La Tour Eiffel qui penche ! (5/5)

temps de lecture : 5 minutes

Résumé des chapitres précédents :
La tour Eiffel penche ! Que d’un côté, mais pas qu’un peu ! C’est un dénommé Ratinet, photographe, qui s’en est aperçu. N’écoutant que son devoir, il a voulu en informer la Direction de la Société d’Exploitation de la Tour Eiffel, mais celle-ci (la Direction, pas la Tour, la pauvre) n’a pas voulu fermer le monument aux touristes pour ne pas contrarier ses actionnaires. Mais elle a quand même fait deux choses : au photographe, elle a fait prendre un ascenseur privé très spécial (le pauvre homme n’en est pas revenu, de cet honneur) et à la Tour, elle a secrètement accolé une énorme structure de soutien. Mais la Presse s’est emparée de l’affaire, et quand la Presse s’empare de quelque chose, il est toujours délicat de prévoir ce qu’elle va en faire. Voici :

Le lendemain de l’évènement tragique, à la page 6 d’un grand journal du soir, on pouvait lire :

« Accident mortel à la Tour Eiffel
Hier en fin de matinée, un visiteur a fait une chute mortelle depuis le deuxième étage de la Tour Eiffel. La Société d’Exploitation de la Tour Eiffel se perd en conjectures sur les raisons qui ont poussé cette personne à ouvrir la porte pourtant verrouillée d’une cage d’ascenseur désaffectée depuis plus de vingt ans. Le corps de la victime de ce malheureux accident, monsieur Gérald Ritinet, 37 ans, typographe, a été transporté à Bouseville, Calvados, dont il était originaire.
»

*

5-Le poids des photos 

Sur la page d’en face, une grande photo de la Tour Eiffel illustrait l’article suivant :

« La nuit dernière, le voisinage de la Tour Eiffel a été dérangé une bonne partie de la nuit par les travaux de montage d’une gigantesque structure métallique. Ces travaux, qui n’avaient pas été annoncé, commencés vers 22h45, se sont achevés à 5h30 heures du matin, ce qui, de l’avis des spécialistes, représente une véritable performance pour un ouvrage de cette importance. La construction réalisée

se présente comme une gigantesque poutrelle en treillis métallique, inclinée à 45° environ et s’appuyant, d’un côté, sur la Tour Eiffel entre ses deuxième et troisième étage et, de l’autre côté, au sol, à l’entrée du pont d’Iéna.
Malgré les efforts que nous avons déployés tant auprès des plus hauts échelons de l’Administration que de l’entreprise contractante, il ne nous pas été possible d’obtenir d’information sur la raison des travaux ni sur la nature de l’ouvrage.
S’apprêterait-on encore une fois à repeindre la vieille tour à l’aide d’un échafaudage d’un type nouveau. S’agirait-il d’un dispositif scénique pour un prochain spectacle en mémoire de Johnny Halliday ? Ou d’un accessoire de tournage pour le film que Tom Cruise doit tourner bientôt à Paris ? Ou d’une nouvelle folie pseudo artistique comme notre Maire semble les affectionner ?
Quoi qu’il en soit, les Parisiens ont le droit de connaitre les tenants et les aboutissants de cette nouvelle horreur sur laquelle le monument semble s’appuyer et qui le défigure. »

(Si vous voulez vraiment voir cette photo, il va falloir que vous cliquiez dessus !) 


Un mois plus tard, un hebdomadaire d’enquête publiait cet article : 

Les habitants du quartier de la Tour Eiffel se souviennent encore de cette nuit terrible au cours de laquelle, sans qu’ils en aient été aucunement avertis, une étrange structure métallique a été installée en catimini et en appui sur la tour elle-même. Malgré les protestations de l’opposition à la Mairie de Paris et les interpellations du gouvernement par un collectif de députés d’origines diverses et douteuses, la raison de cet installation est restée inconnue. La population, habituée aux incompréhensibles extravagances de la Mairie de Paris, s’est résignée à ce nouveau mystère et est retournée vaquer à ses occupations. 

À peine remis de leurs émotions, les mêmes riverains ont vu leur nuit du 23 au 24 perturbée encore une fois par des travaux d’une ampleur jamais vue. Notre correspondant sur la rive gauche s’est rendu sur place et voici le récit qu’il nous en a fait :
« Le 23 de ce mois, vers 22 heures, un convoi exceptionnel constitué de 17 camions gros porteurs et 5 autocars est arrivé aux pieds de la Tour Eiffel par le quai de XXXX; Les hommes descendus des autocars se sont partagés en deux équipes, l’une attaquant le démontage de la structure qui avait été installée précédemment tandis que l’autre procédait au montage de ce qui, au bout de quatre heures d’un labeur acharné se révéla être une gigantesque grue. À l’aurore, les voisins alertés par le bruit du chantier et accourus en masse virent avec stupeur qu’on avait arrimé la grande antenne de la Tour au crochet de la machine superlative et qu’on était en train de la soulever lentement. Craignant qu’on ne leur vole ce qui faisait la fierté du quartier et justifiait l’incroyable prix du mètre carré de leurs appartements, les copropriétaires ont voulu s’opposer à cet enlèvement scandaleux en se couchant devant les roues de l’engin diabolique. C’est alors que le chef de chantier, Monsieur Ramos da Silveira les rassura en leur dévoilant le poteau rose :
« Rachourez-vous, Mesdames jé Mechieurs, on va pas la boucher d’oune chentimètre, vouchtre Tour Iffel. On va la choulever oune chouia, iouste pour placher des cales chous chés pieds. Pas de chouchis, ch’est cheulement pour la redrécher. Parche qu’il parait qu’elle penche, vouchtre Tour.  Chi ! Chi ! Elle penche, la Tour Iffel ! Bon, ch’est pas tout cha mais maintenant, faut dégacher, parche que moi, ch’ai dou boulot. »
Notre photographe a pu saisir l’instant de l’arrimage de la Tour Eiffel à la grue. 

Mais si vous voulez vraiment la voir, cette photo, il va falloir cliquer dessus !

© photo 1 : Gérard Ratinet
© photo 2 : Thomas Coutheillas

 

Une réflexion sur « La Tour Eiffel qui penche ! (5/5) »

  1. Sans aucun doute, Gustave, le père de La Tour qui porte son nom, le roi du Mécano, apprécierait cette structure métallique qui apparaît comme un hauban , en réalité un étai, et il en ajouterait trois autres, l’ensemble de ces quatre étais pouvant servir de base à l’édification d’une nouvelle tour, la plus haute au monde, d’une hauteur de 903 mètres, dépassant ainsi la détentrice actuelle du record, le Burj Khalifa à Dubaï qui ne s’élève péniblement qu’à 828 mètres. Vive le génie français aurait dit Ratinet, et Madame le Maire de Paris, l’élue des gogos, dont on ose plus prononcer le nom, aurait même dit avec l’enthousiasme qu’on lui connait « let’s do it, let’s go »!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *