Mon dernier taureau n’est pas encore né (devise du toréador)
Quand on vieillit, la voiture ne sert plus qu’à aller chez le médecin et le petit déjeuner à avaler ses médicaments
Dire qu’il n’y a pas de « vrai » noir et blanc en photographie peut sembler provocateur de la part d’un photographe. Pourtant, c’est vrai. Nous avons grandi avec le noir et blanc qui était alors la seule expression possible en photo, voire au cinéma pour les plus anciens. Tous les grands photographes le sont devenus grâce à lui. Pour peu qu’on s’y intéresse, on est tous capables de juger la qualité technique d’une photo en noir et blanc sur ses caractéristiques comme le contraste, la profondeur des noirs, les nuances de gris allant du clair au sombre, etc … C’est parce que nous en avons vu des milliers que nous avons retenu inconsciemment ces critères de qualité qui nous permettent de les apprécier.
Ce qui est étrange, et que personne ne soupçonne, c’est que le noir et blanc auquel nous sommes habitués n’est pas le seul possible. Le classique, celui de toutes les photos de l’histoire, est un choix arbitraire entre plusieurs possibilités, une infinité même, de transformer les couleurs en noir et blanc. Je ne le savais pas jusqu’à l’avènement de la photo numérique.
Désormais, la prise de vue se fait toujours en couleurs. Libre à vous de transformer ensuite votre photo couleur en noir et blanc si cela vous plait mieux. Il y a deux façons de procéder : l’une simple et automatique consiste à cliquer dans Photoshop ou sur votre i-phone sur l’option Transformation en noir et blanc et votre photo devient noir et blanche. Vous pouvez ensuite modifier son contraste, sa clarté, sa définition mais le choix du type de noir et blanc ne dépend pas de vous.
Le résultat est à peu près celui que vous obteniez hier avec des films argentiques en noir et blanc. Il existe une autre façon de transformer une photo couleur en noir et blanc en utilisant l’option Mélangeur de couches dans Photoshop. Avec cette méthode, vous pouvez attribuer aux couleurs une traduction variable qui va du blanc au noir en passant par toutes les nuances de gris. C’est ainsi, je vous le promets : vous pouvez transformer le rouge en noir ou en blanc et toutes les autres couleurs de la même manière. Vous comprenez alors que le noir et blanc classique dont sont faites toutes les photographies que vous aimez est une possibilité mais qu’il en existe des milliers d’autres. Ce noir et blanc officiel ne correspond à aucune loi chimique intangible. C’est un choix arbitraire qui est pourtant devenu la référence universelle. Je ne sais pas s’il existe des exemples aussi surprenants dans d’autres domaines
La photo numérique, en couleurs comme en noir et blanc, a aujourd’hui non seulement remplacé mais même supplanté en possibilités et en qualités la photo argentique d’hier. J’ai fait un jour ce test en exposant des photos argentiques et des photos numériques : personne n’a su deviner en regardant un cliché s’il avait été fait en argentique ou en numérique. Les réponses étaient correctes une fois sur deux, c’est-à-dire purement aléatoires …
C’est bien écrit. Parmi les curiosités de notre époque, il y a celle dont j’ai déjà parlé concernant la littérature. Alors que dans tous les arts il faut impérativement innover pour espérer réussir, en littérature, au contraire, l’obligation est d’écrire aussi bien qu’hier. On peut discuter de l’originalité de telle ou telle écriture, mais cette exigence est souhaitable à défaut d’être incontournable. Rédigez un livre en argot, cela en amusera certains mais il n’aura aucune chance d’obtenir le Prix Goncourt. Pour qu’un livre, roman ou essai, soit réussi, il faut d’abord et avant tout qu’il soit « bien écrit ». Bien écrit est aussi, comme le noir et blanc en photo, un choix arbitraire, une référence parmi différentes façons d’écrire que le temps a entériné comme la référence absolue. Pourquoi n’écrit-on pas en phonétique ? Ou en hiéroglyphes ? Au début, il y a bien longtemps, ce choix relevait d’impératifs pratiques mais il était lui aussi arbitraire.
Dire d’un livre qu’il est bien écrit (je n’envisagerai pas le sujet qui peut être plus ou moins intéressant), c’est comme si on disait d’un tableau qu’il est bien peint. Vous êtes d’accord ? Or, jamais, au grand jamais, je n’ai entendu dire que la célébrité d’une peinture venait de ce qu’elle était bien peinte. Avec un tel critère, Signac serait un mauvais peintre et Bouguereau un peintre sublime. Même si cela peut surprendre, on s’aperçoit que les critères d’appréciation sont différents selon les arts.
