C’ÉTAIT UN JOUR QU’ÉTAIT PAS FAIT COMME LES AUTRES (Extrait)

(…). Faut absolument que j’appelle la boite ! Faut que je dise à Verlingue que je vais être en retard, et sacrément même, mais que c’est pas ma faute, que c’est la faute à ces salopards de grévistes — sûr qu’il va aimer ça, Verlingue, ces salopards de grévistes —  qui empêchent l’honnête ouvrier de se rendre à son travail pour gagner l’entrecôte. Le problème, c’est que j’ai plus de portable depuis qu’on me l’a piqué pendant que je me reposais dans le bistrot à Paulo où je soigne ma cuite hebdomadaire. Comme téléphone, y aurait bien chez Liang, le chinetoque qu’a racheté le Balto, de l’autre côté de l’avenue. Mais l’autre problème, c’est que j’ai eu des mots avec lui. La dernière fois que je lui ai causé, au Chinois, c’était pour lui dire que j’y refoutrais jamais les pieds, dans son rade de minables. Y m’avait répondu un truc du même tonneau, genre je sais plus quoi. Bref, on est en froid, Liang et moi. Bon, mais j’ai pas le choix. Faut que je passe un coup de fil. J’entre dans le troquet. C’est pas Liang qu’est derrière le comptoir, c’est un autre jaune, mais qu’est-ce que ça peut foutre ? Sont tous pareils de toute façon.

« Salut, gros lard, que je lui dit au niakoué. T’as le téléphone ? »

Je m’attendais à une vanne quelconque, une chinoiserie à la con, mais non ! Le voilà qui me dit :

« Tiens donc ! Mais c’est Monsieur Steevie ! Et comment qu’il va, aujourd’hui, Monsieur Steevie ? Il prendra bien un petit quelque chose ? »

Je sais pas comment il connaît mon nom, le gazier, mais j’ai pas le temps de lui demander. Alors je lui dis :

« Suis pressé ! Je t’ai demandé le téléphone. T’as pas entendu ? T’as des germes de soja dans les oreilles ? Té-lé-phone ! Toi pas compris ? C’est pas sorcier, quand même ! »

Je sais bien que gueuler, c’est pas une bonne méthode quand on demande un service à quelqu’un, mais c’est plus fort que moi, je peux pas faire autrement. Moi, à sa place, je me serais foutu dehors illico, mais lui, pas du tout :

« Ah ! Excusez-moi, Monsieur Steevie, qu’il me dit, tenez le voilà, le téléphone. Et désolé, hein, je pouvais pas savoir que…

— Bon, ça va, Gros lard, ça va ! que je me radoucis en attrapant le biniou. »

Je fais le numéro et, bizarre, ça décroche tout de suite. Pas de tut-tut-tut-occupé, pas de Quatre Saisons à la con, tout de suite une voix :

« Bonjour, Steeve. Que puis-je pour vous ? »
Qu’est-ce que c’est encore que ce bordel ? C’est pas la voix de seringue de la Vivianne de d’habitude ! Ensuite, comment qu’elle sait que c’est moi au bout du fil ? Et puis d’abord, comment elle connaît mon nom, cette sauterelle ?

Bon, on verra ça plus tard.

« Passe-moi Verlingue, poupée, et que ça saute ! que je lui demande gentiment. »

Et d’une voix plus douce que celle d’une publicité pour couches-culottes, la fille me susurre :

« Monsieur Verlingue est dans l’impossibilité de vous parler pour le moment, mais il comprend parfaitement les raisons de votre retard. Soyez assuré qu’il ne vous en tiendra pas rigueur le moins du monde. Vous avez tout votre temps, Steeve, tout votre temps. Puis-je faire autre chose pour vous? »

Tout ce que je comprends de ce charabia, c’est qu’il est devenu gâteux, Verlingue. D’après la donzelle à la voix d’or, cette salope de garde-chiourme me donnerait tout mon temps pour arriver au bureau ! J’y crois pas ! C’est bien plus que du bizarre, ça ! C’est du pas possible, tout simplement. Mais après tout, je me dis que ce qui est dit est dit et que ce serait naze de pas profiter de ma journée. (…)

*

La triste histoire dont vous venez de lire quelques lignes fait partie du recueil du nouvelles « La Mitro« , disponible sur Amazon.fr.  Vous pouvez vous rendre sur le site de vente en cliquant sur l’image de la couverture ci-dessous.

LA MITRO et autres drôles d’histoires
C’est un recueil de nouvelles qui porte le titre de la première d’entre elles. Assez inspirée par Marcel Pagnol, il faut la lire avec l’accent. Les autres nouvelles revisitent aussi bien l’assassinat de Jules César que les jeux télévisés, les petits meurtres sans importance, l’effet papillon ou la manière d’accéder auParadis.

Une réflexion sur « C’ÉTAIT UN JOUR QU’ÉTAIT PAS FAIT COMME LES AUTRES (Extrait) »

  1. C’est un jour comme les autres aujourd’hui, un jour qui sent l’automne, les feuilles mortes, la fin des vacances, la fin des siestes dans un transat en savourant une nouvelle de La Mitro, la remise au placard des transats et des chapeaux de paille, bientôt la fin des Jeux, et le retour aux affaires habituelles, politiques, géopolitiques, le dérèglement du climat, la guerre, l’avenir de la société et même de la Société des Nations, les affaires sérieuses quoi. Une affaire ce matin m’intéresse plus particulièrement, elle porte deux noms corrélés: Pavel Dourov et Instagram. Le JDC est concerné, on verra ça plus loin.
    L’affaire de Pavel Dourov et d’Instagram agite la presse française et même internationale car elle pose une fois de plus la question de la responsabilité au regard des messages online propagés par les réseaux dits sociaux comme Instagram, Facebook ou X, qu’ils soient totalement « fake », qu’ils interfèrent dans les processus démocratiques, ou bien qu’is soient criminels au regard de la loi du pays dans lequel ils sont propagés. Dourov, Zuckerberg ou Musk affirment qu’ils ne sont pas responsables des messages au nom de la liberté d’expression. Ils ne font que fournir un instrument de propagation des messages, la responsabilité de ceux-ci ne relevant que de leurs auteurs. Se pose tout de même la question de la modération possible de ces messages. Zuckerberg en a déjà fait l’expérience par un examen devant une commission du Congrès américain qui l’a contraint à un semblant de modération. Dourov et Must refusent d’obtempérer. Voilà pourquoi l’examen de Dourov par la Justice française est suivie de près par les pays démocratiques (la position de la Russie est une énorme mascarade) et nombreux sont ceux, dont moi, qui espèrent une condamnation claire qui puisse faire jurisprudence. Je ne vois aucun progrès civilisasionnel dans les réseaux sociaux.
    Rassurez-vous chers lecteurs du JDC, son directeur nous assure que tous les commentaires font l’objet d’une modération scrupuleuse, en tout cas au regard de la loi et des bonnes moeurs. Pour le reste, c’est à nous de juger.

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