Rendez-vous à cinq heures avec Alain-Fournier

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Ma chère Yvonne

Lorenzo nous fait aujourd’hui le plaisir de partager une lettre qu’il a retrouvée avant-hier entre deux pages d’un vieux livre. Il s’agit d’une lettre écrite par d’Alain-Fournier à Yvonne de Galais, lettre de poilu,  lettre d’outre-tombe, lettre émouvante, lettre précieuse, jamais publiée. Cette lettre fait naitre deux questions essentielles :
Doit-on en conclure que la chère Yvonne a existé ?
— Doit-on en conclure que Les Corneilles du septième ciel avaient été éditées une première fois avant leur parution dans le Journal de Coutheillas.
Lisez et vous jugerez.

Ma chère Yvonne,

Excusez l’audace, chère illusion de ma jeunesse, qui m’a fait prendre la plume pour vous écrire ces quelques mots d’un adorateur désespéré. Pas la moindre nouvelle de vous depuis 15 ans ! Je me morfonds, seul dans la tombe par la force des choses et des bombes allemandes. Qu’à cela ne tienne, je suis tellement désireux de recevoir un jour de vos nouvelles ! Les miennes à Saint Agathe n’ont guère d’intérêt. Je voudrais tout de même vous relater les événements de ce morne jeudi d’octobre qui nous avait laissé fort désœuvrés depuis le départ de Franz peut être lié à la disparition des poules du Père Ménard. Nous décidâmes, Julien, le fils de l’instituteur, et moi, d’aller chercher des champignons en ce début d’automne pluvieux. Le ciel était d’un bleu profond en ce matin glacial où nous nous rendîmes de fort bonne heure dans le bois de la Sauvagère. Un soleil pâle parvenait encore à illuminer d’éclats chatoyants les feuillages devenus rares de nos peupliers. Déjà, l’orangé de l’automne avait paré leurs chevelures d’étranges et irréelles nuances. Sur l’étang ombragé, quelques canards devisaient de leur prochain départ pour l’Afrique. Augustin et moi avancions courbés dans les fougères sans faire le moindre bruit. Nous espérions admirer au plus près ces beaux volatiles avant leur migration hivernale. Ce n’était pas la première fois, malgré les réticences de ma mère, que nous partions ainsi au plus profond des fourrées dans une forêt que j’aimais et connaissais à merveille. Augustin me suivait et me faisait confiance, une fois n’est pas coutume. Nous parvînmes au bord de l’étang, à un endroit où les rayons de ce soleil automnal parvenaient encore à réchauffer ses rives désertées. Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir, batifolant telles de jeunes adolescentes, une troupe de corneilles ! Elles étaient sept comme les dénombra à plusieurs reprises mon ami Julien.

  • Sept comme les corneilles du septième ciel! dit-il car il avait lu tous les ouvrages classiques malgré sa jeunesse
  • Quel heureux présage! Et il me conseilla vivement de faire un vœu.

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