Les corneilles du septième ciel (42)

Chapitre 42

La publication de l’œuvre considérable de Ph. dans l’illustre collection de la Pléiade n’a surpris personne. Ce succès attendu et mérité, il l’aura connu de son vivant, prouesse unique partagée avec dix-huit autres célébrités. Nous n’énumérerons pas aujourd’hui la liste de ses écrits aussi éclectique que variée. Seule la présence de son roman de jeunesse, A La Recherche du Tampon Perdu, nous a semblé discutable. Certes, il le rédigea pour occuper son temps pendant un séjour au Grand Hôtel de la Santé dans le XIV ème arrondissement (voir supra) mais la trivialité et la misogynie de ce récit pornographique en ont choqué plus d’un. Reconnaissons néanmoins que ce texte écrit à la manière de son célèbre ainé possède une qualité supplémentaire : la concision. L’original ne comporte pas moins de 15 000 pages, soit 4 volumes dans la Pléiade et 7 tomes dans la collection Quattro de Gallimard, alors que le roman de Ph. dit à peu près la même chose en seulement 32 pages.

Caractéristiques de son œuvre immense, l’élégance de son style et la dignité de son propos forcent le respect envers l’écrivain et l’homme. De ces romans à ses poèmes en passant par ses articles polémiques rappelant ceux de Léon Daudet ou ses critiques cinématographiques dignes de celles de François Truffaut, il n’a jamais hésité à dire sa vérité, celle que d’habitude personne n’ose révéler. Quant à ses analyses des grands textes de la littérature française comme Les Corneilles du Septième Ciel, elles allient pertinence et objectivité sans jamais verser dans la basse flatterie. Même si certains esprits chafouins le soupçonne d’avoir puisé son inspiration dans les œuvres méconnues de ses amis proches, on ressent une ivresse vertigineuse devant la fluidité de son écriture qui a su aborder avec succès tous les genres littéraires : la passion amoureuse dans Les Bonheurs de Sophie, la réflexion philosophique dans Penser n’est pas jouer, la critique de la religion dans son Discours de l’abbé Tode, la poésie dans Les Yeux Déjà, la fougue épique dans Les Cinq Moustiquaires et l’analyse sociologique dans son chef d’œuvre inégalé, Un Souper d’Aveugles, qui n’est pas sans rappeler Un Souper d’Aveugles de Lorenzo dell’Acqua, un texte magistral injustement tombé dans les oubliettes du Mans.

Comme un bonheur n’arrive jamais seul, sa nomination à l’Académie Française au siège de madame Hélène Carrosse d’En l’Air, ne fut qu’une péripétie à laquelle de nombreux amis, dont moi, ne furent pas étrangers. Il bénéficia, il est vrai, d’un heureux concours de circonstances dû à une épidémie qui mit à mal la définition optimiste pour ne pas dire fantaisiste de ses quarante membres puisque seuls dix d’entre eux survécurent.

Dans son discours de réception, il évoqua avec émotion et poésie son enfance et ses amis : René-Jean sur la plage de Saint Brévin, Lariégeoise et Edouard Minette à Chants de Fées, Madeleine à l’infirmerie du lycée Saint Louis, Bruno Body, Jim Nastyck, Edgar Kiné et Paddy Papris au Jardin du Luxembourg, puis les mêmes à la terrasse ensoleillée du Cyrano. Il témoigna aussi sa reconnaissance au PCF (Philippe Coutheillas Fanclub) pour l’aide psychologique et surtout financière qu’il lui apporta lors de ses débuts.

Dans l’amphithéâtre comble du quai Conti s’installèrent au premier rang Jim Nastyck, Bruno Body, Edgar Kiné, Paddy Papris et Milena-Chantal Davidovitch, plus connue sous son nom de plume, Lariégeoise, bien qu’elle ne participât jamais à des spectacles de music-hall. Afin de célébrer dignement leur amitié de plus de cinquante ans, ils avaient revêtu l’élégant uniforme de leur jeunesse qu’ils n’abandonnèrent jamais (leur jeunesse, pas l’uniforme) : un short blanc-crème, un blazer bleu azur, une cravate club jaune rayée de rouge sur une chemise noire et, dans les bras, le bateau à voile en bois qu’ils louaient tous les jeudis de leur enfance au Jardin du Luxembourg. Ce fut une bien belle cérémonie à laquelle seul Lorenzo dell’Acqua, légèrement indisposé, ne put assister.

A SUIVRE 

Lorenzo dell’Acqua

NOTE DE L’ÉDITEUR

Pour répondre à une question qui m’a déjà été posée par plusieurs lecteurs du JdC, une question qui brûle les lèvres des autres à l’exception de ceux qui sont familiers de ma façon d’écrire et de mes thèmes favoris, je tiens à préciser que ni Lorenzo, ni Lorenzo dell’Acqua ne sont de mes pseudonymes et que je ne suis pas l’auteur des “Corneilles du septième ciel”, ni de tout autre texte, critique, aphorisme, calembour et autre contrepèterie signée Lorenzo, Lorenzo dell’Acqua ou Lorenzaccio.
Par ailleurs, les aventures, accidents, analyses, analepses, avatars, avanies et apothéoses que vivent les personnages des « Corneilles » et en particulier les dénommés Philippe, Philippe 1, Philippe C et assimilés n’ont rien à voir avec ma propre existence. Qu’on se le dise ! 

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