Je reconnais que le titre que j’ai choisi pour cette chronique ne veut pas dire grand-chose et je ne voudrais pas qu’on pense que j’assimile Kamala Harris à “rien“. Mais premièrement, je trouve l’aphorisme plaisant dans sa forme, deuxièmement, dans l’étude des errements humains, Leibniz est quand même une référence, et troisièmement, la question mérite d’être posée dès maintenant, parce que dans peu de temps elle aura perdu tout intérêt.

Donc, pourquoi y a-t-il Trump au lieu de rien ?

Le tableau suivant nous vient de Edison Research. Je l’ai piqué dans le Figaro. Quand on se donne la peine de l’examiner quelques instants, la réponse saute aux yeux.
Mais d’abord, si vous le voulez bien, apprenons à lire ce tableau. (Je ne voudrais vexer personne, mais l’expérience m’a rendu réaliste.) Les pourcentages indiqués sont ceux des votants pour chaque candidat, en bleu pour Kamala Harris (Démocrate), en rouge pour Donald Trump (Républicain).Le nombre de points accolés en petits caractères rouge au bout de certaines lignes indique l’évolution des suffrages en faveur de Trump par rapport à l’élection de 2020.
Par exemple, on peut lire qu’en 2024, 44% des femmes ont voté Trump, cette proportion étant en hausse de 2 points par rapport à 2020.

C’est clair à présent ?

On voit donc qu’en 2024, Trump a amélioré son score de :
+ 2 points chez les femmes
+ 13 points chez les hispanos-latinos
+ 6 points chez les moins de 30 ans
+ 4 points chez les non-diplomés.

Deinde, ite missa erat. Mais pas de façon aussi claire qu’on pourrait le penser.

Regardez maintenant le tableau suivant :

Entre 2020 et 2024, le nombre de votes pour Trump est donc resté très stable tandis que, pour le candidat démocrate, il baissait de 10.000.000 de voix. En première analyse, on pourrait dire que l’électorat de Trump est resté le même entre 2020 et 2024 alors que dix millions de votants Biden de 2020 se sont abstenus de voter en 2024. Autrement dit Trump 2024 n’a rien gagné sur Trump 2020, par contre Kamala a perdu dix millions des électeurs de Biden.

Statistiquement parlant, je ne suis pas certain que la démonstration soit rigoureuse, je suis même certain du contraire. Mais elle a le mérite de la simplicité, ce qui la rend compréhensible par tout le monde. Et c’est bien pour ça qu’elle est fausse.

Par ailleurs, ce qui est très surprenant pour nous, les habitués du suffrage universel direct que le monde nous envie, c’est qu’avec leur foutu système anachronique, sur un corps électoral de 246.000.000, la Présidence des USA s’est jouée sur moins de 130.000 têtes de pipe. Autrement dit, et plus clairement, il aurait suffi que 130.000 électeurs ayant voté pour Trump se reportent sur Kamal Harris pour qu’elle soit élue.
Étonnant, non ? En réalité, c’est juste un tout petit peu plus compliqué que ça, mais pas beaucoup, et je le prouve.

Dans le tableau ci-dessous, on trouvera les résultats électoraux des trois plus importants Swing States, la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin.  (Je ne vais pas vous faire l’injure de vous expliquer ce que sont les Swing States. Ben si finalement : on appelle Swing State un état qui n’est ni fortement ancré Républicain, ni fortement ancré Démocrate et qui est donc susceptible de basculer dans un camp ou dans un autre à chaque élection)

Dans ce tableau, on voit que le score de Trump dépasse celui de Harris de 255.000 voix. Le déplacement d’un peu plus de la moitié (>127000) de ces voix auraient donc fait basculer le nombre de grands électeurs dans le camp de Harris, qui aurait donc été élue Présidente des États Unis.

Et c’est donc par la grâce de 130.000 non-comprenants qui n’ont pas su changer d’avis à temps que le monde va avoir affaire avec Trump pendant les 8 prochaines années !

Réjouissant, non ?