Hier matin, en relisant l’extrait publié d’ »Un jour qu’était pas fait comme les autres« , j’ai pensé aux raisons qui m’avaient poussé à écrire cette courte nouvelle à prétention humoristique : une amie m’avait rapporté qu’une personne de sa connaissance, qui avait tendance à raconter tous les petits et grands événements de sa vie avec force détails, commençait souvent ses histoires les plus infimes avec cette entrée grandiose digne de Flaubert : « C’était un jour qu’était pas fait comme les autres« . La formule me plut aussitôt et je décidai d’en faire l’incipit de ma prochaine nouvelle.
Vous connaissez mon goût pour mettre en scène les mal élevés, les crétins, les mauvais, les méchants, les étroits, les rancuniers, les pusillanimes et les abrutis de toutes sortes. Vous savez aussi que, ceux-là, j’aime bien les faire parler dans leur langue, du moins dans celle que je leur imagine. C’est à cause de cette prédilection qu’est né à la postérité littéraire Steeve Ratinet, demeurant 15 rue Dacauté à Paris, avec son phrasé parigot et métaphorique.
Comme vous avez certainement gardé en mémoire tous les détails de cette mémorable histoire, je ne divulgacherai — spoilerai — rien en rappelant que pour Steeve, elle commençait en enfer pour s’achever dans un purgatoire avec vue sur paradis. En effet, tout en voulant amuser la galerie avec les mésaventures d’un énième Ratinet, je souhaitais critiquer de façon acerbe l’isolement et l’indifférence aux autres qui règnent dans notre société déshumanumérisée et même l’hostilité naturelle et automatique qui prévaut entre les individus. C’est seulement mon humanisme viscéral qui m’avait conduit à terminer sur une note d’espoir avec mon paradis post-purgatoire utopique.
En bref, le monde d’aujourd’hui, c’était l’enfer, mais celui de demain, ce pourrait bien être le paradis.
Alors ce matin, en regardant en différé la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques, car, en direct, c’eut été au dessus de mes forces tant celle des J.O. m’avait été pénible, celle des Jeux Paralympiques, en voyant cette vraie joie des participants, en écoutant cette douce et émouvante Marseillaise à la flûte traversière, en voyant l’ampleur et la fluidité de la chorégraphie, la beauté des images projetées sur l’Obélisque et sur la scène, la majesté des images aériennes de Paris la nuit, en me rappelant aussi ce que j’avais vu des épreuves sportives des J.O. qui venaient de s’achever, l’enthousiasme du public, l’émotion des vainqueurs, celle aussi des vaincus, ma propre émotion devant la leur, en me souvenant du quasi-unanimisme quant à la réussite globale de ces Jeux, en prédisant, et avec tout ce qui précède c’était facile, que les J.P. seraient tout aussi réussis que les J. O., je me suis dit que depuis quelques semaines nous vivions dans un paradis illuminé de beauté, de bonne volonté, de joie et de concorde.
Bien sûr, ce n’est qu’un rêve national, une utopie médiatique, une illusion collective et demain ou le jour d’après, nous allons retrouver le monde où vivait Steeve Ratinet avant sa mort et où vivent encore et pour longtemps des tas de gens désagréables emplis d’idées déplaisantes.
Mais quand même, cet Eden éphémère, ça valait drôlement le coup.
Ben oui, mais… euh… bon… on aurait préféré quelque chose d’un peu plus personnel…
L’enfant qui veut vider la mer
C’est une peinture ancienne
Dans une église de mon pays
C’est un petit garçon qui veut
Vider la mer
Avec une cuiller
Un saint passe par la plaine
Traînant sa robe de laine
Je crois qu’il lui dit
« On n’ peut pas vider la mer
Ni compter les brins du gazon vert
Ni cueillir à travers les feuilles
Les cheveux brillants du soleil
Mon petit, y a rien à faire
N’essaie plus d’ vider la mer »
C’est une peinture ancienne
Dans une église de mon pays
C’est un petit garçon qui veut
Vider la mer
Avec une cuiller
Julos Beaucarne, 1968
Ah ! la poésie, ou plutôt la Poésie…
Ah ! l’Art…
Evidemment, avec des souhaits de ce genre, on ne risque pas trop la contradiction ; la controverse, peut-être, mais pas la contradiction.
