Les corneilles du septième ciel (7)

temps de lecture : 2 minutes 

(…) La solitude, le goût des vieilles filles, ses difficultés avec les plus jeunes, conduisirent le jeune Philippe chez un autre médecin, le psychanalyste Henri Namur, qui réussit le tour de force de lui faire admettre enfin le bien-fondé de la réaction de Myriam.  A la fin de ses études de médecine, il choisit donc cette discipline à laquelle il devait tant.

Chapitre VII

En 1919, les arrière-grands-parents de Philippe d’origine juive avaient fui  la Crimée pour échapper aux bolcheviques. Sur le navire anglais qui les emmenait à Constantinople, leur fils, son grand père Isaac Kourilsky, alors âgé de dix ans, avait joué aux échecs avec le Prince Youssoupov émerveillé par ses dons précoces. En France, où sa famille s’installa, il épousa plus tard Esther Krawisky, une jeune fille juive d’origine polonaise. Ils eurent deux fils : Jacob, le père de Philippe, et Samuel, le père de Myriam. L’aîné fit de  brillantes études de médecine et fut nommé Chef du service d’Anatomo-pathologie au CHU de Poitiers.

Peu après sa cruelle désillusion avec Myriam, et sans qu’il y ait de relation de cause à effet évidente, Philippe, qui se prénommait alors Salomon, demanda à ses parents scandalisés de changer de nom : il voulait se prénommer Philippe, comme tout le monde, et se nommer Cadiot, pour en finir avec les sobriquets humiliants de ses camarades. Leurs contenus intriguaient Philippe qui se demandait alors et se demande encore si son aventure avec Myriam n’avait pas été ébruitée.

Sa petite cousine fit elle aussi ses études secondaires au Lycée Du Bellay qui accueillait des garçons et des filles dans deux ailes symétriques et séparées. De temps en temps, ils pouvaient s’apercevoir dans la file d’attente au réfectoire. La vision de Myriam troublait Philippe et pas seulement à cause de sa déconvenue passée. C’était désormais une jolie brune aux yeux bleus qui collectionnait les succès tant scolaires que masculins. Il trouva très imprudente pour ne pas dire suicidaire sa décision de ne plus jamais lui adresser la parole.

Aujourd’hui âgé de quarante ans et toujours célibataire, Philippe avait perdu ses cheveux assez tôt. Depuis, sa calvitie précoce lui procurait un avantage certain : il donnait l’impression de ne pas vieillir. Malgré une vie sentimentale riche et variée, sa cousine Myriam n’avait jamais réussi à se fixer ; elle était donc, elle aussi, toujours célibataire et toujours très jolie. Philippe avait fini par accepter de la revoir lors du mariage d’un cousin éloigné. Ces  retrouvailles avaient confirmé ses craintes : Myriam, Professeur en littérature comparée à la Faculté de Limoges, était belle et intelligente. Ils évoquèrent leur aventure à la kermesse et en rirent de bon cœur. Mais, ce qui troubla le plus Philippe, ce fut sa ressemblance avec Leïlah Mahi.

A SUIVRE 

4 réflexions sur « Les corneilles du septième ciel (7) »

  1. @René-Jean. Des déboires sentimentaux j’en ai connu, oui, mais des agressions sur mes organes génitaux, pas encore. Au cas où tu en douterais, cette histoire est en général une fiction. Pourtant, ce lycée a bien existé, il s’appelait le Lycée Montaigne. Comme quoi, un homme modèle peut avoir donné son nom à un univers à l’opposé de sa philosophie. Contrairement à toi, je n’en veux pas à mes professeurs qui n’ont pas su déceler mes qualités tout au long de ma scolarité pour la bonne raison que, je crois, je n’en avais pas. Par contre, j’en veux au delà de ce tu peux imaginer à ceux de terminale au lycée Louis le Grand qui m’ont asséné à l’âge d’à peine seize ans que je n’étais pas du niveau pour réussir à intégrer une grande Ecole d’Ingénieurs comme celle des Ponts et Chaussées. Voilà, c’est dit enfin ! Je me sens guéri après trente cinq ans de psychanalyse car j’ai enfin réussi à formuler noir sur blanc le drame qui a gâché toute mon existence jusqu’à ce que je rencontre Philippe dont l’aide, la bienveillance et les encouragements désintéressés ont été si précieux sur le chemin de ma rédemption. Il est vrai, comme le signale non sans justesse Lariégeoise, qu’il est un peu tard et qu’il ne va pas être commode de rattraper tout ce temps perdu. Mieux vaut tard que jamais ! Alors, ce soir, mes amis, ça s’arrose, je vous offre le champagne virtuel ! J’ai donc fait médecine par défaut nourrissant toutes les nuits ma haine envers les Grandes Ecoles (surtout une). Heureusement, j’eus d’immenses compensations à la Fac de Médecine où mes camarades, qui n’étaient ni catholiques, ni protestants, mais juifs, m’ont tout appris. Je leur voue une reconnaissance infinie.

  2. @Lariégeoise. Ne sois pas impatiente, il y aura au chapitre VIII des révélations terribles et pourtant vraies qui risquent de faire du bruit dans les chaumières. En plus, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé pourrait ne pas être fortuite. Les deux tourterelles ne vont pas tarder à réapparaître dans le ciel des corneilles au chapitre IX. Tu comprendras aussi pourquoi Leïlah Mahi en fait fantasmer plus d’un ….

  3. Ce sont de vraies poupées russes:voila qu’entre en scène Leïlah Mahi…
    Encore une tortionnaire des attributs de Salomon – Philippe?
    Mais où sont passées les deux tourterelles?

  4. Belle histoire, Lorenzo et fort bien écrite! Mais le fond m’intrigue, comme toi (et sans doute beaucoup d’autres) j’ai connu des déboires sentimentaux précoces. Ces exemplaires, à nos yeux rarissimes de la gente féminine, qui hantent toutes les nuits subséquentes de notre existence en s’invitant dans nos rêveries qui ne manquent pas de finir en… cauchemars! Mais tu évoques aussi une école mixte qui l’était à peine et devint ainsi cause de beaucoup de peines! Toutes les écoles ou boites à bac que j’ai fréquentées étaient réservées à des fils à papa. L’École Fènelon m’a étouffé tandis que le Cours Bergson, dirigée par le sage Juif, Polès m’a transformé en apprenti philosophe. Alors que les Curés ou Corbacs, voyant en moi un potentiel voleur d’œuf, redoutaient que je parte avec toute l’étable où accoucha la vierge, le Juif s’est efforcé de voir où se situait la lumière au bout de mon long tunnel et, Yahvé Merci! il y parvint! Ce qui me permit de fréquenter ensuite Sorbonne et Science Po., deux institutions vraiment mixtes. Alors que les jeunes filles de la bourgeoisie parisienne m’y stimulèrent énormément, je suis tombé sur l’une d’entre elles qui eut, de loin préféré que je m’intéressasse davantage à sa personne et à ses évidents attraits qu’aux villes matières qui ne manquèrent pas d’exciter mon système platoniquement cognitif. Que croyez vous qu’il advint? À mon grand dam, c’est de la psychosociologie que je m’épris au prix de passer le reste de mes nuits dans l’univers cauchemardesque qu’elle me légua en punition éternelle! Rassurez vous, j’ai trouvé, sur un autre continent il est vrai, chaussure à mon pied. Elle me le prit sans trop s’intéresser à ma psycho-sociologie qu’elle m’aida quand même (grâce à sa connaissance de l’anglais et ses dons de dactylo) à transformer en « étude américaine et protestante de la communication. »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *