Jour après jour, Donald Soprano constitue son équipe de gros bras qui, dans six semaines, dirigeront les États Unis et avec eux, le reste du monde occidental, au mieux des intérêts de leur chef de bande et des leurs.
Une nomination intéressante est celle de Monsieur Charles Kushner, père de Jared et par conséquent beau-père de Ivanka Trump, fille de Donald Godfather.
Charles Kushner, 70 ans, a bien réussi dans l’immobilier. Il a aussi plaidé coupable en 2004 sur 16 chefs d’inculpation pour fraude fiscale plus un pour s’être vengé de son beau-frère qui avait témoigné contre lui devant un tribunal fédéral et encore un autre pour avoir menti devant une Commission fédérale enquêtant sur le financement des campagnes électorales. Il a été libéré en 2006 après avoir fait 14 mois de prison.
Sa technique de vengeance contre un membre de sa famille, particulièrement élégante, laisse entrevoir un aspect singulier de sa personnalité : Kushner a admis avoir payé une prostituée pour entraîner son beau-frère dans une chambre de motel préalablement équipée de caméras et avoir envoyé les enregistrements à la femme du monsieur, c’est à dire sa sœur.
C’est ce Kushner-là que nous aurons bientôt à Paris comme ambassadeur des États-Unis. Nous autres, Français, sommes flattés de cet honneur. (Rappelons au passage que le premier à tenir ce poste en France fut Benjamin Franklin.)
Comparons maintenant ce scénario américain à un scénario européen.
Je ne reviendrai que brièvement sur cette Ministre de l’Éducation Nationale contrainte à la démission pour avoir pour ses enfants préféré le Collège Stanislas aux établissements publics et surtout pour avoir donné les raisons de son choix.
Mais, pour mettre en évidence les différences entre l’éthique du vieux monde et celle du Nouveau-Monde, je voudrais évoquer une affaire toute récente survenue au Royaume Uni : Mme Haigh, Secrétaire d’État aux transports, vient de démissionner de son poste pour la raison suivante. Il y a dix ans (elle en avait 24), Ms Haigh travaillait dans une compagnie d’assurance. A ce titre, elle disposait d’un téléphone portable de fonction. Son appartement ayant été cambriolé, elle avait dressé pour la police la liste des objets disparus, dont le fameux téléphone. Quelques temps plus tard, elle a retrouvé son téléphone quelque part dans un tiroir ou un vêtement, mais elle a oublié de le signaler à la police. La chose ayant été rendue publique après qu’elle ait été nommée au Gouvernement de Sa Majesté, le scandale est né et elle a dû démissionner.
En résumé, en France :
La Ministre : « Pour mes enfants, je préfère l’enseignement privé à l’enseignement public »
La Foule : « Scandaleux ! Qu’elle démissionne ! »
Et elle le fait.
Et au UK :
La Secrétaire d’État : « Quand j’étais jeune, j’ai oublié de déclarer que j’avais retrouvé un téléphone dont je croyais qu’il m’avait été volé. »
The Crowd : « Oh My God ! She must resign ! »
And she does.
Et enfin, aux US :
Le beau-père de la fille de D.Trump : « J’ai fait fortune, j’ai fraudé le fisc, j’ai piégé mon beauf en le filmant avec une pute, j’ai envoyé le foutu film à ma soeur, j’ai raconté des sacrés bobards à une Commission fédérale, j’ai avoué avoir fait tout ça et j’ai fait de la tôle »
The President-Elect : « Oh ! This man is fucking clever, faithful, vindicative and strong. And most of it, he’s family. He deserves some reward. Let’s have him our ambassador in Paris. »
Après ça, ne vous demandez plus comment la Vieille Europe peut lutter contre la Nouvelle Amérique. Elle ne peut pas.
Vaste sujet que cette notion des règles morales de la société qui devraient s’imposer en principe aux hommes et femmes publiques. Des différences existent entre l’Europe et l’Amérique. En ce qui concerne l’Amérique, en me bornant aux politiques seulement (je ne parlerai pas de personnalités publiques influentes, par exemple des prédicateurs, ou bien des personnalités du spectacle ou du sport), en résumé de tout ce que j’en sais, enrichi par mes vécus là bas, mes lectures, mes discussions avec des personnes de tous bords intellectuels ou pas, et bien sûr de l’observations des évènements depuis longtemps, je me suis fait une idée personnelle de cette nation, faisant la part de ce qui est admirable et même sentimentalement attachant et de ce qui est discutable et même parfaitement amoral. Ma conclusion est que la morale y est un mythe, aussi bien sociétale que politique. L’Amérique est soumise à des forces agissantes contradictoires depuis sa naissance, les origines de ses habitants déjà – indiens spoliés, émigrés venus de partout et pour certains malgré eux (esclaves africains, STO des travailleurs chinois), des religions dont certaines discutables, une constitution qui privilégie quoiqu’elle prétend la loi du plus fort, un système juridique que je qualifierai d’élastique, toutes ces forces conduisent à une concordance entre les hommes et femmes politiques ou publiques et la société elle-même. Trump n’est pas le premier président a être totalement cynique et dépourvu de toute morale du fait de sa débrouillardise initiatrice dans la jungle du business immobilier newyorkais qui a déterminé sa conduite politique, sa pratique du mensonge, son interprétation de la vérité, sa pratique du chantage, etc, et pourtant il a effectivement été largement élu par la société en connaissance de tout et en se bouchant le nez. Lors de son premier mandat Trump avait placé au mur du bureau ovale le portrait d’Andrew Jackson qu’il prenait pour modèle (vieille tradition présidentielle), président à la fois sinistre et démocrate (1829-1847), grand décimateur façon puzzle des populations amérindiennes, partisan de l’esclavage, populiste et pourtant reconnu pour ses avancées démocratiques et la création du parti démocrate. Je pense qu’en Europe, la morale sociétale est en effet plus élevée qu’en Amérique. Est-ce le fait de son histoire, du rôle de la religion presque « d’état » bien souvent, du rôle des monarchies régnantes, des philosophes du siècle des lumières, je ne sais pas, le tout ensemble probablement. Mais je crains, au vu de ce qui se passe en ce moment même, et pas seulement en France, que la morale politique se détériore de façon vertigineuse, imitant en cela fort malheureusement l’Amérique.
Quand, ce matin, j’ai comparé les éthiques européenne et américaine, j’aurais dû préciser que je ne parlais pas de l’ensemble des valeurs d’un individu et des règles qu’il s’impose.
Je voulais parler des règles morales qu’impose la société à ses hommes et femmes publiques. Qui les franchit est condamné à la mort civile, sans sursis ni réduction de peine.
En Europe et, jusqu’à l’avènement de Trump il y a huit ans, aux USA aussi, ces règles revêtaient souvent un caractère puritain (et par conséquent hypocrite, car personne ne s’applique à soi-même de telles règles avec une telle intransigeance.)
Les récentes nominations et démissions que j’ai citées semblent bien démontrer que l’Europe, toujours plus lente à accepter les progrès, continue sur son erre intransigeante, tandis que les USA-Républicains ont jeté leur morale par dessus les moulins.
D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps, Donald Soprano l’avait bien dit : « Je pourrais tirer sur quelqu’un sur la Cinquième avenue, que les gens voteraient quand même pour moi ! » (je cite de mémoire, que j’ai mauvaise, mais le ton y est).
Imaginez une seconde l’inimaginable, que le Pape ait accepté l’invitation de Macron d’assister à la messe de Dimanche pour célébrer la résurrection de ND en présence de Trump. Après tout, Napoléon a bien obligé le Pape a le sacré Empereur et Joséphine avec, alors pourquoi pas moi aurait imaginé l’ignoble Donald.
Eh oui, la vieille Europe avec ses traditions et son éthique (hum! J’ai des doutes, surtout au regard de la situation politique en France) aura beaucoup de mal à lutter contre la Nouvelle Amérique. En tout cas, l’éthique n’a jamais été une vertu américaine, toute son histoire depuis ses origines le prouve, c’est donc pas nouveau. Mais la Nouvelle Amérique, disons l’Amérique Renouvelée, celle de Trump, celle du Nouveau Génial Frankenstein, le Nouveau Joker qui s’appelle Musk, a définitivement jeté à la poubelle ce mot « éthique » et toutes notions de moralité. La nomination de Charles Kushner ambassadeur à Paris (« pour lui donner une récompense tranquille et confortable » a-t-on dit) est une honte et un camouflet pour la France. Mais Trump n’a aucune gène (ou il y a de la gène y a pas de plaisir) tout l’exercice du pouvoir sera débridé, d’autant plus que le vieux Sleepy Jo a commis l’irréparable en graciant son fils Hunter qui traîne lui aussi pas mal de casseroles judiciaires. C’est dans cet esprit que j’ai qualifié hier Trump d’usurpateur, la séparation des pouvoirs (chère à Franklin et Jefferson, the founding fathers, pas très éthiques quand même si on fouille les poubelles de l’histoire) il en a rien à faire et mettra à sa botte le pouvoir judiciaire. J’aurai aimé que Trump soit touché par la Grâce Dimanche prochain à ND comme Paddy l’a hypothétisé hier, mais il vient pour se faire sacré Empereur du Monde. Qu’on se le dise!