En photo, il est une autre étrangeté : l’escalade de la qualité du matériel que je ne détaillerai pas. Or personne ne sait en voyant une photo avec quel appareil elle a été prise ni comment elle était avant traitement, hier en argentique, aujourd’hui avec photoshop. Une des photos les plus célèbres d’Henri Cartier-Bresson est celle de Jean-Paul Sartre fumant la pipe sur le Pont des Arts. J’ai vu le négatif : il est tellement surexposé que, si j’en avais été l’auteur, je ne l’aurais même pas développé. A la poubelle ! Mais, au prix d’un travail colossal de laboratoire (il s’agit d’argentique), des professionnels ont réussi à en faire quelque chose … Ma photo la plus regardée sur mon site montrant un paysage de Toscane (autrement dit la plus célèbre !) a été réalisée avec mon i-phone. Me croira-t-on ? Et pourtant c’est, vrai, c’est écrit dessous.
Alors à quoi sert de prendre des photos avec un appareil hors de prix ? Une photo n’est jamais réussie à cause de l’appareil ; ce n’est pas lui qui l’a faite mais le photographe et peu importe avec quoi. Le Talisman de Sérusier a été peint sur le couvercle d’une boîte de cigares en carton. Et alors ? C’est tout de même un chef d’œuvre. Et puis, se demande-t-on quelle est la marque des pinceaux dont se sont servis Monet ou Picasso ? Non, jamais.
Voit-on les couleurs de la même manière est une question à laquelle il n’y a pas de réponse évidente même si l’on est convaincu que tout le monde voit pareilles les couleurs de l’arc en ciel. Ce n’est pas si sûr et je ne crois pas qu’on puisse le démontrer. Si, depuis votre naissance, vous nommez rouge ce que votre voisin voit vert, bleu ce qu’il voit jaune, etc, on conclura à tort que, lui et vous, vous voyez les couleurs de la même façon. Le rouge, moi, je le vois vert mais je l’appelle rouge depuis ma naissance. Donc nous sommes apparemment d’accord mais ce n’est qu’une illusion.
« Or, jamais au grand jamais, je n’ai entendu dire que la célébrité d’une peinture venait de ce qu’elle était bien peinte ». Propos que Soulage, par exemple, appréciera. Et pourquoi beaucoup de photographes de renom reviennent à l’argentique? Et pourquoi les mélomanes les plus avertis abandonnent les CD et reviennent au disque vinyle? Pourquoi la créativité se méfie de l’IA? Comme Jim, je crois que Photoshop n’est pas de l’art photographique, tout au plus une technique, de l’illusion sûrement, de la trangénèse pourquoi pas.
@Lorenzo, merci pour ta réplique sans équivoque. Elle me fait penser à ces faux diamants synthétiques qu’on ne distingue pas d’un vrai diamant. Tes « valeurs » ne sont pas les miennes.
Merci Lorenzo de cette leçon de modestie : les photos exposées à la mairie du 6 eme ,démontrent avec éclat , que la technique ne crée pas le talent, mais que c’est le talent qui séduit le regardeur…
Le grand Leonard l’a dit avant moi: l’art est cosa mentale…
Et ceci vaut pour toute forme de création …
Ecriture, peinture, sculpture…
Le talent n’a rien à voir avec la technique…mais avec la façon dont on la fait oublier
@ Jim : désolé de te contredire, mais ce qui tu dis est complètement faux. Si tu étais venu voir mon exposition (que tu me peux regarder sur mon site laurent-mallet.fr dans la série Des correspondances dans les Musées au graphisme) j’aurais pu te le démontrer car tu aurais été incapable de savoir quelles étaient les photos faites en argentique et celles en numériques.
J’ai fait pendant trente ans de l’argentique, donc je connais assez bien le sujet quand même !!!
Ceux qui crachent sur Photoshop ne savent pas s’en servir. C’est infiniment plus riche que le laboratoire.
Ne me parlez pas de Photoshop, SVP, quand on parle de photographie en N&B. Tout le rendu d’une bonne photo argentique en N&B ne vient pas seulement de la prise mais essentiellement du travail de développement et surtout d’impression en chambre noire. C’est un travail « à la main » où l’on contrôle plus ou moins le flux de lumière passant au travers du négatif qui révélera sur le papier les contrastes du noir jusqu’au blanc. En dehors de cela, de nombreux paramètres interviennent, l’appareil photographique lui-même, les possibilités d’ouverture et de temps de pose de l’objectif jouant sur la profondeur de champs, les filtres ajoutés, le type de film utilisé, etc. Le travail en chambre noir lui aussi est fonction du matériel utilisé qui n’a pas besoin d’être sophistiqué. Alors, SVP, ne me parlez pas de Photoshop.
PS: la remarquable photo couleur en ouverture du roman par épisodes Go West a été prise avec un appareil Kodak Rétinette ancien, extrêmement simple (ouverture/vitesse/filtre additionnel), qui a permis de réaliser de très belles photos en N&B au cours de longues soirées d’hiver au Canada pour leur tirage sur papier. Un art, si j’ose le dire, bien plus passionnant que finaliser une photo sur un écran numérique.