La contradiction.
Pourrait-on aujourd’hui, sans être aussitôt couvert d’opprobre, déclarer : « Moi, la poésie m’emmerde. Lamartine me fait rigoler, Victor Hugo m’endort. Quant à Saint-John Perse… non, je préfère me taire ! »
Qui osera encore dire : « Personnellement, je suis insensible à l’Art. D’ailleurs je n’ai jamais rien compris à Claudel. Ni à Picasso » ?
Pierre Desproges aurait pu dire ça. Mais il est mort, le con !
La controverse.
C’est le chic paradoxal, le summum du raffinement, le ressort des diners ennuyeux : « Non, ce n’est pas Shakespeare qui a écrit Hamlet, mais Christopher Marlowe ! Mais non, voyons, c’est le VIème comte de Derby ! » « Le Caravage peignait-il de la main droite ou de la main gauche ? » « Paul-Loup Sulitzer a-t-il été le nègre de Romain Gary, ou bien est-ce l’inverse ? » « Pourquoi Verlaine a-t-il écrit ‘De la musique avant toute chose’ alors qu’il ne connaissait même pas le solfège ? »
Alors, mes chers lecteurs, allez-y ! Je prends au mot votre souhait respectable. De la Poésie ! De l’Art ! Lancez-vous, écrivez sur l’Art, balancez sur la Poésie, cherchez la controverse fertile, provoquez la contradiction émulatrice. Profitez des nombreuses colonnes encore vides du Journal des Coutheillas. Mais attention ! Allez-y, mais de façon élaborée, s’il vous plait. Les interjections, les onomatopées, les émoticones et les aphorismes de moins de six mots ne seront pas admis.
Bonne idée, revenons à la poésie, ou plutôt à l’art en général, et, si possible, sans impairs.
Pourrions nous revenir, s’il vous plait, à ce qui nous intéresse le plus, à savoir la poésie ?
Merci.
Lorenzo
Mon Colonel, avec tout le respect dû, sans dissolution ni élections subséquentes (deux tours) les électeurs seraient encore sous l’euphorie des JO et JP, leurs préoccupations loin des gesticulations politiques, même si on peut imaginer que les médias se seraient alors ingéniées à créer une ambiance délétère avec toutes sortes de spéculations à propos d’une dissolution « à venir », et cela surtout pour faire oublier toutes leurs spéculations défaitistes avant les JO.
La trêve est finie. La preuve : même pendant cette parenthèse enchantée, il a fallu qu’il l’ouvre, le Pingouin.
Quand le député de la 1ère circonscription de la Corrèze déclare qu’en ne nommant pas Lucie Castets Premier Ministre, Macron commet une faute institutionnelle, c’est lui qui dit une connerie constitutionnelle. Mais ce n’est pas grave, car il n’est qu’un simple député de la 1ère circonscription de Corrèze.
Mais quand un ancien Président de la République vient se soumettre à Jean-Luc Maduro au sein du Nouveau Front Populaire, quelle genre de faute commet-il ?
Bien dit!
Si E. Macron n’avait pas dissous en Juin l’Assemblée Nationale au prétexte qu’une motion de censure était inévitable à la rentrée nous n’aurions pas le chaos politique actuel et je parie que le résultat des élections en Octobre eut été différent, gérable en tout cas, car les électeurs se seraient rendues aux urnes dans une humeur différente par la magies opérée par les JO et JP. C’est aussi ce que m’inspire le texte d’aujourd’hui au-dessus.