relever de la paranoïa. D’ailleurs, les arguments pour la remplacer par une copie sont censés. De toute façon, copie ou originale, personne n ‘est capable de le savoir en regardant le tableau. Et, ça, ce n’est pas une falk News, c’est la vérité et c’est très amusant. D’où l’intérêt du film de Randolph.
Ce n’est quand même pas moi qui ai abordé le sujet de la fausse ou vraie Joconde et contribué à propager le bouteillon selon lequel elle serait fausse.
Que ce soit la vraie ou une copie me laisse totalement indifférent. De toute façon, je serais incapable de faire la différence entre les deux.
En revanche, je tiens à remercier chaleureusement NRCB à qui je dois ma guérison. Depuis la rédaction de cette critique du film Les Modernes, je me souviens sans aucun problème de son titre. Je ne saurais trop encourager les lecteurs du JdC qui auraient besoin d’une cure psychanalytique de lui préférer les lignes du JdC. Une fois défalquée la caisse de champagne, ça reste financièrement nettement plus économique.
Lorenzo
Bien sûr que la Joconde au Louvre est une copie, moi je le vois bien a son sourire narquois qu’elle se fiche de nous, on ne me la fait pas.
« Saviez-vous que le tableau de La Joconde exposé au Louvre est en réalité une copie ? »
C’est un expert qui l’a dit.
Ah ben alors…, si un expert l’a dit …
Mais un autre expert a dit le contraire.
Ah ben alors…, si un autre expert l’a dit…
Les experts ne se trompent jamais, j’en sais quelque chose.
Il y a donc deux réalités co-existantes :
a) La Joconde exposée est un faux
et
b) La Joconde exposée est bien l’original
tout comme le chat de Schroedinger
qui est vivant
et qui est mort
en même temps.
Moi je le savais, que la Joconde exposée était un faux. C’est Billy, influenceur sur TikTok, qui me l’a dit. Billy ? Billal Hakkar, Billy, alias RebeuDeter, né le 28 avril 1997, influenceur, vidéaste et diffuseur franco-algérien